22 ans après la catastrophe !
Le 26 avril 1986, dans la centrale Lénine à Tchernobyl en Ukraine, eut lieu le plus grave accident nucléaire du XXème siècle. Si les chiffres concernant les conséquences de cette catastrophe varient d’une source à l’autre, vingt-deux ans après les faits, Emmanuel Lepage accepte de se rendre sur place afin de réaliser un carnet de voyage pour le compte de l’association Dessin’acteurs. En mai 2008, il se rend donc pendant deux semaines dans le village de Volodarka, à 20 km de la zone interdite, pour une expérience qui résultera en deux ouvrages : « Fleurs de Tchernobyl », édité chez La boîte à bulles et ce merveilleux « Un printemps à Tchernobyl », édité chez Futuropolis.
A l’instar du très beau Voyage aux Iles de la Désolation, le lecteur assiste tout d’abord aux prémices du voyage. Partageant tout d’abord les doutes de l’artiste et de ses proches concernant la nécessité d’un tel engagement, étant donné les risques de contamination non négligeables, l’album revient ensuite brièvement sur le drame même et sur ses conséquences directes. L’organisation du voyage étant beaucoup plus concise que lors de son Voyage aux Iles de la Désolation, le lecteur se retrouve très vite sur place pour un témoignage dont on retiendra principalement la beauté, alors qu’il était initialement destiné à pointer du doigt les dangers du nucléaire.
Le ton est d’ailleurs initialement résolument sombre, distillant un décor grisâtre et fantomatique, prouvant les séquelles de cette tragédie. Au fil des rencontres et des visites, Emmanuel Lepage s’immerge progressivement dans ces lieux, découvrant des enfants qui jouent et des panoramas bucoliques splendides. Le tic tac du dosimètre, sorte d’écho menaçant de ce gigantesque désastre technologique, se fait alors quelque peu oublier au profit d’une vie et d’une nature qui reprennent leurs droits. L’association des mots « printemps » et « Tchernobyl » sur la couverture de cet album, prend subitement tout son sens. Le bruit de fond des becquerels fait alors place aux rires et aux chants de ces gens pourtant frappés de plein fouet par la contamination et par les conséquences économiques et écologiques du drame. Le spectre noir de l’ancienne centrale semble néanmoins s’effacer au profit d’une flore verdoyante qui démontre tous les talents de Mère Nature lorsque l’homme n’est pas là pour lui mettre des bâtons dans les roues.
Visuellement, la maîtrise graphique d’Emmanuel Lepage est à nouveau impressionnante, avec quelques pleines pages à couper le souffle. Si la première moitié de l’album ne laisse que peu de place aux couleurs, restituant l’univers post-apocalyptique de Tchernobyl, l’auteur semble par la suite prendre conscience de la beauté des paysages qui l’entourent. Laissant progressivement choir ses préjugés, il s’ouvre à la bonté des habitants et à la beauté de la nature qui l’entoure et propose des scènes de plus en plus bucoliques et colorées. Le doute s’installe alors brièvement chez l’auteur : lui qui était venu pour mettre la mort et la désolation en images, se met subitement à dessiner la vie… Comment dessiner cette menace impalpable, ces radiations invisibles et ce silence environnant, alors que son regard ne capte que la beauté et la joie de vivre ?
Allez donc faire un tour à Tchernobyl !
Retrouvez cet album dans mon Top de l’année !
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