Réaction de Jean Omnes à la réaction de Bruno Besche-Commenge à propos de la note de la Buvette : "Pays Toy story Barèges-Gavarnie, l’appellation des usages
locaux, déloyaux et inconstants. Une imposture !" Il faut suivre...
par Jean Omnes
J’ai lu avec intérêt une partie de la thèse de Bruno Besche-Commenge (1) et dont fait sienne un journaliste local.
Elle concerne les usages des bergers et pasteurs en Lavedan et Pays toy, au niveau des transhumances et des gardiennages de troupeaux.
Dès le départ, notre chercheur fait preuve d’une certaine subjectivité qui ne sied à aucune thèse sérieuse, en attaquant une prise de position, celle conjointe de FERUS et de Baudouin de Menten, qui diffère de la sienne. Curieusement, en guise de préambule, il fait appel à la conférence de Durban sur le racisme et la xénophobie, accusant, avant toute argumentation, ses opposants d’ « eugénistes », car d’après lui, leur argumentaire commun viserait à supprimer des usages ancestraux ! Rien que ça.
De quoi s’agit-il en fait ? Notre chercheur affirme, arguments en ligne, que les troupeaux n’étaient pas gardés depuis la nuit des temps, ils étaient simplement surveillés, ce que conteste Férus et le blog "La Buvette des Alpages". Cette guerre sémantique serait anodine, si derrière cette nuance, ne se faufilait la survie des ours dans les Pyrénées.
Le chercheur veut les supprimer, les seconds les maintenir. En effet, selon notre auteur, il n’y aurait aucune raison que les bergers gardent leurs troupeaux pour les protéger des prédateurs (ours, loups (jadis) et chiens errants, autres bergers d’une autre vallée), car ils ne l’ont, d’après lui, jamais fait. Et de citer quelques « grands témoins » qui affirment d’une seule voix :
- « nos bêtes sont en semi-liberté, c’est là qu’elles sont bien, c’est là qu’elles profitent »[…]
- « Nos bêtes nous les laissons libres, il faut leur [les ndlr] laisser choisir le mouscadé pour mousquer et le lit pour dormir »
- Il ne faudrait surtout pas les stresser, il faut les « rendre heureuses »
- Et d’appeler E. Cordier (1850) à la rescousse avec sa phrase : « l’instinct guide les moutons où ils courent naturellement »
A ce niveau de raisonnement rousseauiste (2), on peut se demander à quoi servaient les lits-caisses portables, les nombreux cuyeus (cuyelas), les chiens et les armes à feu que portait en permanence tout berger.
Il est évident que nombre de bergers propriétaires de troupeaux, pour des raisons de rentabilité, prenaient le risque de les laisser en semi liberté. Surtout lorsque les pacages n’étaient pas trop éloignés de leur ferme ou de leur cabane où ils trayaient les bovins ou les chèvres. Mais ces usages permissifs, bien partagés, ne faisaient pas l’unanimité dans les villages et ne participe pas à la tranquillité des autorités, car ils occasionnaient nombre de litiges entre propriétaires et entre communes aussi bien bigourdanes que béarnaises et aragonaises et entraînaient souvent, nombre de batailles rangées et de vols de troupeaux (A).
L’importance des accords transfrontaliers (comme les conventions entre la ribère Saint-Savin et le Quiňon de Penticosa) est un bon marqueur des litiges occasionnés par ces « vagabondages de troupeaux. » Les imbrications de pacages entre vallées n’étaient pas non plus aptes à simplifier les situations. Les Aragonais de Sallent avaient de droits du coté de la Ribère. Après la Révolution, qui ne reconnaissait pas les indivisions, les biens communs furent gérés par une Commission syndicale qui continua les règlementations prérévolutionnaires.
(A) Un des nombreux exemples, en 1643, 800 bergers aragonais marchèrent sur Cauterets pour brûler le village, suite à des litiges de pacage. En 1652, un vol de chevaux se termina par une guerre rangée, etc…
Les gardiens de troupeau
Pour lutter contre ces vagabondages et éviter tout conflit, nombre de paroisses du Lavedan et du Pays toy employaient des gardiens de troupeaux. Tout était bien défini par greffier ou acte notarié : le salaire, le nombre de bêtes et surtout la délimitation du pacage. Les actes abondent, ils sont irréfutables : nous avons Saint Germes en Saint Pastous en 1756, Vidalos en 1743 qui interdit aux bestiaux qui ne sont pas donné aux pasteurs communs de pacager sur les terres de la commune, Villelongue Argelès. Il était impensable dans un tel contexte de laisser les troupeaux en semi-liberté. Dans certaines municipalités des amendes étaient prévues pour les contrevenants. La paix entre vallées était à ce prix.
En résumé, il est un fait indéniable que certains troupeaux, souvent peu nombreux, étaient surveillés par leurs propriétaires à leurs risques, mais la majorité, surtout des grands troupeaux, nécessitait un gardiennage permanent durant la durée des estives.
Et c’est ce gardiennage que préconisent Férus et Baudouin de Menten, au grand dam de certains éleveurs qui voient là une entrave à leur liberté et une réduction de leur marge. Mais la survie de l’ours en dépend.
(1) Bruno Besche Commenge est chercheur au Centre de Linguistique et de dialectique à Toulouse. Il a publié Le savoir des bergers de Casabède, Toulouse : Éditions Jean-Louis Fossat, 2 vol.
(2) De nos jours on dirait de bisounours. Il est vrai qu’E. Cordier était un spécialiste des Légendes de Bigorre.
Jean Omnès
Jean Omnès né en octobre 1942 à Lourdes (H-P) de mère néerlandaise et de père français est un auteur voyageur d’ouvrages régionalistes, ancien collaborateur libre du Routard. Il gère la page Facebook "Les amis du Lavedan et du Pays Toy"
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