Pourquoi Edwy Plenel se bat contre Valls.

Publié le 17 octobre 2012 par Juan
Le patron-fondateur du site d'informations Mediapart s'est à nouveau livré, dans l'édition du 13 octobre de l'hebdomadaire Marianne, contre une charge violente contre le ministre de l'intérieur Manuel Valls.
Bref, il récidive.
Mais pourquoi tant de haine ? Mediapart s'est fait connaître et reconnaître pour de savoureuses enquêtes sur des affaires sinon tues. Mais pourquoi donc cette charge ?
Pour Edwy Plenel, la thèse est simple. Manuel Valls n'est pas de gauche et n'a rien à faire dans un gouvernement qui se dit de gauche, celui de Jean-Marc Ayrault. Valls incarne même la trahison des idéaux et d'un programme de gauche sur lequel François Hollande a été élu.
Fichtre...
La question Valls serait posée à Hollande.
Valls est donc devenu une question politique, rien que cela. Dans un précédent billet, publié par Mediapart le 20 septembre dernier, Edwy Plenel dénonçait déjà « ce reniement dont Manuel Valls est le nom » .
Cette fois-ci, l'article, publié dans la rubrique Controverse de la nouvelle formule de l'hebdomadaire marianne, débute par cette courte phrase: « Manuel Valls sait-il que la France a voté le 6 mai 2012 ? ». Nous pourrions rétorquer: Edwy Plenel sait-il quel mal Nicolas Sarkozy a-t-il fait à la lutte contre l'insécurité depuis 2002 ? Augmentation de la délinquance violente, stigmatisation permanente des minorités, instrumentalisation systématique du moindre fait divers, boulimie législative inefficace couplée à une réduction des moyens de lutte contre l'insécurité ?
Edwy Plenel résume ses reproches à Manuel Valls: il a abandonné l'obligation de récipissé des contrôles d'identité; il aurait poursuivi la stigmatisation islamophobe (?); il a poursuivi la destruction des campements illégaux de Roms comme le faisait Nicolas Sarkozy, et il milite contre le droit de vote des étrangers aux élections locales.
Pourtant Manuel Valls a fort à faire. Comme par exemple, lutter contre une sale insécurité - le drame des plus pauvres de nos concitoyens -, largement instrumentalisée par l'ancienne administration. En une grosse page de reproches, pas une ligne sur le fléau, l'un des échecs pourtant marquants et symboliques de l'ancien monarque. Rappelez-vous, ce n'était pas si ancien. Nous avions récapitulé, ici et ailleurs, l'incroyable et dramatique échec de Nicolas Sarkozy en la matière.
Nous fustigions la multiplication des lois, pour de si mauvais résultats: rétention de sûreté et peines planchers en août 2007 (8.000 par an, parmi 2,5 millions de crimes et délits constatés chaque année), filtrage des sites internet Loppsi II, décret anti-cagoule depuis juin 2009, loi anti-bandes, videoprotection prétendument facilitée, légalisation des milices privées, dépistage obligatoire de maladies sexuellement transmissibles, autorisation des contrôles d'identité et fouille sans motif par les polices municipales, etc. A-t-on entendu Manuel Valls, pourtant confronté à la même avalanche de faits divers dramatiques en moins de 6 mois, promette lois ou décrets à tout bout de champs ?Non, mais Edwy Plenel ne note aucune différence avec l'ancien quinquennat.
Sous Sarkozy, la prétendue baisse de l'agrégat général de la délinquance n'était due qu'à la diminution des atteintes aux biens: de 2,534 millions en 2006, ces dernières étaient tombées à 2,184 millions en 2011, soit 388.000 actes de moins sur le quinquennat précédent. Mais, à l'inverse, le nombre des violences contre les personnes avait continuellement augmenté depuis 2002 (sauf en 2007... ):  381.000 atteintes aux personnes en 2002, 411.000 en 2005, 434.000 en 2006, 433.000 en 2007 (année électorale), 443.000 en 2008, 456.000 en 2009, 467.000 en 2010, puis 468.000 en 2011.
Mais pourquoi donc ignorer ces faits, essentiel au magistère de l'intérieur ?
Revenons donc à l'accusation.
Le patron de Mediapart, pour appuyer sa charge, convoque quelques extraits de l'un de propres livres de Manuel Valls, Pour en finir avec le vieux socialisme, publié en 2008. « Le socialisme, ça a été une merveilleuse idée, une splendide utopie » déclarait Valls dans l'ouvrage. C'est l'une des citations amenées par Plenel. Et ce dernier conclut, sans détour: « nulle surprise dans l'agenda politique du ministre Valls: il applique sa ligne, celle d'un futur ex-socialiste converti au libéralisme économique et à l'autoritarisme étatique.».
Edwy Plenel enfonce les portes ouvertes d'une gauche caviar qu'aimerait tant caricaturer la droite: il s'attarde sur les mots, oublie l'action. Il s'indigne des propos du ministre, « un entêtement à ethniciser la question sociale, (...)  caractéristique des idéologies conservatrices qui la dépolitisent et la dévitalisent. »  Edwy Plenel, donc, semble trouver un double défaut de gauchitude à Manuel Valls: ce qu'il a dit et ce qu'il fait aujourd'hui. Qu'il y ait un évident partage des rôles avec Christiane Taubira, il ne le commente pas. Que Valls autorise le congé parental aux familles homoparentales de la police et de la gendarmerie, il ne le commentera pas.
On peut critiquer les propos du ministre. Mais le procès mérite d'être équitable.
Celui de Plenel ne l'est pas.