Franck de La Rivière a dirigé une entreprise de négoce et a parcouru le monde. Dans son dernier livre il nous livre ses réflexions sur son évolution future.
Il est Français et n'est pas tendre avec son pays. Après avoir été la première puissance européenne, la France a été saignée par deux fois: par les guerres de la Révolution et de l'Empire, qui se sont traduites par un million de morts auxquels il faut ajouter un demi-million de Vendéens exterminés, et par la Grande Guerre au cours de laquelle un million trois cent mille soldats ont été tués. En 1945 la France avec son empire représentait 7% des 2 milliards d'habitants de la planète. Aujourd'hui sa population n'en représente plus que 0,9%...Autant dire qu'elle n'est plus une grande nation.
De plus la France souffre du "Trop d'Etat":
"Ce système génère beaucoup trop de fonctionnaires qui génèrent beaucoup trop de papiers inutiles, multipliables à l'infini avec tous les systèmes informatiques qu'ils mettent en place.
Le "Trop d'Etat" empêche les travailleurs de travailler et freine forcément leur productivité...
Il s'ingénie à compliquer tout ce qu'il faudrait simplifier.
Il multiplie les privilèges, la corruption, les assistances tous azimuths, des gaspillages exponentielles."
Et ce "Trop d'Etat" est le fruit du socialisme qui "correspond à une vision statique et non dynamique de l'économie". Pour lutter contre les inégalités le socialisme prélève aux uns pour redistribuer aux autres, moins que ce qu'il a prélevé. Dans des cas limites il collecte des impôts qui coûtent davantage qu'ils ne rapportent:
"La dynamique rétrograde du socialisme est:
- "en faire le moins possible"
- "en donner le moins possible"
- "en recevoir le plus possible""
Ce n'est pas propre à la France, mais à tous les pays de l'Union européenne, à l'exception de l'Allemagne.
Face à l'Europe la Chine a opéré un grand virage, en 1978, avec la venue au pouvoir de Deng Xiao Ping, qui s'est inspiré des leçons données par Singapour, puis par Hong-Kong, pour opérer une véritable contre-révolution.
A Hong Kong, John Copperthwaite, disciple d'Adam Smith, "dix ans durant, a initié une politique de "positive non intervention"", qui s'est traduite par un pouvoir d'achat per capita supérieur à celui du Japon et de l'Allemagne:
"Le poids de l'Etat qui assure cette politique de "positive non intervention" ne pèse aujourd'hui que:
- 10,5% du PNB global de Hong Kong contre
- 20% pour Singapour
- 30% pour le Japon, les USA et l'Allemagne
- 50% (ou plus) pour la France!"
Pas folle, la Chine a préservé Hong Kong telle qu'elle lui a été remise en juillet 1997:
"95% des lois britanniques et/ou européennes demeurent en vigueur."
L'homme choisi par la Chine comme Gouverneur de Hong Kong, Tung Chee Hwa, est un admirateur de "Deng Xiao Ping, Madame Thatcher et Lee Kwan Yew [le fondateur de la République de Singapour], soit les 3 praticiens d'un libéralisme économique moderne".
Et la Chine? Le secret des Chinois est d'avoir importé, transformé, exporté:
"La Chine est le deuxième exportateur derrière les Etats-Unis [...].
En cinq ans la Chine a pu produire:
- 20 000 km d'autoroutes,
- 200 000 km de routes d'excellent standing.
Depuis vingt ans, la Chine a construit plus de 150 villes de plus d'un million d'habitants."
L'avenir de la Chine? Elle comptait 400 millions d'habitants il y a 50 ans. Elle en compte 1,3 milliard aujourd'hui et sa population augmente chaque année de 30 millions. La moitié de sa population assure l'activité industrielle et commerciale et vit dans les zones côtières. L'autre moitié vit à l'intérieur plus ou moins en autarcie. C'est là que la première pourra délocaliser et développer son marché.
Le développement des échanges avec les pays voisins, Malaisie, Indonésie, Philippines, Vietnam, Cambodge, Birmanie ou Thaïlande est assuré par un accord, l'ACTA, qui est essentiellement économique:
"Sans aucune interférence des
- Démon-crassies
- Juristo-crassies
- Bureau-crassies,
- Média-crassies,
dans lesquelles l'UE s'enlise..."
Et les Etats-Unis? Ils ont trois avantages: ils sont la première puissance militaire du monde, mais cela leur coûte cher (un trillion d'USD par an, soit 7% de leur PNB, contre 60 milliards d'USD pour la Chine, soit 2% de son PNB) et ils devront réduire leurs dépenses militaires; ils ont une grande rapidité de réaction; ils dominent encore le monde financier avec leurs USD, mais pour combien de temps?
Alors que les Etats-Unis et la Chine ont une langue officielle commune, l'Europe n'en dispose pas, ce qui est un grand handicap. De plus:
"Le poids de l'UE pourrait être aussi économique car c'est un grand marché mais elle a pris l'habitude de s'endetter et de ne jamais payer ses dettes... Elle demande aux pauvres de subventionner les riches."
Franck de La Rivière explique la réussite de la Chine par le virage opéré par Deng Xiao Ping, par la légèreté de l'administration chinoise, par l'épargne, par la formation de 2 millions d'ingénieurs par an (qui ont 21-22 ans), par le fait que les Chinois commencent à travailler jeunes et beaucoup plus que 35 heures... et qu'ils prennent leur retraite tôt, ce qui leur permet de s'occuper de leurs petits-enfants.
Le monde a donc deux pôles, les Etats-Unis et la Chine, qui s'opposeraient également par la mentalité. Les Occidentaux seraient individualistes et les Orientaux relationnistes. Encore que, selon Eshün Hamaguchi, Président de Matsuchita, interviewé par The Nikkei Weekly le 26 septembre 1992:
"Aucun individu ne peut vivre sans rapports personnels et collectifs. C'est pourquoi le relationnisme est plus naturel et inné chez les êtres humains que l'individualisme."
Francis Richard
Vers un monde bipolaire?, Franck de La Rivière, 112 pages, L'Age d'Homme