L'Islam radical manque de relais intellectuels

Publié le 16 octobre 2012 par Bernard Girard
Dans un livre écrit à la suite des émeutes de 2005, Banlieues, Insurrection ou ras-le-bol?, je soulignais le silence des jeunes révoltés dont la parole avait été confisquée par des représentants de la bourgeoisie beurre en phase de promotion sociale. 7 ans plus tard, la situation ne s'est pas améliorée. Les jeunes révoltés n'ont toujours pas trouvé de voix pour exprimer leur révolte. Aucun intellectuel n'a pris la plume pour les défendre, pour justifier leur engagement en Afghanistan ou en Syrie, pour donner à leur révolte du sens.
Lorsque dans les les années trente, des jeunes gens allaient se battre en Espagne contre le fascisme, ils trouvaient des défenseurs en France. Même chose dans les années cinquante, lorsque d'autres jeunes gens portaient les valises du FLN ou, plus tard, lorsque d'autres encore, prenaient fait et cause pour le maoïsme ou les khmers rouges. Rien de tel aujourd'hui avec les jeunes révoltés des banlieues qui, à l'image de Mohammed Merah, n'entretiennent de relations qu'avec des policiers.
On se plaint souvent, pour la regretter, de la disparition des intellectuels. A voir les dérives de ces jeunes gens qui les conduisent à des attentats, à des meurtres ou à une plongée dans la délinquance ou la drogue, on comprend mieux le rôle qu'ils ont pu jouer. S'ils disaient des bêtises (et Dieu sait s'ils en ont dites), ils ont aidé les jeunes révoltés à penser leur révolte, à s'éduquer (à lire Marx, Lénine, Fanon…), à s'organiser mais aussi à prendre la parole et à s'intégrer dans le jeu démocratique. Ils ont noué des liens avec le reste de la société. Si la France a échappé dans les années 70 au terrorisme de la bande à Baader ou des Brigades rouges, elle le doit à l'influence apaisante de ces intellectuels, Sartre, Foucault… qui donnaient aux militants les plus radicaux d'autres solutions que la violence aveugle pour faire avancer leur programme.
On peut aujourd'hui regretter ou sourire des propos excessifs de tel ou tel représentant de l'extrême-gauche d'alors, on peut les dénoncer, reste qu'ils s'inscrivaient dans une structure débat qui confrontaient leurs auteurs à d'autres opinions. Les jeunes révoltés de nos banlieues d'aujourd'hui n'ont rien de tout cela. Parce qu'ils ne prennent pas la parole et que personne ne la prend pour eux, avec eux, ils s'enferment dans leur ignorance (du Coran ou de tout autre texte qui pourrait les aider à penser), ils vont chercher leur inspiration chez de piètres penseurs dont ils ne parlent même pas la langue et s'enferment dans la réaction la plus immédiate : la violence. Et cela les condamne à s'éloigner de plus en plus d'une société dont ils sont une "production" puisque nés, élevés et éduqués en France.
S'ils existaient, ces intellectuels ne seraient certainement pas commodes, ils nous obligeraient à nous interroger sur plusieurs de nos valeurs et, d'abord, puisque l'Islam semble être ce qui rapproche ces jeunes gens, sur la laïcité. On pourrait les accuser de tous les maux de la terre et les combattre, reste qu'ils nous forceraient à tenir compte de ces jeunes gens, de leurs aspirations et aideraient à les réintégrer dans une communauté nationale dont ils sont pleinement partie prenante.