Meditations contemporaines - partie II (by Cecile)

Publié le 13 octobre 2012 par Lifeproof @CcilLifeproof

Et voici la suite de mon périple à Naoshima...

De Honmura, je suis ensuite partie en direction du sud de l'île sur un vélo trop petit pour moi, j'ai donc quelque peu souffert dans les côtes. J'ai emprunté la route qui longe la mer en me disant que ce serait sans doute plus simple (première erreur) et là je suis arrivée à la plage (seconde erreur) : je m'y suis donc arrêtée un petit peu pour profiter du paysage, mettre les pieds dans l'eau (température idéale) et ramasser des coquillages (quand je disais « erreur », ce n'était pas des blagues).


Yayoi Kusama, Yellow Pumpkin / Photo: CR

Et là, au bout de la jetée de la plage Benesse, se dresse, monumentale, une citrouille de Yayoi Kusama : LA citrouille que l'on voit sous toutes les coutures dès qu'on tape le nom de l'artiste dans google images, mythique donc ! Certains croisent Ryan Gosling et tombent d'inanition, moi, une citrouille me suffit... Et là, j'ai fait la queue parce que tous les japonais se photographiaient devant et que ce n'est pas évident de la voir sans personne d'autre autour. De loin, elle semble petite mais elle est plus grande que moi cette citrouille jaune, mais je vous avais déjà parlé là de cette artiste là. Donc passons.

Après cet arrêt, j'ai repris le vélo et je suis arrivée à un embranchement : la route (plate), qui longeait la mer, menait à la fondation Benesse, celle qui montait au Chichu Art Museum était plutôt escarpée à tel point que j'ai failli ne pas y aller (quand je disais première erreur) mais deux vieux japonais m'ont dit que c'était bon pour la santé et que la vue était superbe arrivé en haut, ce qui n'était pas faux...


Chichu Art Museum. Source: internet

Le Chichu Art Museum est une récompense à lui tout seul après cette montée : l'architecture de Tadao Ando est un bijoux d'inventivité, d'imagination, de beauté et d'harmonie. Ce musée est enterré ce qui est la traduction du mot japonais Chichu : on y entre en s'enfonçant dans les profondeurs de la terre. Et, alors que le bruit est continuel dans ce pays (et, à la fin de l'été, les cigales sont particulièrement bruyantes), on entre dans un lieu où règne le silence, mais aussi le vide. Ce musée est un écrin consacré à uniquement trois artistes : Claude Monet, Walter de Maria et James Turrell : tout est mis en place et en scène de telle façon à ce que l'observation des œuvres soit un moment exceptionnel. Sur plusieurs étages, que l'on parcourt en passant par moments à l'intérieur et d'autres à l'extérieur, la lumière est partout. On est sous la terre mais la lumière extérieure et le ciel sont des éléments fondamentaux de deux œuvres.


Walter de Maria au Chichu Art Museum. Source: internet.

La première est de Walter de Maria : on entre dans une pièce immense au centre de laquelle est posée une monumentale sphère en granit noir. Au-dessus,il y a une vitre au travers de laquelle on peut voir le ciel qui se reflète dans cette sphère. C'est comme d'entrer dans une cathédrale : on est invité à se recueillir et à contempler, instant de grâce sous le ciel bleu japonais.


James Turrell au Chichu Art Museum. Photo: CR

Ce ciel, on le retrouve dans une pièce à ciel ouvert consacrée à James Turrell : le tableau, c'est ce ciel et on peut passer autant de temps qu'on le souhaite à, simplement, l'observer défiler au-dessus de nos yeux. Ce n'est pas la seule œuvre de Turrell que l'on peut voir au Chichu Art Museum, il y en a deux autres. Tout d'abord, un monochrome de lumière bleue que l'on peut voir dans le coin d'une pièce mais le plus grandiose c'est peut-être la dernière. Comme dans de nombreux temples au Japon, nous sommes invités à retirer nos chaussures et enfiler des chaussons. De là, je suis entrée dans une pièce et j'ai été accueillie par une guide qui m'a ensuite accompagné dans une pièce au bout de laquelle se trouve un monochrome de lumière encore bleue : cette lumière rayonne dans tout l'espace et je m'y suis retrouvée immergée, for-mi-dable ! Il s'agit d'une véritable immersion dans l'art, la lumière, elle est douce et accueillante.


Les Nymphéas de Claude Monet au Chichu Art Museum. Source: internet

La dernière salle est consacrée au seul artiste non contemporain : Claude Monet, artiste phare du groupe des impressionnistes (1840-1926). Dans une pièce blanche, il y a cinq œuvres issues de la série des Nymphéas : le sol est recouvert de petits cubes de marbre blanc, les murs sont immaculés, tout est fait pour que les œuvres soient mises en valeur : c'est un véritable écrin.


Ishikawa Kazuhiro, A Ransel Boy, 2006. L'art est partout sur les murs de Naoshima. Photo: CR.

Au Japon, sur Naoshima, les musées ferment à 17h, je n'ai donc pas pu tout visiter (petit regret concernant la non-visite de la fondation Benesse et des sculptures en plein air) et je ne suis pas allée dans l'autre port où j'aurais peut-être pu tester le bain public revisité par un artiste, mais ce que j'y ai vu était exceptionnel. Cette île dédiée à l'art contemporain est l'idée de Soichiro Fukutake collectionneur d'art contemporain mais aussi patron d'un groupe d'édition scolaire (Benesse Holdings Inc.) : les lieux ont commencé à ouvrir à la fin des années 1980 et, alors que certains viennent au Japon pour les pèlerinages que l'on peut y faire, Naoshima est devenu le pèlerinage des afficionados de l'art contemporain et les lieux continuent à ouvrir (le prochain ouvrira en 2013). Elle fait partie d'un archipel : deux autres îles sont aussi dédiées à l'art contemporain, Inujima et Teshima. Étonnant non, de trouver de l'art contemporain ici plutôt qu'à Tokyo ? Soichiro Fukutake explique : « Je me suis mis à percevoir les métropoles comme des endroits monstrueux où les êtres humains vivent détachés de la nature et ne cherchent qu’à attiser leurs désirs ».

Cette île répond à cela et fait se rencontrer en un même lieu art et nature. Là, le visiteur peut prendre le temps, observer, profiter, contempler et vivre l'art dans des conditions idylliques...