La volatilité a disparu

Publié le 17 octobre 2012 par Pierre Gonzva
Ce graphique représente l'évolution du VIX, l'indice de volatilité implicite des options sur l'indice SP500, tel qu'il est calculé par le CBOE à Chicago.
Il est surnommé l'indice de la peur, car il monte fortement en période de tensions sur les marchés : on l'a vu vers 80 fin 2008; il était encore à 35 il y a un an; il oscille maintenant entre 12 et 15. Les politiques monétaires des banques centrales, QE3 aux Etats-Unis et OMT en zone €uro, ont eu pour principal effet de supprimer le risque systémique, conduisant à un apaisement des craintes sur les marchés, et donc à une baisse du VIX, et de ses homologues européens et français : VCAC sur le CAC40.
Si la volatilité a disparu du marché des options, cela ne signifie pas pour autant que le risque a disparu !
Une faible volatilité est souvent le prélude à des épisodes de fortes tensions. J'ai en particulier le souvenir de l'été 1991, lointaine époque, où la volatilité implicite était inférieure à 10 pour les options sur l'indice CAC40. Quelques semaines plus tard, l'invasion du Koweit par les troupes de Saddam Hussein changeait la donne !
Je me suis posé la question de savoir si, dans les périodes de marché calme, la volatilité relative était élevée ou non : peut-on trouver des périodes de fortes volatilités, comparativement à l'allure générale du marché ?
J'ai fait tourner mon tableur sur la période 2005 - 2011 pour calculer la volatilité du CAC40, et les résultats sont instructifs : que l'année soit très calme, comme en 2005, ou très agitée, comme en 2008, on trouve des proportions équivalentes de valeurs extrêmes.
Pour chacune des 7 années de 2005 à 2011, j'ai calculé l'écart-type des variations quotidiennes, à partir des cours de clôture, grandeur que j'ai annualisé pour donner une estimation de la volatilité de l'année.
Si les variations quotidiennes suivent une loi normale, selon l'hypothèse de base de la théorie des marchés financiers, on a alors une probabilité de 4,6% d'avoir une variation supérieure à 2 écarts-type, et une probabilité de 0,3% pour une variation supérieure à 3 écarts-type.
Pour une année boursière de 255 jours de cotation environ, on devrait donc avoir 11 à 12 journée avec des écarts supérieurs à 2 écarts-type, et moins d'une occurrence pour une variation supérieure à 3 écarts-type.
Quant à une variation de 5 sigmas, qui a une probabilité de 0,00003%, elle ne devrait pas se produire à l'échelle de la vie humaine.
Comme on peut l'imaginer, la réalité des marchés est toute autre ! En particulier, la variation maximum est proche de, ou supérieure à 5 écarts-type chaque année.




2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011











Ecart type

0,449% 0,600% 0,684% 1,871% 1,096% 1,055% 1,210%











Volatilité annuelle

7,164% 9,567% 10,896% 29,881% 17,499% 16,921% 19,360%











3 écarts type

1,346% 1,801% 2,051% 5,614% 3,288% 3,166% 3,630%

4 écarts type

1,794% 2,401% 2,735% 7,485% 4,383% 4,222% 4,840%











Max

2,54% 3,18% 3,27% 11,18% 5,73% 9,66% 6,28%

Max / écart type

5,65 5,29 4,78 5,97 5,23 9,15 5,19


Pour chacune des 7 années boursières, ce tableau donne l'écart-type des variations quotidiennes, la volatilité annualisée, la valeur de 3 et 4 écarts-type, la plus grande variation quotidienne au cours de l'année, enfin le rapport entre cette plus grande variation et l'écart-type.
La période couvre une année à très faible volatilité : 7,164% pour 2005, ainsi qu'une année à très forte volatilité : 29,881% pour 2008.
Il est frappant de constater que le rapport entre la variation maximum et l'écart-type est similaire pour 2005, avec 5,65, et pour 2008, avec 5,97 !
Pour 2005, on a 41 variations supérieures à 2 sigmas, soit 16,3% des variations (probabilité de 4,6% selon la loi normale); 18 variations supérieures à 3 sigmas, soit 7% des variations (probabilité de 0,3%) et encore 6 variations supérieures à 4 sigmas, soit 2,3% des observations.
En conclusion de cet exercice, on constate que les variations exceptionnelles sont beaucoup plus fréquentes que ce que donnerait la loi normale gaussienne: fat tail, black swan, cela est bien connu pour les périodes de fortes tensions sur les marchés. Ce qui peut sembler plus surprenant, mais ne l'est pas pour un praticien des marchés, c'est que  l'on retrouve les mêmes comportements de volatilité dans les périodes calmes.
Finalement, la volatilité n'a pas disparu : elle reste la même, seuls ses atours ont changé.