Après l'ours, le loup, les vautours, les corbeaux, les renards, les blaireaux, les sangliers, c'est au tour des marmottes de géner le pastoralisme, enfin un certain pastoralisme.
Saint-Véran
Saint-Véran est un petit village du département des Hautes-Alpes. La commune s'étend sur 44,8 km² et compte 270 habitants. Avec une densité de 6 habitants par km², Saint-Véran est bien en dessous de la moyenne française (112 habitants par km²). C’est le désert si l’on compare Saint-Véran au deux pays européens les plus dense : la Belgique (360 habitants par km²) ou la Hollande (395 habitants par km²). La plus grande ville des environs, située à 42 km est...Pinerolo, c’est dire.
Le Parc Naturel du Queyras
Saint-Véran est une des 8 communes du Parc Naturel Régional du Queyras qui compte 2500 habitants pour 580 km². On accède au Queyras par des gorges étroites et impressionnantes ou par des cols aux noms prestigieux. "Le village est resté à l'écart des grandes voies de communication et conserve plus que tout autre territoire, ses sites, ses traditions, sa nature".
Bref, Saint-Véran, est un peu un bled perdu dans un parc où la nature est reine. Enfin c’est ce que tout le monde croit, y compris les responsables du Parc : « Proie de l'Aigle Royal, l'importante population locale de Marmotte des Alpes explique la forte densité de ce rapace dans le Queyras. Après son hibernation, à partir de la fin du mois de mars, elle sort de son terrier et se signale alors surtout par ses sifflements ».
« Le Queyras a toujours eu une vocation pastorale et le Queyrassin a toujours été un pasteur. En été, une partie de la population conduisait les bêtes aux alpages. La vie pastorale dans ces terres d'estive s'axait alors entièrement sur la production et la transformation du lait. Jusqu'au XIXème siècle, le Queyras pratique également une transhumance hivernale : les troupeaux partaient à la fin de l'automne vers les vallées vaudoises et les cassines de plaine en Italie et revenaient au printemps. La tradition fromagère et pastorale a disparu à la fin du XIXème siècle, et les Queyrassins ont alors confié leur bétail aux bergers provençaux. » (page : La vie sur l'estive)
Les projets de la nouvelle Charte (source)
- Un nouveau parc pour une nouvelle vie
- Entretenir la vie, la biodiversité et nos paysages
- L’eau en haute montagne, protéger la vie
- Une agriculture de haute montagne, exemplaire, biologique et naturelle
- La forêt, le bois, source d’énergie et de vie
- Faire du Queyras un territoire d’écotourisme exemplaire
- Solidarités internes et solidarités externes : la vie ensemble et la vie des autres
- Respirer la vie !
- Engager le plan climat
- Diversifier nos activités, animer la vie de nos villages
- Préparer la vie de demain, maîtriser notre urbanisme
Marmottes mises à prix
Mais il reste quelques irréductibles qui résistent à cette Nature envahissante. C’est le cas de l'Association Foncière Pastorale de Saint-Véran qui a posé un contrat sur la tête des marmottes : 20 euros par animal tué !
Est-ce à cause de la peste, comme dans le Sud-Ouest de la Chine où un gardien de troupeaux nommé Da, a trouvé le cadavre d'une marmotte atteinte de la peste et en est mort?
La vie à Saint-Véran serait-elle devenue impossible comme à Chamonix où la faune alpine descend sur la ville? Chamonix où outre les camions et les gaz polluants, des chevreuils, des loutres et des marmottes envahissent les rues commerçantes. Rendez-vous compte mon bon Monsieur : la faune n’a même plus peur de l’Homme!
Non, rien de tout cela à Saint-Véran.
La vie dissolue des marmottes
"Le printemps voit s'éveiller la marmotte et précède la sortie des terriers des petits marmottons, qui passent leur temps à jouer... jusqu'à ce que la mère les avertisse par son sifflement caractéristique d'un danger immédiat : un aigle royal ou un renard s'approche-t-il? En automne, il faut préparer l'hiver : à la fois bien manger pour se constituer des réserves de graisse bien utiles pour hiberner, et aménager et entretenir le complexe terrier. Après une hibernation bien tranquille, les marmottes, des rongeurs très sociaux qui forment des couples monogames, reprennent des forces au printemps, copulent en mai, et mettent de nouveau bas au mois de juin."
Voilà le problème de l'Association Foncière Pastorale : la libido des marmottes, ces rongeurs fouisseur, est à l’origine de cette fatwa en plein parc Naturel régional !
Pour les propriétaires fonciers membres de cette association (quelques agriculteurs), les rongeurs feraient trop de dégâts dans les champs. Il y a bien de l’espace à Saint-Véran, mais c'est qu'en plus de pulluler, elles FOUISSENT !
La vie à Saint-Véran devient-elle un cauchemar? Le président de l’AFP, Michel Beaufils, qui n’est autre que l’adjoint au maire de la commune a sans doute décidé qu’il fallait mettre fin aux mœurs lubriques et aux travaux de génie civil entrepris par les marmottes sur sa commune.
Les marmottes seraient en surnombre dans quelques zones, pourtant bucoliques. Elles transformeraient quelques prés de fauche en champs de mines qui n’auraient rien à envier au sommets des falaises de Normandie ou du Pas-de-Callais au surlendemain du 6 juin 44 : impossible de rentrer le foin ! (Je reviens des 2 caps (griz nez, blanc nez), des moutons y paturaient, pas de foin à rentrer!)
L'Association Foncière Pastorale, entité indépendante de la municipalité, a donc proposé aux chasseurs de « procéder à quelques prélèvements » en échange de quelques deniers. Le budget accordé à cette « campagne de régulation » des marmottes est de 1.000 euros, soit 50 marmottes à éliminer. La valeur biologique d'une marmotte est donc, pour l'AFP, estimé à 20 €, moins d'un kilo de gigot d'un agneau AOC!
Interview de Michel Beaufils de l'Association Foncière Pastorale par La radio d’ici
Ecouter : " il faut qu’on limite..."
« Il n’est pas question d’abattre n’importe quelle marmotte, n’importe où. On n’est pas dans le cadre de Buffalo Bill à qui l’on donnait une prime chaque fois qu’il ramenait un bison aux Etats-Unis.
On a juste quatre secteurs sur lesquels il faut qu’on limite, il n’est pas forcément d’éradiquer la marmotte, loin de là, mais il faut qu’on limite la prolifération. Par exemple, sur un secteur que nous on appelle « Préléchat » qui fait l’équivalent de, on va dire deux terrains de football et demi. Il y a trois ans, il n’y avait pas de marmottes et cette année, il y en a trente quatre !
Il y a un gros problème avec les terriers puisqu’en fait, chaque fois qu’une marmotte creuse, en surface, elle fait un tumulus, elle fait une bosse, et les agriculteurs disent, avec ça, on ne peut plus faucher, c’est impossible, on casse les machines. On a bien vu, là où ils arrêtent de faucher, en quatre, cinq ans, quand ce n’est plus fumé, entretenu, ça devient de la lande quasiment inexploitable. »
Réaction citoyenne
Il faut croire que dans la culture du Français "moyen", la population de marmottes de Saint-Véran n’est pas considérée comme une succursale du BTP, Bouygues, Suez ou Vinci. Rapidement, une pétition a circulé sur internet « Pour empêcher le massacre des marmottes à Saint-Véran ». Le document recueille, ce 16 octobre 2012, plus de 22.000 signatures, dont la mienne.
Les pétitionnaires dénoncent « Une fois de plus, notre pays ne trouve pas mieux, lorsqu'un animal se trouve en travers de son chemin, de le tuer. Après les ours, les loups, voici venu le tour des marmottes. »
On aurait dû voir venir, car il n’y a pas que les marmottes qui « pullulent » ! Les massifs pentus ont vu naitre une multitude d’associations pastorales opposées aux « bêtes » qui partagent les alpages/estives et à « l'ensauvagement de la montagne » : ADDIP, ADEP, ADIP, ASPAP, ASPP, FTEM, Vallées de Liberté, Association pour la sérénité à la campagne, Association européenne de défense du pastoralisme, Comité de défense contre la réintroduction d’ours, Grand Charnier, Eleveurs et Montagnes, Fédération des Acteurs ruraux et j’en passe, c'est comme laine sur brebis. Leur objectif ? « Faire la montagne propre ! », éradiquer les espèces à utilité pastorale nulle et limiter la cohabitation aux espèces domestiques de la « biodiversité à visage humain », un visage bien couperosé.
Car à quoi servent les ours, les loups, les grands corbeaux, les renards, les blaireaux, les martres, les sangliers, les vautours (même les vautours, les éboueurs des estives !) et enfin à Saint-Véran les marmottes (mais la liste n’est surement pas prête d’être clôturée !), si ce n’est à rien, ou à « emmerder » les associations foncières pastorales?
Réaction communale
Depuis son appel d’offre, le président de l’AFP et adjoint au maire, Michel Beaufils a des problèmes avec son image et avec sa hiérarchie...
Côté image, il a furieusement tendance à être considéré comme un Taliban lançant une fatwa contre des rongeurs libidineux.
Côté administration communale, il se fait taper sur les doigts ; on ne peut pas impunément nuire à l’image d’un village tranquille. « Afin de calmer les esprits », la municipalité de Saint-Vérant, via son maire, madame Danielle Guignard a publié un communiqué rassurant :
« En aucun cas, ni la municipalité de Saint-Véran, ni Festi'Saint-Véran ne cherchent à "éradiquer" les marmottes du territoire du village. Saint-Véran est un village pacifique qui s’enorgueillit de protéger son environnement du mieux qu'il le peut. Les marmottes, fétiches des randonneurs, appartiennent à cet environnement hyper-protégé, au cœur du Parc Naturel Régional du Queyras, et les saint-véranais y sont aussi très attachés ! » Fin de la récréation pastoralo-cinégétique.
« Les marmottes peuvent dormir tranquilles, elles reverront le printemps!» Ouf. « Le problème initial provient du fait que ces adorables animaux se trouvent maintenant très à leur aise dans certains secteurs du pourtour immédiat du village, du fait de leur sentiment de sécurité, renforcé par la raréfaction de leur prédateurs naturels. Saint-Véran tient à préserver son patrimoine, les marmottes appartiennent à ce patrimoine. Saint-Véran se préoccupe au quotidien de protéger son environnement, de telle façon à offrir à ses visiteurs une ambiance sereine, familiale et conviviale, à l'écart du tumulte. »
La queue entre les jambes, le bouillant casseur de rongeurs de l'Association Foncière Pastorale aurait déclaré qu’il souhaitait juste « porter ses difficultés en place publique en proposant aux chasseurs de procéder à quelques prélèvements, pour alerter et faire bouger les autorités compétentes sur ce problème évoqué par eux depuis quelques années déjà. La volonté initiale de l'AFP était de déplacer les marmottes vers des zones de plus haute altitude, là où elles peuvent vivre en toute sérénité tout en procurant une attraction fort plaisante pour les promeneurs. »
Est-il impossible de faire paître quelques moutons sur deux terrains de football et demi à la place de rentrer le foin ?
Entendre son maire parler de la raréfaction des prédateurs naturels ne doit pas plaire à ce responsable pastoral. Ils ont en ce moment une furieuse tendance à pêter un cable quand les mots raréfaction et prédateurs sont trop proches dans la mêm phrase. Voilà une belle campagne de communication qui vire au cauchemar médiatique pour l’AFP de Saint-Véran, située (autre association de mots allergisante) au cœur du Parc Naturel Régional du Queyras.
« Une politique des parcs régionaux reconnue et confortée »
« Les parcs naturels régionaux devraient occuper un cinquième du territoire français d'ici 2020, soit plus de 15 parcs supplémentaires », a déclaré le 12 octobre 2012 à Aups (Var) la ministre de l'Ecologie Delphine Batho en clôture du Congrès national de la Fédération des parcs naturels régionaux français (FPNRF).
Jean-Louis Joseph, président de ce truc imprononçable (la FPNRF) s'y est réjoui aussi que « la politique des parcs régionaux (soit) reconnue et confortée » par le gouvernement, notamment via un budget en augmentation (9,5 millions en 2013 contre 9,1 millions en 2012), ajoutant « Nous voulons être des acteurs de la transition écologique, nous voulons partager nos expériences en matière de protection, de gestion et de développement des territoires ». De belles intentions qui tombent mal pour l’adjoint au maire de Saint-Véran qui semble avoir mal choisi le moment de sa sortie médiatique. Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient. En France, en matière de biodiversité, les animaux sauvages pèsent peu (car ils ne votent pas) face aux lobbies du pastoralisme et de la chasse.
Le statut de la marmotte en France
La marmotte est classée « chassable », et elle est chassée. C'est un « gibier » dont la chasse est autorisée dans des conditions précises et qui bénéficie de mesures de protection.
La notion de gibier est définie par une longue tradition jurisprudentielle. Il s'agit de certaines espèces animales non domestiques qui ont été admises par la tradition comme susceptibles d'actes de chasse et qui appartiennent au patrimoine biologique national.
L'arrêté ministériel du 26 juin 1987 modifié, pris en application de l'article L 224.1 du Code Rural, fixe la liste des espèces de gibier dont la chasse est autorisée, y incluant la marmotte. La période spécifique d'ouverture est déterminée par l'article R 224.5 du Code Rural : elle peut débuter au plus tôt à l'ouverture générale (mi-septembre) et doit se terminer au plus tard le 11 novembre, avec interdiction de chasser par temps de neige. On est en pleine période d'ouverture de la marmotte.
La Convention du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, dite "Convention de Berne" (allergie, le retour) en vigueur en France depuis août 1990, classe la marmotte dans les espèces protégées (Annexe III). En conséquence, les États contractants doivent prendre les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour maintenir l'existence des populations hors de danger. (Y en a pas! de danger.) Sont demandées notamment à cet effet l'institution de périodes de fermeture et/ou d'autres mesures réglementaires d'exploitation telles que :
- des interdictions temporaires ou locale de l'exploitation,
- une réglementation de la vente, du transport, de la détention des animaux vivants ou morts,
- l'interdiction de tous moyens non sélectifs de capture et de mise à mort et des moyens susceptibles d'entraîner localement la disparition ou de troubler gravement la tranquillité des populations.
Au plan national, la Marmotte est une espèce non domestique - une espèce qui n'a pas subi de modifications par sélection de la part de l'homme - appartenant au patrimoine biologique national.
Le piégeage de la marmotte par les particuliers est interdit, cette pratique n'étant licite que pour la régulation des espèces classées "nuisibles" en application de l'article R 227.5 du Code Rural (la marmotte ne figure pas sur la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles établie par arrêté ministériel du 30 septembre 1988). Vous trouverez ici, et je remercie ce site, toutes ces informations et encore plus sur la marmotte!
Ne devrait-on pas retirer cette espèce de la liste des espèces chassées qui en comporte 91 en France, contre 30 en Allemagne et en Espagne, 37 en Italie, 31 au Royaume-Uni ?
Ne devrait-on pas revoir et diminuer également la liste des espèces chassables et les dates d’ouverture de la chassedans les Parcs Naturels ?
Une civilisation anti-nature
Les chasseurs de Saint-Véran ont dit « niet » au président de l’association foncière pastorale, et c’est tant mieux. Mais...
- En France, les associations de chasseurs sont considérées comme des associations de protection de la nature !
- Les responsables des associations pastorales peuvent appeler à la destruction d’espèces protégées, ce n’est pas un délit en France. Ils peuvent menacer de passer à l’acte « sur le terrain, sans que qui que ce soit ne puisse plus maitriser quoi que ce soit » en toute impunité. Philippe Lacube avait claironné en septembre 2009 que deux ours avaient été braconnés en Haute-Ariège : ni vu, ni connu, la disparition de l’ours Boutxy a été classée sans suite. Si le braconnage d’un ours, de loups, de vautours, de rapaces est possible sans conséquence pour leurs auteurs, la disparition de quelques petites marmottes...
- Facebook regorge de groupes "contre" aux idéologies anti-Nature : « Non aux loups dans nos montagnes », « Non à l’ours dans les Pyrénées », « Je rêve de voir un ours des Pyrénées en descente de lit et j’assume », « Tous contre l’écologie qui veut interdire la chasse et la pêche », « La France unie contre les parcs nationaux », « Près des cimes, loin des cons » etc. On y retrouve souvent les mêmes « animateurs », membres du CPNT ou d’associations pastorales réactionnaires, dont les raisons sociales se limitent à la lutte contre les prédateurs « bouc émissaires » et à la défense des intérêts financiers d’une seule profession.
Revoir le statut du pastoralisme
Economiquement non viable sans la montagne de subsides qui lui permet d’être maintenue « en soins intensifs », le pastoralisme doit être mieux aidé et davantage soutenu avec de l’argent public. Mais comme l’argent public qu’il reçoit est bien supérieur aux produits d’exploitation, le pastoralisme devrait aussi répondre aux intérêts du public. Les primes devraient être augmentée, mais à condition que les mesures de protections soit réellement et correctement mises en place et que les éleveurs acceptent de respecter les autres formes de vie qui cohabitent sur ces territoires.
La montagne est multi-acteurs et multi-usages. Etre un prédateur au sommet de la chaîne alimentaire est naturel, n’est pas une anormalité, certains semblent l’avoir oublié. Le destin des brebis dévorées par les prédateurs est aussi noble que celui des brebis sacrifiées pour la fête de l’Aïd el-Kebir ou pour la boucherie. Qu’un animal sauvage (ou domestique) participe à la survie d’un être vivant, fut-il sauvage, grand et carnivore, situé plus haut que lui dans la chaine alimentaire n’est pas inconcevable pour l’homme sensé, qui possède des notions minimales de biologie. C’est valable pour le papillon, le ver de terre, le moustique, le chevreuil, le lapin ou... la brebis. C’est à l’homme de protéger son patrimoine domestique en adoptant des méthodes de protection : c’est valable pour les domiciles, les véhicules ou les troupeaux.
Le raccourcissement de la chaine alimentaire
Aldo Léopold, dans « Almanach d’un comté des sables » écrit :
La création d’associations pastorales dont la raison de vivre est la disparition intentionelle des prédateurs, montre qu’en France, l’extinction des espèces qui dérangent les lobbies est abandonnée à ceux-ci, voire encouragée politiquement. Le raccourcissement de la chaine alimentaire est délibéré et subsidié, que ce soit sous les vocables de « tirs de défense », de « tirs de prélèvement » ou de « comportements à problèmes ».« Le système de protection de la nature basé exclusivement sur l’intérêt économique est désespérément bancal. Il tend à ignorer, donc en fin de compte à éliminer beaucoup d’éléments de la communauté terre qui manquent de valeur commerciale mais sont (dans l’état actuel de nos connaissances) essentiels à son bon fonctionnement. Il part du principe, erroné que les parties rentables de l’horloge biotique peuvent fonctionner sans les parties non rentables. Il tend à déléguer aux soins de l’Etat de nombreuses fonctions qui deviennent trop complexes ou trop dispersées pour que l’Etat puisse réellement les assumer. Une obligation éthique de la part du propriétaire privé semble le seul remède envisageable à ces situations. (...)
La pyramide est un enchevêtrement de chaînes complexes au point de paraitre désordonnées, cependant la stabilité du système prouve qu’il s’agit au contraire d’une structure hautement organisée. Son fonctionnement dépend e la coopération et de la compétition entre ses différentes composantes. » (...)
Les grands prédateurs sont supprimés au sommet de la pyramide ; pour la première fois dans l‘Histoire, les chaines alimentaires raccourcissent au lieu de rallonger. Des espèces domestiques venues d’ailleurs se substituent aux espèces sauvages indigènes et les espèces sauvages indigènes sont transplantées dans de nouveaux habitats. Dans cette mise en commun mondiale des faunes et des flores, certaines espèces deviennent incontrôlables et se transforment en fléaux ou en maladies, d’autres sont frappées d’extinction. De tels effets sont rarement délibérés ... »
...« ils représentent des réajustements imprévus, et souvent imperceptibles, au sein de la structure. La science agricole consiste pour une bonne part en une course entre l’émergence de nouvelles espèces nuisibles et l’émergence de nouvelles techniques pour s’en débarrasser ».
Aldo Léopold a écrit son Almanach d’un comté des sables en 1916, bien avant l’apparition de Monsanto et des OGM.
Apprendre à penser comme une montagne
Le cas des renards/campagnols est à ce sujet symptomatique : l’éradication des renards, classés « nuisibles », qui se situent haut dans la chaine alimentaire entraine des besoins « d’éradication » chimique des campagnols, méthode non naturelle qui a des conséquences désastreuses sur d’autres espèces non visées comme les rapaces, qui c’est un comble, sont des prédateurs des campagnols visés. Le cercle est vicieux, le système s’emballe...
Idem pour pour le sanglier. En absence de prédateurs, il prolifère. Surtout que, considéré comme « gibier », et donc « utile » à un groupe qui se l’approprie à son usage et intérêt exclusif, ils sont parfois nourris afin de rentabiliser les chasses, au grand dam des agriculteurs, qui parfois sont les mêmes. L’Etat n’a pas le courage politique et le bon sens biologique de remettre des prédateurs là où ils ont disparus.A cause de la sécheresse pour NKM et son ex-président. L'Etat délègue la prédation aux chasseurs qui ne parviennent à contrôler les populations ou alors très partiellement. Parfois, les chasseurs ne veulent pas réduire les populations « gibier », histoire de générer « de beaux tableaux ». Les chasseurs paient les dégâts, les agriculteurs paient de leur poches, les prédateurs eux, s’ils n’ont pas encore payés de leur vie, vont le faire bientôt... Le cercle est vicieux, le système s’emballe.
Poison
* Entre février et juin 2005, 3 aigles royaux adultes ont été retrouvés
morts dans les Alpes du Sud (Valensole et Allos dans les
Alpes-de-Haute-Provence et vallée de la Roya dans les Alpes-Maritimes).
Pour deux d'entre eux et de manière certaine, le poison a été à
l'origine de la mort. Pour plus de renseignements, voir : 3 aigles
royaux empoisonnés dans les Alpes du Sud.
* Le 10 mai 2005, le
chien d'une scientifique italienne de San Remo est retrouvé mort non
loin de la Brigue, après avoir mangé un appât badigeonné de strychnine
(après analyses réalisées par un laboratoire de l'université de Pise en
Italie).
* Enfin, en juin 2005, deux brebis errantes sont
découvertes par des gendarmes sur la commune de Robine-sur-Galabre
(Alpes-de-Haute-Provence), en bordure du massif des Monges, avec des
capsules de cyanure fixées sur le cou ...
L'usage du poison,
destiné selon toute vraisemblance aux loups, fait donc son triste retour
les vallées des Alpes du Sud, notamment celle de la Roya. On aurait pu
penser que la condamnation en mars 2005 à deux mois de prison avec
sursis pour la destruction d'un loup d'un éleveur de la Brigue
découragerait de nouvelles tentatives.
En effet, dans les années
1997-1998, 2 loups avaient éliminés par cette méthode, mais aussi un
aigle royal, une martre et quatre renards.
L'usage du poison,
unanimement et fermement condamné par tous, est particulièrement
révoltant car il gagne l'ensemble de la chaîne alimentaire et menace
tous les animaux se nourrissant de charognes, des petits carnassiers
jusqu'aux grands rapaces tels que l'aigle royal, le vautour fauve ou le
très rare gypaète barbu.
Plus grave, dans ces zones très
fréquentées par les randonneurs et les touristes, le danger pour l'homme
n'est pas négligeable. "Un enfant est susceptible de porter les doigts à
la bouche après avoir touché des appâts, un sanglier contaminé peut
être consommé par des chasseurs" détaille un agent du Parc National du
Mercantour.
Source : Carnivores-rapaces.org
On est bien dans le cas de « fonctions qui deviennent trop complexes ou trop dispersées pour que l’Etat puisse réellement les assumer ». Alors qu’il suffit de revenir à un rapport prédateurs-proies équilibré, NATUREL !
Mais les prédateurs ne votent pas. Ah! Que j’aimerai pouvoir écrire, comme Rick Bass (dans "Sur la piste des Grizzlis") : « Il est réconfortant de penser qu’il reste encore, par les temps qui courent, des officiels qui s’efforcent de fonder la gestion de la nature sur la biologie et non sur la politique. »
A la veille de la « conférence environnementale », des associations ont sollicité le Président de la République pour la sauvegarde de l'ours en France. François Hollande a répondu poliment : « Comme vous le savez, la préservation de la biodiversité constitue pour le chef de l’Etat, l’une des grandes priorités de son quinquennat, c’est pourquoi, déterminé à créer les conditions d’un nouveau dialogue entre l’Etat et tous les acteurs concernés... ». Bla bla bla...
Les acteurs concernés, ceux qui dialoguent sont uniquement les hommes ; les prédateurs sont des animaux politiques mais ils ne dialoguent pas plus qu’ils ne votent. Les animaux sauvages sont considérés comme res nullius, c'est-à-dire, comme n'appartenant à personne, alors qu’au contraire, ils appartiennent à tout le monde ! Voilà un changement de statut qui serait bénéfique à la collectivié.
En France, défendre les équilibres biologiques est devenu inadmissible pour certains crocodiles des milieux conservateurs traditionnels, pastoraux, cynégétiques ou industriels, (je pense au CPNT, qui est pourtant très loin de représenter tous les chasseurs). Et ceux qui le font, sont comparés par ces extrémistes à des Talibans de l’écologie. La Haine de la Nature et de ceux qui lui accorde une autre importance que la simple valeur économique est en marche au nom des « traditions » rurales anthropocentriques. Conservatisme extrême et dangereux ou repli sur soi et chant du cygne?
Aldo Léopold considérait plusieurs obstacles à une relation éthique à la terre : « Il le manque de respect et d’admiration pour la terre.» On est dans le mur. Le changement est-il pour maintenant ? Ce n’est pas certain, pas certain du tout !
Dans l’usage de la terre, on est ce que l’on pense
« Il me parait inconcevable qu’une relation éthique à la terre puisse exister sans amour, sans respect, sans admition pour elle, et sans une grande considération pour sa valeur. Par valeur, j’entends bien sûr quelque chose qui dépasse de loin la valeur économique ; je l’entends au sens philosophique.
L’obstacle le plus sérieux à l’évolution d’une éthique de la terre tient peut-être au fait que notre système éducatif et économique s’éloigne plus qu’il ne se rapproche d’une conscience intense de la terre. » (...)
« Autre obstacle presque aussi sérieux à une éthique de la terre : l’attitude du fermier pour lequel elle est encore un adversaire, ou un tyran qui le maintient en esclavage. » (...)
« La cause de l’éthique de la terre semblerait désespérée, l’était la minorité en révolte ouverte contre ces tendances modernes ». La montagne qu’il faut déplacer pour libérer le processus vers une éthique, c’est tout simplement ceci : cessez de penser au bon usage de la terre comme à un problème exclusivement économique...»
NDLB : L’impossibilité de rentrer facilement le foin à cause des trous de marmottes.
«...Examinez chaque question en termes de ce qui est éthiquement et esthétiquement juste autant qu’en termes de ce qui est économiquement avantageux.»
NDLB : « La volonté initiale de l'AFP était de déplacer les marmottes vers des zones de plus haute altitude, là où elles peuvent vivre en toute sérénité tout en procurant une attraction fort plaisante pour les promeneurs ».
« Une chose est juste lorsqu’elle tend à préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est injuste lorsqu’elle tend à l’inverse. Il va sans dire, bien sûr, que la faisabilité économique limite la marge de ce qui peut ou ne pas être fait en faveur de la terre. Il en a toujours été, il en sera toujours ainsi. »
NDLB : Il n’est pas question de ne pas tenir compte des problèmes causés par les marmottes aux agriculteurs, il est question de tenir compte des problèmes des éleveurs ET des besoins des marmottes. Dans « José Bové raisonne comme un éleveur », j’écrivais : « Tous les marchands de vérités simplistes doivent remplacer leurs OU par des ET. Il y a de la place pour le pastoralisme ET pour des écosystèmes équilibrés, pour les animaux domestiques ET pour les animaux sauvages. Il faut écouter les avis des habitants des montagnes ET ceux des citadins. C'est le principe d'habiter ensemble, de co-habiter !»)
Le sophisme que les tenants du déterminisme économique nous ont attaché autour du cou, collectivement et dont nous devons à présent nous débarrasser, c’est l’idée que l’économie détermine tout l’usage de la terre. Ce n’est pas le cas. Une foule innombrable d’actions et d’attitudes, qui comprennent peut-être l’essentiel de toutes les relations à la terre, sont déterminées par les goûts et les prédilections de l’utilisateur bien plus que par son portefeuille. L’essentiel de toutes les relations à la terre demande un investissement en termes de temps, de réflexion, de talent et de foi, bien plus qu’un investissement financier. Dans l’usage de la terre, on est ce que l’on pense. »
Baudouin de Menten
« Stratégies d’influences naturalistes pour un monde plus libre, plus juste, plus vert et plus solidaire »