« Signatures » fête ses 1 an !

Publié le 16 octobre 2012 par Stéphan @interpretelsf

Je vous en avais rapidement parlé lors de ma série de billets sur l’histoire de l’interprétation en LSF des journaux télévisés : dans l’ouest de la France deux journaux télévisés régionaux sont traduits en langue des signes française par des interprètes diplômées permettant ainsi un décryptage de l’actualité régionale (politique, sportive, culturelle) pour le public sourd.

L’article était court, l’expérience débutait.

Plus de 365 jours se sont écoulés et récemment j’ai été contacté par François Gibert, journaliste à France 3 Poitou-Charentes, pilote de cette émission hebdomadaire. Face à son enthousiasme communicatif, j’ai décidé de faire un billet plus conséquent qui aurait pu également s’intituler :

« 3 questions pour une bougie »

1/ « Signatures » est un journal hebdomadaire de cinq minutes entièrement signé en LSF (langue des signes française), sur l’antenne de France 3 Poitou-Charentes. Depuis un an, deux éditions différentes sont diffusées, l’une dans le journal du samedi à midi et l’autre dans le journal du samedi à 19h. Vous êtes le rédacteur en chef de ce projet original et à ce titre vous sélectionner les infos qui seront développées. Comment effectuez-vous ce choix, la ligne éditoriale est-elle pensée en fonction du public auquel vous vous adressez ?

François Gibert : les personnes sourdes souffrent d’un déficit d’informations évident d’où de fortes lacunes dans leurs connaissances sur le monde qui les entoure. Aussi la ligne éditoriale de « Signatures » se doit d’être claire : une information générale d’intérêt collectif associée à une dimension didactique de l’info, une mise en perspective. Il ne sert à rien de proposer une information ponctuelle sans expliquer son histoire, le pourquoi et/ou le comment. Cette émission a donc également un rôle « pédagogique » : donner un maximum de clés pour comprendre la société dans laquelle nous vivons afin de ne pas se sentir exclu. D’ailleurs au départ, le projet de l’émission s’appelait « Le monde à portée de vue ».

Nous ne lançons pas des reportages spécifiques à « Signatures ». Tous ceux qui sont diffusés dans les deux éditions hebdomadaires ont été réalisés pour d’autres émissions. Simplement, ils sont retravaillés afin qu’ils soient compréhensibles par tous ; non pas que les reportages diffusés sont incompréhensibles, mais il faut adapter mon langage à la traduction : débit plus lent, phrases courtes dans un français simple, sans lourdeur ni métaphore ; écrire d’une manière chronologique, sans retour en arrière ni parenthèse. J’évite aussi les noms propres et les termes trop techniques (que d’ailleurs la plupart des téléspectateurs ne comprennent pas).

Voici comment je travaille : chaque jour de la semaine, je regarde les conducteurs des journaux de F3 Poitou-Charentes et d’Atlantique (le JT local de F3 La Rochelle) et je « fais mes courses ». Mon choix s’effectue en fonction de l’intérêt du moment, de l’actualité… 
Je revendique ces choix, je les assume et bien sur j’ai une totale liberté pour mener cette sélection. Souvent ce qui me guide c’est de privilégier un reportage qui traite d’un problème (ou d’une solution) qui touche de près la vie quotidienne des citoyens (sourds ou pas). Par exemple l’ouverture d’une nouvelle maternité, le principe des élections primaires au PS, la journée nationale de dépistage du cancer du sein… plutôt qu’un reportage sur le braquage d’une banque ou sur un accident de la route.

J’essaye aussi de toujours glisser une info plus culturelle comme une nouvelle exposition, l’ouverture d’un musée, la création d’un spectacle de danse. Seule contrainte : éviter un spectacle qui sollicite l’ouïe.

Enfin lorsque durant la semaine un reportage aborde un problème ou une thématique directement lié à la surdité, il entre tout naturellement dans le magazine. Ce fut le cas avec la menace de fermeture d’une classe accueillant des enfants sourds ou malentendants.

Mais je refuse de m’adresser exclusivement à la population sourde. Ce serait à mon avis une grave erreur éditoriale et ne ferait que renforcer l’idée de ghetto ou d’exclusion. Preuve supplémentaire qu’il ne faut pas hésiter à ouvrir ce journal vers d’autres publics, beaucoup de personnes entendantes me disant combien l’émission est intéressante et surtout qu’ils « comprennent tout ! « .

2/ Vous avez sélectionné les sujets, à présent intéressons-nous au travail des trois interprètes qui interviennent à tour de rôle. Comment s’approprient-elles ce journal, ont-elles la possibilité de s’entrainer avant l’enregistrement de l’émission, avez-vous des contacts avec elles ?

François Gibert : Une fois les textes écrits, nous effectuons le montage de la bobine, pour produire un « tout images » d’une durée de 5’ à 5’30’’ . C’est ce « tout images » que l’interprète va visionner depuis chez elle (grâce à un lien privé Youtube que je lui communique) et sur lequel elle va s’entrainer, réfléchir à des stratégies d’interprétation, rechercher des signes qu’elle pourrait ignorer…
Parallèlement à ce support visuel je lui envoie les textes par mail. Les premiers arrivent le mercredi midi, le reste jeudi midi.

L’émission s’enregistre le vendredi vers 16h dans un studio télévisé. L’interprète qui doit officier arrive à 14h ce qui lui laisse deux heures pour peaufiner son travail dans un bureau, au calme. Souvent elle et moi discutons. Elle me fait part d’une idée, me demande un éclaircissement sur un passage ambigu, m’explique une difficulté qu’elle a pu rencontrer.

L’enregistrement des deux éditions se fait l’une à la suite de l’autre. Parfois en une prise unique, parfois en plusieurs il n’y a pas de règle. Quoi qu’il arrive, l’interprète est toujours seule décisionnaire dans l’appréciation de son travail. Et nous recommençons jusqu’à ce qu’elle soit pleinement satisfaite du résultat et qu’elle le valide.
Nous préférons enregistrer l’émission la veille plutôt que la réaliser en direct le samedi : c’était trop lourd à mettre en place et nous risquions d’avoir une émission de moins bonne qualité.

3/ Connaissez-vous les audiences que réalisent ces émissions, est-ce un succès qui, selon vous devrait permettre d’envisager de nouvelles étapes ?

François Gibert : Les retours sont bons (aussi bien chez les sourds que chez les entendants) et les statistiques de visionnage via internet soulignent l’intérêt porté à ces émissions. Néanmoins il ne faut pas se focaliser sur les chiffres. Nous sommes une chaîne de Service Public et cette émission remplit parfaitement son rôle à savoir « rendre service au public ».

Je suis actuellement en contact avec des partenaires de France Télévision pour développer « Signatures » sous forme de blog, en plus de sa diffusion sur l’antenne de France 3. Ce blog pourrait reprendre le contenu des deux émissions diffusées sur France3 Poitou-Charentes en ajoutant des infos nationales qui ont été développées par d’autres bureaux régionaux et d’informations internationales (en partenariat avec France3 Sat, bureau lyonnais qui travaille en réseau avec les télévisions du monde entier).
Il serait aussi question aussi de signer en LSF l’émission politique du Samedi matin.

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Vous habitez Marseille, Strasbourg ou Paris et vous enragez de ne pas pouvoir regarder ces émissions traduites en langue des signes française ?
Heureusement grâce aux nouvelles technologies, il existe plusieurs solutions :

Ces éditions sont visibles sur le site « Signatures » de France 3 Poitou-Charentes.

Les vidéos sont également mises en ligne sur le site dailymotion :

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et sur le site youtube :

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Enfin « Signatures » possède sa page Facebook, évidemment !