Jusqu’à l’intestin.
Voilà que le service digestion fait sa feignasse. Au programme ces jours-ci, c’est minimum syndical.
Logé bien au chaud, il attend sa dose de nicotine.
Il faut dire qu’il ne m’était pas venu à l’idée de l’informer des changements qui allaient s’opérer en moi et le sevrage, il le prend de plein fouet. Sans préavis. Il n’a pas eu le loisir de s’y préparer.
Recroquevillé sur lui-même, il espère sa dose et, pour s’économiser en attendant que ça vienne, il s’est mis en mode loutre.
Les premières heures, le débrayage sauvage du transit ne pose aucun problème visible pour le fonctionnement global de la machine.
Il faut dire que tout notre être est tellement occupé à gérer le reste des activités, que certaines fonctions vitales qui paressent un peu peuvent passer totalement inaperçues.
Quelques heures seulement.
Parce qu’au moment où ma petite robe noire ajustée et sexy a mis en valeur un renflement inhabituel et disgracieux au niveau de la ceinture au soir 2 du sevrage, je me suis affolée.
Dans l’urgence, j’ai opté pour un gilet boutonné en guise de camouflage. Mais je sentais bien que ce n’était qu’une solution provisoire.
En effet, le lendemain, je ne fermais plus mon Slim. Visiblement, le gilet ne suffirait plus. Surtout quand la gêne s’était transformée en douleur.
Tout l’avantage de la douleur, c’est que lorsqu’elle arrive au cerveau, on prend enfin conscience qu’il y a peut être un dysfonctionnement quelque part.
Même si on a aucune compétence en anatomie ou en médecine, on comprend très vite que le sevrage agit comme certaines crèmes anti ride tentent de nous convaincre qu’elles le font : en profondeur.
Alors il serait là mon premier kilo ?
Ce n’est pas un sale petit paresseux qui ralentit la circulation qui va me faire changer de garde-robes en trois malheureux jours. (bon, je veux bien élargir, étendre, agrandir, varier…ma garde-robes, mais pas tout changer. Je VEUX garder ma petite robe noire!)
Il est temps d’ouvrir les négociations.
Sans sa dose, la tâche qui incombe au service digestion est devenue plus difficile. Il ne tient plus la cadence des contractions attendues. Qu’à cela ne tienne, on va prendre en compte cette difficulté passagère et lui faciliter le travail. Il aura à gérer un flux moins problématique pendant quelques temps. Le temps qu’il se remette.
Je mets en ordre de bataille mes plateaux du matin : kiwi, jus de pruneau, céréales.
Et pas question que ce soit triste : j’achète mes kiwis chez le primeur (comme tous mes fruits et légumes). Ils sont beaux, sucrés, charnus, juteux (c’est du kiwi sensuel!), se conservent sans difficulté, et ne coûtent pas plus cher.
Je les déguste avec un vrai plaisir.
Comme mon sommeil a évolué aussi (je me réveille plus tôt), j’ai le temps de préparer mon p’tit déj. J’aime ritualiser ce moment, et pas seulement pour ruser avec ma paresseuse tripe.
La nouvelle politique mise en place demande certes un changement de paradigme (finis les matins à la bourre où je m’envoie un thé avec des gâteaux au chocolat tout en enfilant mes chaussettes), mais pour le moment, je porte encore ma robe noire et mon Slim !
Finalement, par sa nonchalance, mon transit dénonçait des conditions de travail difficiles pour tout le monde.
Quant à mes petits matins, je me fais l’effet de ces filles en pleine santé, aux joues en pommes et au sourire éclatant, ces filles qui dansent légères et pieds nus sur le carrelage de la cuisine en versant leur boisson chaude, baignées de la douceur du soleil du matin.
Et bien, je suis une fille comme ça !
C’est juste qu’avant j’étais cachée derrière l’épaisseur de mon écran de fumée.
source image : Kirk Millett via Flikr