En ce moment, je fais
dans les héros récurrents. Que voulez-vous, quand on se prend
d'affection pour un personnage, on aspire toujours à le retrouver à
un moment ou à un autre... Même si, pour cela, il est parfois possible d'éprouver une sorte de lassitude à son égard. Cela
n'a pas encore été le cas avec Joe Pickett, garde-chasse du
Wyoming. Et, à peu de choses près, je pourrais répéter ce que
j'ai déjà dit en guise d'introduction à la lecture de l'ouvrage
précédent, Sanglants trophées. Oui, l'engouement est toujours là,
bien là et rien ne laisse supposer qu'il va s'arrêter à cet
épisode. Quelques indics m'ont assuré que ce ne serait pas le cas.
Si leurs informations venaient à être fausses, j'ai les moyens de
leur en faire voir de toutes les couleurs, en leur faisant lire mes
premiers romans d'amour.... et même les derniers. La punition
suprême aura lieu en cas de récidive, avec mes polars. Ils le
savent. Alors je leur fais un peu confiance.
Cette fois-ci, point de
phénomènes étranges ou mystiques. L'Office des forêts demande à
Joe de remplacer au pied-levé le garde chasse du Comté de Jackson.
Will Jensen, son collègue et ami, s'y est en effet donné la mort.
Trop de pression professionnelle, un divorce récent, l'attitude de
l'homme avait changé du tout au tout ces derniers temps. De nature
calme et raisonnable, attentif aux autres, l'homme ne se contrôlait
plus. Il buvait, troublait l'ordre public, cédait à la paranoïa.
Son suicide est survenu à un moment où les autorités n'auraient
plus été en mesure de dissimuler ses frasques. Naturellement, Joe
accepte sa nouvelle mission, il y voit peut-être là l'occasion de
quitter à terme son propre Comté, où sa situation est de plus en
plus précaire. Il sait cependant que le contexte à Jackson est
particulier, qu'il sera attendu au tournant par pas mal de monde. Il
le sait mais il est bien déterminé, comme d'habitude, à accomplir
sa mission et à tenter de comprendre ce qui a pu pousser Will à se
donner la mort.On prend les mêmes et
on... ne recommence pas. C'est sans doute là l'une des clés de la
réussite de cette série. Il y a bien sûr des constantes, comme
cette représentation presque systématique de lutte de David contre
Goliath que C.J. Box met en place. Joe Pickett doit sans cesse faire
ses preuves face à une hiérarchie récalcitrante et à des hommes
d'affaires puissants, prêts à l'écraser à la moindre occasion,
n'hésitant pas non plus à tenter de l'amadouer ni à s'efforcer de
briser la carapace de son intégrité. La restitution de cette lutte
est telle que personnellement je ne peux qu'y adhérer, et j'avoue
qu'il y a bien des fois où j'aimerais me glisser dans sa peau à
Joe, me planter devant la tête de buse en face de lui [moi] et y
aller de mon impressionnante carrure – ne vous méprenez pas, je
faisais ça gamin en sortant des westerns [ou du film Starfighter ;
ou Indiana Jones; ou... liste non exhaustive], je revivais les scènes
à renfort de bruitage ; quant à la carrure, je repasserai,
cela va de soi.Ceci dit, il est pénible
le Joe, il a des valeurs qu'on voudrait bien voir un peu moins
tranchées parfois, qu'il se laisse un peu aller, qu'il lâche un peu
du lest mais, comment dire, on ne peut pas le changer comme ça non
plus, d'une simple volonté de lecteur. Et puis si Joe n'était pas
Joe, peut-être cette série n'aurait-elle pas le même attrait ? Allez savoir...
Au fil des tomes pourtant, le garde-chasse prend quand même du poil
de la bête... sans vouloir faire de jeu de mots. Sa naïveté semble
s'étioler au fur et à mesure, et il n'hésite pas à faire front
lorsque cela s'avère nécessaire. Au regard des aventures qu'il a
traversées, on comprend aisément qu'il rechigne encore à se laisser
marcher sur les pieds.