Les États africains n’ont pas vraiment besoin d’un fonds de la Banque mondiale pour profiter de leurs propres ressources naturelles. Le problème réside au sein des États africains eux-mêmes, qui refusent farouchement de faire profiter leurs populations locales de ces concessions pétrolières.
Par Chofor Che (*).
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.
Siège de la Banque mondiale.
La Banque mondiale a créé un nouveau fonds, qui, selon elle, aidera les pays africains comme le Nigeria, le Cameroun et la Guinée équatoriale grâce à des conseils juridiques sur la façon de négocier de meilleurs contrats avec des investisseurs privés dans le secteur pétrolier et gazier. Ce fonds de la Banque mondiale a été créé lors de la réunion du 4ème anniversaire de l’Union monétaire de la Zone franc à Paris début octobre 2012, où étaient présents plus de 20 ministres africains des finances. La Banque mondiale est optimiste quant au fait que ce fonds aidera les États africains à se prémunir contre les risques inhérents aux contrats de concession pétrolière avec des investisseurs privés, et offrira également une assistance technique pour lutter contre les risques sociaux.
L’Afrique possède 15 pour cent des réserves mondiales de pétrole, environ 80 pour cent des métaux de type platine et 40 pour cent de l’or. Avec une telle richesse, la Banque mondiale est d’avis qu’il y a nécessité pour les États africains de bien tirer profit de leurs ressources naturelles.
Selon le rapport de la Banque mondiale Doing Business 2012, la production de pétrole n’a cessé de croître en Afrique et devrait continuer à augmenter à un rythme moyen de 6 pour cent par an dans un avenir proche.
Makhtar Diop, Vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique est d’avis que le nouveau fonds travaillera main dans la main avec la Banque africaine de développement et d’autres partenaires de développement pour parvenir à de bons résultats. Il a ajouté que ce fonds accueillera le soutien potentiel d’autres bailleurs de fonds et de pays, afin de lui permettre de répondre aux préoccupations des États producteurs de pétrole et de gaz en Afrique. Pour lui, « il est clair que l’Afrique est assise sur une richesse extraordinaire et que ces ressources naturelles pourraient être transformationnelles pour le continent » .« Être capable de négocier les offres le mieux possible est essentiel pour les pays africains afin de convertir davantage leur richesse venant des ressources naturelles en croissance inclusive et durable », a-t-il ajouté.
La Banque mondiale reconnaît que l’utilisation de la rente de la ressource pour le développement peut représenter un sérieux défi pour les pays africains. Les concessions pétrolières sont très complexes et les États africains qui négocient de telles concessions peuvent être moins bien informés à propos des dotations géologiques et des détails techniques. Cela confère aux entreprises pétrolières, gazières et minières un avantage sur les États africains, d’autant plus qu’elles peuvent s’offrir le personnel technique ainsi que des avocats grassement payés et compétents. Par conséquent, lorsque les États africains n’ont pas la capacité suffisante pour gérer le processus de négociations, ils sont voués à être désavantagés quand il s’agit de profiter de la rente de la ressource.
La Banque mondiale est donc d’avis que le Fonds serait motivé par la demande, mais dans la phase pilote préliminaire, la priorité serait accordée aux États africains ayant fait d’importantes découvertes de réserves de pétrole, de gaz ou de minéraux, et qui sont dans le processus de négociation et de conclusion des contrats de concession. Les pays ayant la plus faible capacité comme le Cameroun seraient les principaux bénéficiaires de ce fonds.
Même si cette démarche peut être considérée comme une tentative prometteuse pour s’assurer que les États africains comme le Cameroun, le Nigeria et la Guinée équatoriale profitent de leur rente de ressources, en particulier en matière de pétrole et de gaz, il plane encore un doute sur ce fonds. Par le passé, beaucoup de bruit a été fait pour faire en sorte que les Africains bénéficient de leurs ressources naturelles ; beaucoup de bruit pour rien. Il n’y a aucune garantie que ce nouveau fonds de la Banque mondiale soit différent.
Les États africains doivent discuter et négocier avec ces investisseurs privés afin d’inclure des programmes de développement concis autour de ces concessions pétrolières, ce qui permettrait de développer l’infrastructure et l’emploi des jeunes en Afrique. Si l’on regarde les contrats de concession signés entre les investisseurs privés et les États africains, on observe qu’il n’existe pas de dispositions juridiques détaillées sur la façon dont les populations locales devraient bénéficier des accords pétroliers. Les États africains continuent de garder secrètes les recettes provenant de l’industrie pétrolière et gazière. Il ne devrait pas en être ainsi.
Les États africains n’ont pas vraiment besoin d’un fonds de la Banque mondiale pour profiter de leurs propres ressources naturelles. Le problème réside au sein des États africains eux-mêmes, qui refusent farouchement de faire profiter leurs populations locales de ces concessions pétrolières. Typiquement, une fois que les comptes bancaires des négociateurs des États et des administrateurs des États pétroliers en Afrique ont été crédités de quelques millions de dollars, ces gens-là ne se soucient pas des masses qui continuent de souffrir et dépérir dans la pauvreté. Au lieu de créer un fonds, la Banque mondiale devrait obliger les États africains à faire preuve de transparence dans l’utilisation de l’argent obtenu à partir de l’industrie pétrolière et gazière.
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Sur le web.
(*) Chofor Che est associé à AfricanLiberty.org et blogue sur http://choforche.wordpress.com/.