C'est dans un entretien à plusieurs journaux ce mercredi que François Hollande, que plusieurs chefs d'état européens soupçonnent d'être l'actuel président de la République Française, a déclaré estimer que la sortie de crise était toute proche. Selon lui, grâce aux habiles décisions qui furent prises fin juin, la situation économique européenne va se normaliser dans un grand échange de bisous internationaux...
En effet, pour François, pas de doute, les 28 et 29 juin derniers, on a réglé définitivement la situation de la Grèce. Définitivement comme dans "son compte est bon" ou "le sujet est clos", cela restera à déterminer, d'autant que les mouvements sociaux grecs s'entêtent et ne semblent pas avoir bien compris que les conditions générales annonçaient une sortie de crise.
Et puis, avec la belle union bancaire que toute l'Europe s'attache à mettre en place, les dettes souveraines se sont évaporées : grâce à ce magnifique traité que, pour rappel, il s'était engagé à renégocier et qu'il n'a pas modifié d'une virgule, il semble évident que les subtils mécanismes en cours de mise en place seront à la fois efficaces et pertinents pour transformer le papier de la BCE en richesses palpables et mesurables par le citoyen.
Mais pendant que François touille l'air tiède qui sort de sa bouche sept fois avec sa langue à grand renforts de "heu..." poussifs, le reste du monde continue à tourner. Et par tourner, je veux dire "tourner comme une imprimerie", par exemple : le QE3 (Quantitative Easing n°3) vient d'être récemment lancé par Bernanke, à raison de 40 milliards de dollars par mois depuis mi-septembre.
Immédiatement, les effets positifs se sont fait sentir à gros bouillon : paf, le marché a repris du poil de la bête, deux fois des nouilles et montré ce qu'il vaut à qui le demande et ... Ah non. Le marché de l'emploi américain est resté à peu près atone (ce qui est enquiquinant en ces périodes d'élections). Comme on peut le voir sur les petits graphiques de la Fed elle-même, les effets bénéfiques des politiques de QE sont particulièrement difficiles à distinguer :
Avec tout ce pognon injecté, le taux de chômage est resté globalement coincé en 2009. Pas très fameux. En terme d'inflation, l'effet est là encore pas franchement mirobolant. Le cours du pétrole en once d'or, comparé avec le même cours en dollars, laisse peu de doute sur la valuation réelle du dollar qui, comme toute monnaie papier, tend vers zéro.
La valeur réelle de l'inflation sera donc laissée complètement à l'appréciation du lecteur sachant qu'il y a des phénomènes opposés qui jouent ici : d'un côté, l'énergie tend à devenir plus chère, et avec, certaines matières premières avec une érosion conséquente de la monnaie papier, et de l'autre, les forces déflationnistes sont extrêmement puissantes avec un refus obstiné des populations de s'endetter ou de relancer le crédit. Et la dépréciation du dollar, visible pour le pétrole, l'est aussi sur d'autres matières premières, comme le blé :
Bref, en un mot comme en cent, le Quantitative Easing, ça ne marche pas.
Plus intéressant au milieu de ce triste tableau, ce qui est en train de se passer actuellement au Royaume-Uni mérite qu'on s'attarde un peu sur la question. Pendant que les Américains continuent de tester leurs capacités en matière de reprographie, les Anglais, eux, encaissent une solide récession (-0.7%, à près de 4% de baisse depuis le haut de 2007) et... des indices de production industrielle (10% du PIB) qui augmentent de 4 points sur les deux dernières années, avec une hausse annuelle de 3.2% en Juillet. Du côté du chômage, on note aussi (tiens ?) que près de 700.000 emplois ont été créés depuis 2010 sachant que dans la même période, 660.000 employés du secteur public ont été licenciés dans le cadre de la politique de consolidation budgétaire et de la restructuration de l'Etat lancée par Cameron. Le taux d'emploi de la population active a aussi augmenté de 4 points par rapport à 2008 et est à son plus haut niveau jamais atteint.
Apparemment, cette croissance est inégale puisque l'Angleterre connaît un véritable essor dans les services et les productions industrielles de haute technologie. Dans le même temps, on observe aussi une contraction des autres activités (la partie financière, notamment) avec une augmentation de la durée de chômage de certaines catégories de personnes, celles dont la formation ne correspond pas à ces sociétés de service ou de hautes technologies. Il est frappant de constater que l'industrie anglaise est tirée par les entreprises hitech, très spécialisées, et une perte complète de vitesse d'autres domaines, quasi-sinistrés.
Les bénéfices de ces sociétés croissaient ainsi de 23.7% en 2011 et la valeur des actions correspondantes surperformaient le reste de l'indice industriel (FTSE) de 334%, alors que 92% des ventes sont réalisées hors du Royaume-Uni et 65% dans les pays émergents. On découvre ainsi que les exportations hors d'Europe ont atteint un niveau record en Juillet et le déficit commercial est tombé à son plus bas niveau en 17 mois.
Le paradoxe britannique se résume à ceci : la part de l'industrie dans le PIB est de 10%, mais sa contribution à la croissance est de 20% depuis 2007, et cet écart a tendance à augmenter. Pendant que la France s'enfonce et que les Etats-Unis impriment à tout va, Londres devient tranquillement un substitut de la Silicon Valley : 1 milliard de dollars y ont été investis dans les six premiers mois de l'année 2012.
D'ailleurs, un petit graphique, issu de ce PDF, illustre de façon intéressante cette tendance :
Le coût de la main-d’œuvre anglaise diminue doucement, pendant que celui du reste de la zone euro explose.
Entre ces différents éléments (où l'on voit que le gouvernement fait à peu près l'opposé de ce qu'il faut pour relever le pays) et l'optimisme béat affiché par Hollande devant les journalistes et à la suite de sa rencontre avec Merkel, on ne peut aboutir qu'à une unique conclusion : la sortie de crise, ce n'est vraiment pas maintenant. Pire, ce pays est foutu.
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