Et puis voilà. En fin de semaine dernière, l'Elysée communique maladroitement sur la formation d'une équipe dédiée à la surveillance du Web, en des termes plutôt étonnants :
"Surveiller tout ce qui se dit sur la Toile, de traquer les fausses rumeurs et de déjouer toute désinformation à l'encontre du Président. L'objectif: contre-attaquer aussitôt.".
A la tête de cette cellule est censé se trouver alors Nicolas Princen, jeune Normalien et diplômé HEC déjà impliqué dans l'animation de la Web-TV du candidat Nicolas Sarkozy. On le voit notamment apparaître sur plusieurs vidéos, micro à la main, prêt à interviewer quelques soutiens au candidat. Fort de ce succès, le site ayant permis à son niveau de communiquer et donc de participer à la victoire du candidat, Nicolas Princen s'est donc vu récompensé. Récompensé ?
On peut se poser la question, tant la mission paraît ambitieuse, voir hasardeuse. On imagine bien comment les conseillers du Président essaient tant bien que mal d'analyser la chute de la côte de confiance, en fustigeant les médias, experts...et internautes, adeptes du détournement de sens que les outils technologiques leurs offrent à moindre frais. On imagine bien comment ils en sont venus à parler d'image, de notoriété, de vecteurs de communication de ces déstabilisations, rumeurs et autres informations au caractère viral indéniable. Et on imagine donc bien comment la réflexion est née, comment le désir de constituer une force de surveillance, puis de frappe est née dans leurs esprit, mais tout de même...
1. Si surveiller l'information qui parcours le Web semble quasiment impossible, se doter de moyens pour mettre en œuvre une veille pertinente le semble encore plus. On peut donc se demander de quels moyens dispose ce jeune diplômé, qui, au passage, ne semble pas avoir été formé spécifiquement à de telles pratiques. Les quelques heures dévolues aux cours d'intelligence économique à HEC me semblent un peu justes pour former un spécialiste, non ?
2. L'erreur de communication en est-une ? S'agit-il vraiment d'une prise de conscience de la puissance d'Internet comme vecteur d'image, dans le bon comme dans le mauvais sens ? S'agit-il d'une tentative d'occuper le terrain sur le Web, en concentrant le buzz sur les moyens plutôt que sur le fond ? Ou s'agit-il d'une simple erreur de communication de l'Elysée ?
3. Le buzz généré autour de cette histoire est particulièrement efficace car les bloggeurs se sentent épiés, regardés, menacés. Epiés : qu'ont-ils à cacher ? Regardés : n'es-ce pas l'un des objectifs du blog ? Menacés : les récentes affaires comme celles de Fuzz font mal au coeur, mais es-ce pour autant révélateur d'un véritable danger ? Respirons un coup, rien ne nous empêche encore de nous exprimer, pas même Nicolas :-D
4. La constitution d'une équipe dédiée aux pratiques de veille stratégique est indéniablement un signe fort de compréhension des enjeux liés à l'intelligence économique. Si ce type de pratique existe depuis longtemps en communication classique, c'est bien la première fois qu'on en voit poindre le bout du nez sur le net. Une bonne chose, très clairement, à poursuivre avec encore plus d'investissement.
5. Quels sont les choix restant pour l'Elysée, dont l'annonce n'était certainement pas censée provoquer un tel bruit ? Communiquer en impliquant au maximum les "leaders" du Web français, bloggeurs et autres influenceurs ? Ouvrir un espace de discussion sur Internet ? Aller à la République des blogs ?^^ Ou se terrer dans le mutisme qu'on lui connaît jusqu'alors ?
Image J&G sur Flickr
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