Eliane BIEDERMANN et Annie VILLARET : « CONVERSATIONS D’OISEAUX », Intervention à Haute Voix, 2012.
Le haïku est, par vocation, une poésie de l’éphémère. Une poésie qui, au travers d’une soudaine et intemporelle fulgurance, réalise (et c’est cela qui nous fascine) le prodige, le miracle de réunir la légèreté de l’instant fugace à la contemplation profonde.
Les poèmes qui s’égrènent ici, dans cette assez mince plaquette, sont des poèmes brefs de trois vers chacun qui, s’ils ne respectent pas à proprement parler les règles rigides et exigeantes de cet art japonais (à savoir un vers de sept pieds pris en sandwich entre deux vers de cinq), sont à tout le moins écrits dans l’esprit du haïku et se caractérisent donc par le dépouillement incisif autant que par le sens aigu et subtil du temps qui passe. Toujours selon l’esprit du haïku, on y voyage de saison en saison au rythme d’effleurements descriptifs ailés et d’émotions discrètes (un peu désabusées ?).
Les chants et les univers des deux poétesses (Eliane Biedermann et Annie Villaret) se font si harmonieusement écho qu’ils semblent émanés par une seule et même sensibilité.
L’ensemble, très visuel, ponctué de multiples points de couleur (exemples : Feuilles rouges / accrochées en dentelles / sous l’arbre maigrelet ; Nature éclatée / terre verte et brune / dans la chaleur intense) donne une impression d’apesanteur fort reposante.
La nature est là. Centrale et omniprésente. Lieu de retranchement. De marge. Lieu d’immuabilité, d’amplitude et de dépassement tranquille de soi, de tout. Sans doute, même, également, lieu de consolation secrète.
A travers elle, ce que l’on célèbre, c’est la simplicité de la vie, ce que l’on recherche à toute force, c’est la nudité quasi diaphane de l’essentiel. Et ce que l’on trouve, assurément, c’est une sérénité qui régénère.
Après une telle lecture, le moins qu’on puisse dire est qu’on se sent nettement plus léger. On a, pour ainsi dire, la sensation d’avoir respiré un grand bol d’air. Et – croyez-moi – ça fait du bien !
Pétarades du quatorze juillet
au loin commencent
sans troubler l’eau de l’étang
(Eliane Biedermann).
Couleurs en liberté
symphonie en doux majeur
pleurs de libellule
(Annie Villaret).
P. Laranco