Violaine Fracasse, peu à peu, avait, en quelque sorte, désappris à dire je. Fallait mieux pas, croyez-moi… Le pire, en effet, était que… Voilà bien, figurez vous, ce que l’on en pense, aujourd’hui ! Elle en était, peu ou prou, finalement, à deux ou trois romans effectivement publiés (trois en tenant compte de L’injure qui s’apparentait, tout de même, davantage à un essai prétendument philosophique qu’à une véritable, et authentique, fiction romanesque)(quoique…). Bref, une petite gloire. Elle a-do-rait, au sens propre du mot, vous faire découvrir le duplex qu’elle venait, précisément, d’acquérir, avant de vous entraîner sur la terrasse presque ombragée qui tutoyait, de végétaux malmenés, extravagants et fantasques, le ciel parisien… Vous embarrasser la mémoire des nombreux amis qu’elle comptait, désormais, dans le monde littéraire. Vous épargner, sans avoir l’air, ses souvenirs oubliés d’une vie sans malice. Violaine Limace avait, je vous assure, une façon bien rodée d’en parler. Une manière d’éluder. D’esquiver. De suggérer l’éventualité de certaines indiscrétions dont elle s’abstenait, finement, de révéler la teneur. Pourtant, à l’entendre, elle se gargarisait à l’excès d’innombrables confidences dont ses impossibles amants, quoiqu’elle fasse, la gratifiaient pour la moindre de leurs impatiences. Multipliait allégrement les aventures. Se nourrissait rien moins que de sexe. De larmes aussi, parfois. Il faut bien que… Car, non, tout cela n’était pas aussi rose, hélas, qu’elle avait coutume de l’espérer. Violaine Grimace semblait avoir rencontré Julien Savouré au Jardin d’Espelette. Un bar presque branché, et plus qu’à moitié sympa, où elle déjeunait souvent, ou même parfois, ou même rarement, le midi, d’une demi pousse de bambous et d’un soupçon carnassier. Et Julien Savouré, tout pareil. Mais à deux tables de la sienne. Quelques cigares. Se disait avocat. Violaine Poufiasse avait trente ans. Le temps passe. Quoique…