Une comédie de Stéphane Belaïsch et Thomas PerrierMise en scène par Arthur Jugnot et David RousselScénographie de Sarah BazenneryeAvec Cyril Garnier (Max), Guillaume Sentou (Léo), Magaly Godenaire (Laura), Marie Montoya (Salomé)
L’histoire : Max va piéger Laura ; il voudra piéger Salomé mais sera piégé par Léo qui voulait piéger Laura…Léo est en plein chagrin d’amour. Il vivait avec Laura, elle l’a quitté il y a quelques mois. Elle lui reprochait ce que toutes les femmes reprochent aux hommes en général : égoïsme, immaturité, lâcheté, etc… Léo en discute avec Max dans le bar tenu par Salomé, la cousine de Laura. Un plan diabolique va alors se mettre en place. Télécommandé par Léo, Max va séduire Laura puis se saborder volontairement afin de la dégoûter des hommes et de leurs faiblesses…
Mon avis : Et bien, ce spectacle n’est pas moyen, il est grand ! Une fois encore le Théâtre de la Gaîté porte bien son nom avec cette comédie trépidante et follement drôle. Drôle, mais avec une vraie histoire remarquablement ficelée. En effet, les « ficelles » (ou rebondissements) se croisent et s’entrecroisent à l’infini pour finir par nous fournir un invraisemblable canevas. L’écriture, le ton et le traitement de cette pièce sont hyper modernes. A une époque où tout va très vite et où règne la zapette, il ne faut pas laisser au spectateur le temps de se poser. Il se passe trop d’événements, de bouleversements, de gags, d’effets visuels… On se demande en permanence comment ces quatre là vont se sortir de leur imbroglio sentimental.Car Les grand moyensest avant tout une comédie sentimentalo-romantique. Le fil rouge en est l’amour et, en corollaire, les sempiternelles relations hommes-femmes. Même si la pièce se veut générationnelle puisqu’elle implique des trentenaires, les histoires de couples concernent tout le monde.
Cette pièce, c’est du Marivaux. On aurait pu ainsi emprunter différents titres à son œuvre sans en dénaturer le sens. Les exemples abondent : L’Amour et la Vérité, La Surprise de l’amour, La Double inconstance, Le Dénouement imprévu, La Seconde surprise de l’amour, L’Heureux stratagème, L’Epreuve… C’est confondant de voir comme chacun de ces titres pourrait parfaitement convenir. Mais, comme ici Marivaux est complètement revisité par les Monty Python, on ne saurait faire référence au Jeu de l’amour et du hasard. S’il y a en effet du jeu et de l’amour, il n’y a en revanche aucune intervention du hasard car dans la pièce de Belaïsch et Perrier, le destin est sans cesse téléguidé. Sans le stratagème machiavélique fomenté par Léo, il n’y aurait pas d’histoire…Elle est toute simple l’idée de Léo : faire séduire son ex, Laura, par un bellâtre qui va se révéler être un gougnafier pour que, par effet comparatif, elle réalise ce qu’elle a perdu en le congédiant. De loin, ça paraît imparable, mais l’âme humaine – et en priorité la mentalité masculine – est imprévisible. Le boomerang ainsi lancé un peu inconsidérément, peut vous revenir encore plus vite en plein cœur… Et puis il y a les impondérables. Comment Léo aurait-il pu s’imaginer que Salomé, la cousine de Laura, allait s’enticher grave de lui ? Lui, indécrottable romantique, comment pourrait-il se glisser dans l’esprit de Max, dragueur invétéré, queutard quasi professionnel, pour l’amener à agir selon ses principes ? Devenant ingérable, la combine échappe dès lors à tout contrôle…
Dans cette pièce la rapidité des échanges et l’enchevêtrement des situations sont tels qu’on ne sait vraiment plus où donner de la tête. Et on rit, on rit, on rit… Sincèrement, chapeau aux auteurs. Il en faut de l’imagination pour réussir à concocter une comédie aussi bien construite et qui nous tienne en haleine du début à la fin sans aucune incohérence. La manière dont les dialogues s’enchaînent est d’une rare originalité, surtout au théâtre, où tout se déroule en direct. Et le rythme est donné par la succession nerveuse de petites saynètes. C’est réellement magistral. Il y a vraiment de superbes idées. Ne serait-ce que de jouer les deux versions d’une scène : celle qui était prévue et celle qui s’est réellement passée. L’effet de surprise sur nous est d’autant plus réjouissant.