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culture et handicap pour la reconnaissance d'une citoyenneté créatrice

Publié le 19 octobre 2012 par Micheltabanou

Le 3 octobre dernier, Bernard Rivy, maire-adjoint à la culture de Cormeilles-en-Parisis, fondateur du CNTLA (Conseil national des loisirs et du tourisme adapté) et président de MESH Musique et situation de handicap) a animé une session de formation sur le thème ‘‘Collectivités territoriales, culture et handicap : comment envisager une politique culturelle pour tous ?” Le 11 octobre, à la suite du Conseil d’administration que la FNCC a tenu à Bordeaux, Michel Tabanou, maire-adjoint à la culture de Fontenay-sous-Bois, membre du Conseil d’administration de la FNCC et Jean-Pierre Numa, administrateur du CRTH (Centre ressources théâtre handicap/CRTH), ont proposé un séminaire de sensibilisation aux questions de culture et de handicap.

Dans le cadre d’une orientation forte de l’activité de la Fédération en faveur d’une politique culturelle centrée sur les personnes et la reconnaissance de leur citoyenneté créatrice, un groupe de travail ouvert va être institué. Sur cette question transversale, il s’adresse à l’ensemble des élus, que leurs missions soient celles de la culture, des affaires sociales ou de la santé, ainsi qu’aux professionnels et aux représentants des secteurs associatifs.

Quelques échos des principales thématiques concernant la culture, le handicap et les politiques publiques. Les diverses dimensions des politiques en direction du handicap. Il y a la loi – celle de 2005, qui doit pleinement s’appliquer en 2015 mais ne le sera pas (cf. la Lettre d’Echanges n°93). Il y a l’esprit de la loi qui porte à raison l’ambition d’une reconnaissance globale de l’ensemble des handicaps, physiques ou psychiques, visibles ou invisibles, durables ou passagers, assumés ou cachés, et affirme qu’aucun d’eux ne doit être une barrière pour la réalisation des choix de vie. Cela passe par la notion d’« accès de tous à tout » aux lieux de travail et au travail lui-même, à l’éducation, aux œuvres, aux pratiques et aux équipements, notamment culturels et, plus largement, à la reconnaissance d’une pleine citoyenneté qui ne saurait tolérer aucune entrave qui ne puisse être compensée et aménagée au nom de la solidarité nationale. Et puis il y le terme, qui distingue et risque toujours d’exclure, de stigmatiser : faut-il parler de personnes handicapées ? de personnes en situation de handicap ? et souvent d’induire à la condescendance, parfois à la moquerie (en particulier pour les malentendants). Et les arts, cette dimension première de l’intelligence sensible dont l’objet même est de traiter avec la difficulté d’être quelle qu’elle soit et dont l’effet est de convier chacun au partage de la sensibilité, toujours nourrie de joies et de douleurs mêlées ?

Il y a également la politique, nationale ou de proximité, qui sait sa responsabilité mais ne sait pas toujours comment faire, qui se plie aux normes mais se doute que l’approche technique reste insuffisante, qui cherche des interlocuteurs associatifs, interroge les habitants, entreprend des travaux, embauche des architectes et dépense sans toujours avoir de visibilité suffisante ni de ligne budgétaire assez conséquente. Rares sont les secteurs de la société civile aussi bien représentés en associations, mais souvent de manière trop sectorisée, type de handicap par type de handicap, et avec bien peu de dialogue. Parfois la défense des intérêts légitime des personnes handicapées tourne au lobbying.

Parfois encore, les personnes souffrant d’un handicap tendent à le camoufler. La souffrance se fait alors invisible et sa prise en compte par la puissance publique impossible. Tout comme la solitude des proches, dépassés, épuisés. Enfin, il y a la sectorisation du politique, avec des services qui travaillent chacun de leur côté, ce qui contribue à privilégier une approche strictement matérielle du handicap, faisant sans s’en apercevoir des personnes en chaise roulante le ‘‘modèle” de la personne handicapée, du plan incliné et de l’ascenseur l’alpha et l’oméga des actions en faveur de l’accessibilité. Le handicap est une difficulté de vie intime, singulière, aux formes toujours différenciées. Reprenons des distinctions faites par Bernard Rivy lors de la session de formation de la FNCC. C’est un défi pour l’action politique qui, par nature, se déploie dans le collectif et le général, qui rédige des lois, édicte des normes, cherche l’intégration à tout prix et, sans toujours le savoir, oscille entre une approche sociétale, d’origine protestante, ou morale et culpabilisante liée à une vision catholique (le handicap serait le signe du mal, du péché, d’où parfois une tendance à la culpabilité des personnes qui en souffrent ou des parents qui s’en sentent responsables…). Et comment choisir aussi entre une politique spécifiquement mise au service des personnes handicapées ou de la population en général, dont les personnes handicapées ne sont que l’un des segments ?

L’accès à l’avenir.

 Michel Tabanou. Les politiques en direction du handicap sont une nécessité, une exigence pour le vivre-ensemble, car cela relève d’une véritable exclusion. Mais comment ôter à cette question ce qui la rend parfois pénible ? On ne parle que des contraintes…

L’accessibilité n’exige pas toujours la réalisation d’un équipement permettant la fréquentation des bâtiments. C’est aussi l’accès aux métiers et notamment à l’immense panoplie des métiers de la culture. Il y a ainsi l’accès comme public, mais aussi l’accès comme acteur. Ainsi que l’accès aux pratiques artistiques elles-mêmes. Tout le monde a le droit de pouvoir tenter le chemin de l’artiste. C’est l’accès à l’avenir. Il faut sensibiliser à la possibilité de pouvoir faire, à être autonome. Le handicap n’est pas une question technique mais une exigence d’humanité.

Dans certains cas, il ne s’agit pas seulement de permettre aux personnes handicapées d’accéder à la culture mais il s’agit de reconnaître leur culture propre, comme celle des sourds. J’essaie d’ailleurs désespérément d’inscrire la langue française des signes dans la francophonie…

La chaîne de cohérence.

Jean-Pierre Numa. Il importe de prendre en compte le handicap dans l’ensemble de ses dimensions. Une sortie d’hôpital après une lourde intervention met les gens en situation de handicap. Le sida également. D’autres personnes peuvent avoir à vivre plusieurs handicaps simultanés. Il faut une appréhension globale et réfléchir à tous les besoins. Ce qui suppose également d’être en mesure d’accompagner, notamment sur les questions culturelles, l’ensemble des acteurs, professionnels publics, privés ou associatifs.

Une autre chose est capitale : on a bien souvent affaire à des personnes qui ont longtemps vécu très isolées, sans aucun accès à la culture pendant de longues années. C’est alors toute une éducation à la culture qu’il faut entamer afin de restaurer ce que nous appelons ‘‘la chaîne de cohérence”. Or bien souvent le handicap est abordé de manière technique ou législative, pas au niveau humain. Et alors on passe à côté de l’enjeu du vivre-ensemble.

Le handicap, l’élu…

Michel Tabanou. Nous, élus, sommes là pour tâtonner… Et soudain on comprend que, par exemple, l’accès aux archives, à la capacité d’accéder à son propre passé, est essentiel. Certes, nous n’avons pas de ‘‘copie à rendre” en tant qu’élus. D’autres que nous sont là pour gérer les choses. Il ne faut donc pas dramatiser et au contraire traiter ces questions normalement (il y a souvent un problème lié au fait que les élus en charge du handicap en vivent souvent au quotidien la situation, chez l’un de leurs proches par exemple). Pour ma part, c’est une préoccupation immédiate, pour ainsi dire une vocation humaniste naturelle, car j’éprouve toujours une grande douleur à voir l’exclusion. C’est ainsi. L’élu se dit souvent, pour répondre à tel ou tel constat de difficulté : qu’est-ce que je vais bien pouvoir mettre là ? Donc du ‘‘bricolage’’… Parfois, on sait faire des choses théoriquement, et on ne les fait pas. Ou bien on embauche deux interprètes en langue des signes. Et cela coûte excessivement cher pour deux heures… Le maire s’exclame. Alors on demande à un membre du public qui du coup est privé de toute possibilité d’intervenir et de participer lui-même. Il se sacrifie… Et l’élu ressent un goût amer d’amateurisme… et au-delà. Ceci encore pour dépasser le caractère parfois pénible des choses. Quand on va au-delà de l’aspect contraignant des politiques de prise en compte du handicap, on s’aperçoit bien souvent que les actions entreprises bénéficient à l’ensemble de la population. Il existe, en Seine-Saint-Denis, une friche magnifique, en bord de Marne, qui a fait l’objet d’un aménagement remarquable. C’est un écosystème où l’accès au plus intime de la nature est possible pour tous. Avec notamment des petites cabanes d’affût, pour observer les oiseaux, dont les murs sont percés de trous à toutes les hauteurs. En particulier très bas. Un père explique à son fils que c’est pour les enfants. Non, a-t-il répondu, c’est pour les personnes en fauteuil roulant, ce qui était effectivement l’intention initiale. Le handicap a profité à l’enfant…


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