L’hiver approche et on sent déjà poindre des factures énergétiques bien poivrées. Le réchauffement climatique, qui n’en finit pas de ne pas arriver, ne permet pas de tabler sur des hivers doux et le chauffage coûte conséquemment de plus en plus cher. D’autant que le gouvernement, en bon collectiviste qu’il est, s’emploie à rendre encore plus rares et plus chères les ressources énergétiques du pays.
On se souvient qu’il y a à peine un mois, il avait d’ailleurs lancé l’idée complètement idiote d’un tarif progressif de l’énergie, idiote tant sur le principe que sur la mise en pratique ; dans le principe, cela revenait à discriminer le consommateur en fonction de son revenu — et au revoir l’égalité — et dans la pratique, cela imposait une myriade de collections de données personnelles par des moyens tous plus invasifs les uns que les autres, en parfait petit Big Brother orwellien que le gouvernement veut devenir.
En plus, la proposition de loi était à ce point mal boutiquée qu’elle a dû être retirée promptement et discrètement pour éviter un échec retentissant à l’Assemblée, sans compter que la mise en application des principes de bonus/malus proposés est si compliquée que même les articles d’éclaircissement dans la presse grand public donnent … froid dans le dos.
Mais ce qu’il y a de particulièrement préoccupant dans ces manœuvres politiciennes amphigouriques, c’est qu’elles visent en définitive à amoindrir les effets catastrophiques provoqués par l’État en premier lieu. Autrement dit, les élus planchent sur le rattrapages d’usines à gaz d’élus précédents en proposant leur propre usine à gaz.
En effet, l’énergie, en France, est une véritable pétaudière incompréhensible où la moindre modification des lois et tarifs se transforme en lâcher d’épileptiques dans un champ de mine (et si l’on en croit les prévisions, les explosions — de prix notamment — ne sont pas prêtes de s’arrêter). Il suffit pour s’en convaincre de jeter un oeil à une banale facture EDF. En général, le consommateur, résigné, s’arrête à ce morceau-là :
Au dos de ce tarif, on trouve pourtant le détail ci-dessous qui provoque immédiatement quelques questions :
La consommation s’établit donc, dans notre exemple, à 222.72 euros, et l’abonnement à 15.42, soit donc un total de 238.14€. Sur cette somme, il faut ensuite rajouter les taxes et contributions pour un montant de 53.12€, puis les taxes sur les taxes (oui oui, vous ne rêvez pas, la TVA s’applique aussi aux taxes déjà perçues) pour un montant de 54.58€. La taxation complète monte donc à 107.70€.
Dit autrement, dans le cas de cet exemple d’une banalité parfaitement coutumière à un nombre important de familles françaises, l’État gobe plus de 45% de taxes diverses justifiant son existence et la façon dont il distribue généreusement son électricité (généreusement, mais pas gratuitement). Dans ces 45%, on trouvera une part non négligeable d’abondement aux comités d’entreprises des sociétés distributrices, qui, comme on le sait maintenant, servent dans le cas d’EDF et de GDF de financement à peine camouflés à des syndicats.
Rien qu’à ce stade de la réflexion, il est piquant de constater que si l’Etat était à ce point concerné par le pouvoir d’achat de ses administrés, la simple baisse des taxes, sans rien toucher des tarifications de l’énergie elle-même, permettrait de dégager des marges de manœuvre (les baisses fiscales pouvant être largement compensées par une vraie baisse des dépenses ailleurs).
Allons plus loin. Dans la précédente facture, on note que 10% du prix (soit un peu plus de 34€) est lié aux énergies renouvelables. Cette question des énergies renouvelables mérite plus qu’une petite phrase au détour d’une conversation de comptoir.
En effet, en se penchant sur cette question, on peut exhumer un récent rapport de la Cour des Comptes, consacré au coût de développement de la filière nucléaire. On trouve (p.48) que ces investissements s’élèvent en tout à 188 milliards d’euros, et les dépenses courantes (p.81) à 9.6 milliards d’euros par an. Si l’on additionne ces investissements initiaux et les charges futures actualisées, on trouve un total pour le nucléaire de 226.4 milliards d’euros. Mettons 230 milliards et n’en parlons plus.
Le nucléaire, c’est plus de 10.000 Terawatt.heures de production électrique. Le démantèlement de ce nucléaire, estimé par des experts, varie entre 12 et 36 milliards. Même en prenant l’hypothèse haute et en démantelant demain les centrales sans qu’elles produisent un seul kWh de plus, le kWh d’origine nucléaire nous aura donc coûté 2.7 centimes d’euro à la production (hors frais d’acheminement, d’entretien du réseau, etc).
Si l’on compare ce coût avec celui de l’éolien, on ne peut que faire la grimace : avec, en France, 140 TWh produits en 2010 pour 6 milliards d’euros, cela fait 4.3 centimes du kWh, soit substantiellement plus que le nucléaire (et ce coût n’inclut aucun démantèlement, car chacun sait que les grosses turbines éoliennes seront toujours en parfait état dans 20 ans). Ce coût ne tient évidemment pas compte non plus des dégâts environnementaux nécessaires à la collecte des terres rares utilisées dans les aimants permanents de ces turbines (on s’en fiche, les petits Chinois qui meurent à cause de l’exploitation du néodyme sont loin des yeux écolos, donc loin de leur cœur). Et bien évidemment, ce coût n’inclut pas non plus les nombreuses subventions qu’il aura fallu payer à l’installation des éoliennes, aux entreprises qui les fabriquent, au rachat par EDF de l’électricité produite, et aux coûts engendrés pas le déploiement ou la maintenance des installations thermiques traditionnelles pour compenser les baisses de régime des éoliennes (parce que le vent, il n’y en a pas tout le temps, au contraire de la demande en électricité).
Pour le photovoltaïque, la plaisanterie est plus amère encore. En France, un panneau d’un mètre carré produit en moyenne 100 kWh par an, un peu plus dans le Sud, et un peu moins dans le Nord, et pendant 20 ans, à la louche. Cela fait donc 2000 kWh de production par m² (en omettant, par facilité, la baisse de rendement avec l’âge). Si l’on revient à la facture EDF ci-dessus, on constate que la part d’électricité d’origine fossile en France est de 8%. Un mètre carré de panneau économisera donc pendant sa vie le pétrole nécessaire pour produire 160 kWh d’électricité, soit environ 34 litres de carburant. Pour sa fabrication, ce panneau, fabriqué en Chine, aura nécessité une centaine de litres de carburant (sans parler de son transport et de son installation). Ce qui veut dire que pour chaque m² de solaire en France, on a cramé environ 70 litres de pétrole qui ne seront jamais remboursés par la production verte induite (pour rire, cela fait 160 kg de CO2 supplémentaires dans l’atmosphère, en pure perte, pour … lutter contre le CO2 dans l’atmosphère).
Autrement dit et dans un cas (l’éolien) comme dans l’autre (le photovoltaïque), l’énergie gratuite de mère nature et distribuée généreusement pour rien par Gaïa coûte un pont.
Et alors que le prix du pétrole augmente à mesure que le dollar et l’euro s’effondrent, et que les tensions dans les pays du Moyen-Orient s’accroissent, le pompon de cette affaire reste que la France s’est elle-même interdit d’utiliser les ressources de son sol, favorisant ainsi par écologie mal gobée les lobbies du nucléaire : haro sur le gaz de schiste ! Bien sûr, on trouvera toujours pour expliquer ce choix consternant des gogos prêts à défendre les fadaises ridicules sur le mode « Gasland ». A ce sujet, le documentaire Truthland mérite le détour :
Les tarifs de l’énergie, en France, vont continuer à grimper. Comme d’habitude, ce seront les personnes les plus en difficultés, les classes sociales les plus défavorisées puis les classes moyennes qui en souffriront le plus. Des solutions, pour baisser les tarifs, maintenant et de façon efficace, existent, que ce soit par la diminution des taxes, par l’arrêt des aventures « renouvelables » coûteuses et inutiles, et par l’exploitation sensée des ressources disponibles.
Mais aucune de ces solutions ne sera employée pour des raisons purement dogmatiques. En France, on préfère se peler les miches et avoir une énergie coûteuse, parce que souffrir et faire souffrir, c’est s’imaginer protéger la planète, c’est croire construire du lien social, et c’est surtout la bonne méthode pour rendre tout le monde égal dans le besoin.