Ils l'appellent le « French way », cette façon de consommer un peu d'alcool, raisonnablement, tous les jours. Et ils mettent en regard le binge drinking, pour montrer que beaucoup d'alcool, par intermittence, entraîne encore plus d'alcool. Cette étude du Scripps Research Institute suggère ainsi que chaque épisode de binge drinking va, en activant un groupe de neurones spécifiques, entraîner à une consommation toujours supérieure la fois suivante. Cette découverte, sur l'animal, publiée dans l'édition du 15 octobre des Actes de l'Académie des Sciences américaine (PNAS), si confirmée sur l'Homme, pourrait conduire à de meilleurs traitements, approches préventives et tests de diagnostic pour prévenir l'addiction.
Les chercheurs ont associé ces dommages cognitifs à un petit groupe de neurones (GABA interneurons) situés dans le cortex préfrontal, déjà associés à l'alcoolisme, qui inhibent les fonctions de contrôle exécutif. Ces neurones sont inhabituellement actifs dans les périodes séparant les épisodes de binge drinking et plus ils se montrent actifs, plus les rats consomment une grande quantité d'alcool lors de l'épisode suivant. Les chercheurs suggèrent que ce mécanisme d'adaptation très rapide du cerveau à la consommation d'alcool, contribue à favoriser la transition d'une consommation sociale ordinaire à une consommation excessive jusqu'à la dépendance.
Binge drinking vs consommation régulière et modérée : La dépendance à l'alcool et autres substances entraînent des changements dans le cerveau, dont une hyperactivité des circuits liés au stress, un affaiblissement des circuits de contrôle exécutif qui freinent, habituellement, les réactions émotionnelles et les comportements impulsifs. Cette étude sur des rats qui avaient accès à l'alcool seulement 3 jours par semaine montre que ces rats consomment nettement plus d'alcool que ceux qui ont un accès continu à l'alcool, et cela, au bout de seulement 6 semaines. Ces mêmes rats « à accès intermittents » obtiennent de mauvais résultats sur les mesures de mémoire de travail (ou de contrôle de l'exécutif) lors de tests effectués entre leurs épisodes de binge. Des analyses de leur tissu cérébral montrent que durant ces périodes intermédiaires, le cortex préfrontal semble déconnecté des structures qu'il est censé réguler, telles que l'amygdale la région qui intervient dans le contrôle des émotions. Les Prs Olivier George et George F. Koob, chercheurs au Scripps commentent: « Cette recherche nous ouvre une fenêtre sur le développement précoce du processus de dépendance».
Un cercle vicieux : Des changements normalement observés chez des animaux ou humains déjà très dépendants à l'alcool, mais qui, ici, interviennent après seulement quelques épisodes de binge drinking –chez le rat. Des dommages cognitifs qui s'estompent après deux semaines d'abstinence, mais qui réapparaissent tout aussi vite, précisent les chercheurs. Un processus, ajoutent-ils qui serait extrêmement préoccupant, à l'identique, chez les adolescents et de jeunes adultes, chez qui le cortex préfrontal n'est pas encore pleinement développé.
Source: PNAS October 15, 2012, doi:10.1073/pnas.1116523109 Alcohol withdrawal activates GABA and corticotropin releasing factor (CRF) neurons in the medial prefrontal cortex (mPFC) that predict cognitive impairment and escalation of alcohol intake (Visuel © Big City Lights - Fotolia.com)