Le samedi 22 mars 2008, lors de l’escale de Ouagadougou, la compagnie Air Burkina demande aux passagers qui ont embarqué une heure plus tôt à Bamako de présenter leurs pièces d’identité aux agents de sécurité d’une société privée, qui viennent de monter dans l’avion (1). Trois d’entre eux scrutent attentivement les passeports des passagers africains. Des passagers protestent contre ce contrôle inopiné.
http://www.educationsansfrontieres.org/spip.php?article12511
27 mars 2008
Le samedi 22 mars 2008, lors de l’escale de Ouagadougou, la compagnie Air Burkina demande aux passagers qui ont embarqué une heure plus tôt à Bamako de présenter leurs pièces d’identité aux agents de sécurité d’une société privée, qui viennent de monter dans l’avion (1). Trois d’entre eux scrutent attentivement les passeports des passagers africains. Des passagers protestent contre ce contrôle inopiné.
Le responsable du contrôle met en doute l’authenticité de la carte de résident d’un commerçant sarakole. Le ton monte. Le commerçant dit qu’avec de telles méthodes, la compagnie n’aura plus un client d’ici deux ans. L’agent de sécurité lui répond que pour tout passager non admis sur le territoire à l’arrivée par la police aux frontières, la France facture 5000 euros à la compagnie. Selon lui, les autorités maliennes sont trop laxistes sur les contrôles à l’embarquement à Bamako et laissent embarquer des personnes avec des faux passeports.
Air Burkina préfère débarquer les personnes pour qui elle a un doute quitte à leur repayer ultérieurement un billet pour Paris si jamais les passeports s’avèrent authentiques. Ce soir-là, les agents de sécurité font descendre trois hommes de l’avion pour « vérification des documents ». Une passagère s’émeut de leur sort. Un agent l’informe qu’ils seront immédiatement refoulés sur Bamako.
Un membre du personnel de bord tente de justifier la méthode « vous comprenez, s’il y a plus de 10 inadmis sur un vol, il ne rapporte plus rien financièrement à la compagnie ». Manifestement, tous les passagers ne sont pas sensibles à cet argument, mais auprès de qui se retourner pour faire valoir ses droits ?
Suscitant le malaise des témoins impuissants de ces « opérations de sélection », cette logique insidieuse de sous-traitance et de privatisation des contrôles aux frontières entraîne un traitement discriminatoire des voyageurs africains et des manquements inévitables au respect des droits des passagers dans une quasi-impunité : comment pourront-ils les faire valoir à Bamako, même quand ils auront été victimes d’abus de pouvoir manifestes ? L’ANAFÉ et RESF s’inquiètent de ce phénomène d’externalisation de la politique répressive de pays comme la France, confiée au bon vouloir de personnels qui ne devraient pas pouvoir se substituer à eux pour exercer des missions de police.
Elles dénoncent cette volonté de renforcer le contrôle des flux migratoires au détriment de la protection et de l’accueil des étrangers et en particulier des demandeurs d’asile. Pourtant, selon le Conseil Constitutionnel, les dispositions relatives aux sanctions des transporteurs « ne sauraient s’entendre comme conférant au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique ». Au contraire, elles ont « pour finalité de prévenir le risque qu’une entreprise de transport refuse d’acheminer les demandeurs d’asile au motif que les intéressés seraient démunis de visa d’entrée en France »(2). L’externalisation des contrôles, qui limite les arrivées aux frontières et interdit l’accès au territoire, renforce gravement cette tendance. En France, comme dans toute l’Union européenne, les gouvernements multiplient les mesures en ce sens :
1. des « officiers de liaison » des Etats membres de l’Union sont envoyés en poste dans des pays tiers pour contribuer à renforcer le contrôle des flux vers l’Europe, par des échanges dans les consulats et des activités de formation mais également en effectuant eux-mêmes des contrôles des documents de voyage dans les aéroports de départ ;
2. des « visa de transit aéroportuaire » sont imposés aux ressortissants de pays de plus en plus nombreux pour rendre toujours plus difficile le transit et l’arrivée dans nos aéroports européens(3) ;
3. des « sanctions » sont imposées aux transporteurs pour les « responsabiliser », ce qui les incite à sous-traiter les contrôles à des agences privées de sécurité difficilement contrôlables.
Notes
1 Depuis 2004, les compagnies aériennes CAM et Air Burkina partagent un Airbus A319 qui relie trois fois par semaines Bamako à Ouagadougou puis Paris
2 Décision du 25 février 1992, partie sur l’asile, paragraphe II de l’article 20 bis.
3 Cf. le communiqué de l’Anafé, Et encore deux nouveaux visas anti-réfugiés somaliens et tchétchènes !, 4 février 2008)
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