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"L'effet Popescu" de Louise Anne Bouchard

Publié le 17 octobre 2012 par Francisrichard @francisrichard

Louise Anne Bouchard - sans trait d'union entre Louise et Anne, elle y tient, et pourquoi lui déplaire? - se livre dans ce récit. C'est l'effet Popescu.

Depuis des années elle suit sans qu'il le sache l'écrivain Daniel Marius Popescu, dont elle admire l'immense talent.

Mais ce n'est pas seulement l'écrivain qu'elle aime, c'est également l'homme, dont on dit - là on se veut péjoratif - qu'il est excessif, ce qui ne la dérange pas le moins du monde:

"Abonnée aux excès depuis ma plus tendre enfance, la modération m'exaspère."

Combien de fois l'a-t-elle rencontré? Deux fois en fait. Plusieurs fois autrement.

Le nom de Popescu lui a d'abord été jeté avec mépris à la figure, dans un train, par une dame qui avait écrit à son éditeur à elle pour dire que son deuxième roman, La Fureur, ne valait rien. Elle avait noté ce nom de Popescu en 2001 "dans un carnet à couverture fleurie", puis l'avait coincé entre deux photos de belles femmes dévêtues, sous la douche, Dita Von Teese et Sadie Frost.

Dix ans plus tard elle lance le projet d'un ouvrage collectif où elle réunit des écrivains et des chroniqueurs qu'elle aime. Il en fait partie. Elle le rencontre après sa journée de travail de chauffeur de bus à Lausanne, rue de la Borde, au dépôt, un jeudi soir de décembre.

Il l'invite à dîner chez lui. Elle mange, lui pas. Il parle de sa chronologie roumaine, douloureuse. Il l'oblige à revisiter la sienne, québecoise. C'est l'effet Popescu. Elle est maigre alors. Elle travaille dans un bistrot. Elle ne va jamais chez le coiffeur. Elle n'emprunte pas d'argent, mais des livres - elle lit Calaferte, Kerouac, London, des grands noms américains, Oscar Wilde, Nietzsche:

"J'étais dans les bonnes grâces des uns mais souvent dans le lit des autres, parce que mon appartement était vraiment mal chauffé."

La chronologie douloureuse s'interrompt le jour où l'adolescente rebelle qu'elle a été comprend qu'elle est mal partie. Elle saisit une opportunité à Paris. Elle dormira désormais un peu plus, à défaut de se promettre une bonne conduite pour le reste de ses jours. Ce soir-là elle en veut donc à Daniel Marius Popescu:

"De m'avoir fait revisiter, à mon insu, les hivers durs de Montréal, ses rues tavelées de sel, ces trottoirs sur lesquels je suis allée, seule ou accompagnée, heureuse ou désespérée."

Elle revient de ce sentiment parce qu'il raconte qu'il a voulu faire visiter à un compatriote les quartiers chauds de Lausanne et elle le surprend en lui disant qu'il aurait suffi de lui téléphoner pour qu'elle fasse cette visite guidée, à Lausanne, Genève, Zurich, Bâle, ou même à Amsterdam ou Hambourg.

Finalement il lui plaît. Il se croit irrésistible et il l'est vraiment. Et le lendemain elle passe sa journée à lire les deux cents pages des Couleurs de l'hirondelle, sans interruption ou presque.

Un autre projet est le prétexte d'une deuxième rencontre. Elle apprend cette fois qu'ils iront ensemble en Roumanie et elle lui propose le voyage à Montréal après. Il lui parle d'Agota Kristof. Ce nom claque et lui fait souvenir de sa soeur avec qui elle est brouillée et qui lui avait recommandée, elle qui ne lisait pas ou peu, Le Grand Cahier. Qui se termine avec:

"Oui, il y a un moyen de traverser la frontière: c'est de faire passer quelqu'un devant soi."

Louise Anne doit bien arrêter d'écrire cet "amour à la lettre" (selon l'expression en exergue de Cécile Coulon) pour Daniel Marius Popescu, car "il y a toujours une frontière quelque part". Elle conclut:

"Neuf mille mots, dix ans d'impatience.

Je t'embrasse."

Louise Anne Bouchard est bien un écrivain et...une femme.

Francis Richard

L'effet Popescu, Louise Anne Bouchard, 64 pages, BSN Press, Collection fictio


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