Poésie du samedi, 53 ter (nouvelle série)
Quand la météo ne va pas, quand je cours vers les lieux où il ne pleut pas, je consulte les augures et souvent je retrouve les leçons de Louis Guillaume, poète du temps qu’il fait… La fois précédente, c’était pour saluer le solstice d’hiver (Poésie du samedi, 18). Cette fois-ci, alors que je me sens enlisé dans la problématique du feu comme en une terre nourricière, il s’agira évidemment de la pluie avec ce poème dont le titre, Le feu mouillé, est un sommet : plus oxymore, tu meurs ! Dommage que le mot « feu » ne brûle pas, il nous serait baume revigorant…
Le feu mouillé
à Gaston Bachelard
Très loin sous l'eau le feu est allumé
le feu des pluies trouant la lucarne des mers.
Mille saisons de sécheresse
ont en vain tenté de l'atteindre.
Lampe veillant en profondeur
ce feu mouillé derrière la vitre du rêve
ne veut pas dévorer les feuilles de la terre.
Pour lui l'arbre est fluide et l'herbe toujours souple.
Le sel liquide brûle et pourtant vivifie,
les jardins ravagés donnent toujours des fruits,
la braise de la joie coule mieux que les pleurs.
Loin dans le temps l'hiver allume sa mansarde.
Les fleurs du jour qui tombent dans la nuit
les larmes d'or que la mer engloutit
forment l'humus où germent les soleils.
Sur tout l'onde éternelle étale son glacis.
La vie, la mort sont une énorme flamme.