On ne sait pas vraiment qui est Bakermat, sinon qu’il est Hollandais, qu’il est jeune et qu’il va révolutionner toute la musique électronique. Oui, rien que ça.
De son vrai nom Lodewijk Fluttert, Bakermat impressionne par sa maturité, sa facilité presque divine de marier un bon gros beat Tech-House et – wait for it – de “vrais“ instruments. Alors bien sûr, la chose n’est pas nouvelle, et on entend déjà les défenseurs de Laurent Garnier jeter leur haine et leurs vinyles pleins de poussière sur leur PC Windows 95 en lisant ces lignes. En effet, le petit frenchy exilé en Angleterre a été un des premiers, sinon le premier DJ à inviter des saxophonistes, pianistes, guitaristes et autres flûto-pianistes à faire des solos enflammés sur ses beats Techno et Deep-House, le tout devant un public en transe (et drogué). Mais alors qu’une grande place était laissée à l’improvisation chez Laurent Garnier (souvenez-vous du tube The Man With The Red Face), tout est calibré au millimètre chez Bakermat. Sur chaque morceau, l’empreinte de Bakermat est là, omniprésente. Le Hollandais a su imposer un style identifiable entre mille, et ce dans les seules trente premières secondes d’un morceau. C’est ce qui fait toute sa force et sa grandeur. A première vue, la ligne directrice choisie parait simple. Si l’on y regarde d’un peu plus près, elle n’en reste pas moins rondement menée et redoutablement efficace : un rythme qui peut paraître bourru, voire agressif au premier abord, se révèle finalement punchy et doux à la fois, une ligne mélodique répétitive qui apparaît comme extrêmement plaisante, et surtout – c’est ce qui fait la marque de fabrique du compositeur – ces solos de saxophone fantasmagoriques qui nous transcende littéralement, à chaque note. La notoriété du Hollandais a véritablement explosée à la sortie du titre Zomer, en mai dernier. La flûte de pan n’avait jamais été aussi bien utilisée dans un morceau de Tech-House, faisant corps avec ces quatre accords plaqués d’une manière définitivement “smooth“. L’été s’annonçait chaud. Mais tout à coup, comme pour nous rappeler que cette saison magique ne dure qu’un temps, le saxo débarque et s’empare de notre corps, nous fait grimper sur notre lit et, comme pris de spasmes bizarroïdes, on se met à jouer de l’air-saxo (si, si, faites le test !). L’explosion de sens est là, on ne sait plus où donner de l’oreille, et pour cause : Bakermat joue avec notre ouïe, et tel un chirurgien du son, il sait parfaitement appuyer là où ça fait du bien.
Tout comme les microbes qui s’accrochent progressivement à votre nez et à votre gorge, vous l’aurez remarqué, l’hiver approche à grand pas, le Zomer s’en va. Mais Bakermat est bon, il est généreux. Le mois dernier, le voilà qui sort deux titres, Uitzicht (à vos souhaits) et Vandaag. L’un n’est pas, encore à ce jour, masterisé, mais délivre déjà toutes les promesses d’un morceau féérique. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, on aime à entendre ce saxo énervé, criard, mal dans sa peau, qui pleure son désespoir sur une mélodie enivrante. Dis, Lodewijk, tu crois vraiment qu’un mastering est nécessaire ? Nous, on l’aime comme ça.
L’autre morceau, Vandaag, replonge, pour votre plus grand bonheur, dans vos cours d’histoire. Monsieur Martin Luther King repasse soudain devant nos yeux, comme échappé des tréfonds de notre mémoire. On revoit cette foule immense, ces acclamations de joie, ces pleurs, ces cris de bonheur, et soudain, c’est l’explosion. Le rythme est donné, à mi-chemin entre la Tech-House et la Deep-House, l’électroswing et la techno ; le style est indéfinissable, ou mieux : il est unique. Une fois de plus, le saxo transforme l’univers mélodique comme par magie. Il nous transporte, posément, apportant cette mélancolie mielleuse venue d’on ne sait où, nous berçant plus profondément au cours de ce voyage merveilleux. I have a dream, that one day, electro music will rise up. Dieu merci, Bakermat. C’est fait.
Il y a quelques jours à peine, le magicien Hollandais réitérait avec Leven, nouveau titre indescriptible car parfait, une fois de plus. Le saxo a laissé sa place à sa petite sœur, la trompette. Celle-ci ne se démonte pas et remplit son rôle, assenant d’un riff du tonnerre les derniers rayons de soleil chauds de ce mois d’octobre. Tu peux partir, Eté, on s’en fout, on a Bakermat avec nous, et pour un petit bout de temps encore : le Hollandais est déjà en studio, en train d’enregistrer avec “le Seigneur des saxophones“, comme il l’appelle, Ben Rodenburg. Un live-set en coopération avec les deux hommes serait également en préparation. Même si aucune date en France n’est prévue pour le moment, on en salive déjà.
Mais, au juste, ça veut dire quoi Bakermat ? Bakermat, c’est le berceau, en Hollandais. Bakermat, le berceau d’une civilisation ? Impossible, il n’y en a qu’un comme lui. Bakermat, le berceau d’une mode ? Trop peu ambitieux, le génie Hollandais n’est pas destiné à être jeté comme un chiffon la saison prochaine, il est là pour marquer durablement la musique. Bakermat, le berceau de l’électro ? Sa musique est transgenre, on ne peut pas le cantonner à de la musique électronique. Bakermat, quoi alors ? Bakermat, le berceau. Tout simplement.