La désormais possible élection de Mitt Romney à la présidence des États-Unis illustre la normalisation des mormons dans le pays, comme les catholiques avec Kennedy.
Par Michel Gurfinkiel.
Article publié en collaboration avec le Bulletin d'Amérique, un projet de l'Institut Coppet.
La plupart des Américains assurent qu’ils ne tiendront pas compte de cette appartenance religieuse au moment de voter. De même qu’ils n’ont pas tenu compte de la race d’Obama en 2008. Mais que valent ces affirmations« politiquement correctes » ? D’après un sondage Gallup, 5 % des Américains ne voteront en aucun cas pour un Noir ; le rejet atteint 6 % pour une femme, 7% pour un catholique, 9 % pour un juif, 10 % pour un Hispanique ; mais dans le cas d’un mormon, il atteint 22 %. Une enquête Pew donne un chiffre plus élevé encore : 25 %. Et un sondage Quinnipiac indique que 36 % des citoyens se sentiraient « mal à l’aise » devant un président mormon. Contre 13 à 15 % seulement dans l’hypothèse d’un président catholique ou juif.
Le mormonisme peut être considéré, à bien des égards, comme la religion américaine par excellence. Il est né aux États-Unis, voici près de deux cents ans. Ses livres saints – le Livre de Mormon, publié en 1830, censé être un « Troisième Testament » , mais aussi de nombreux autres textes mystiques publiés par la suite – ont été rédigés en anglais. Ses prophètes, Joseph Smith Jr. et Brigham Young, étaient américains. Sa ville sainte, Salt Lake City, se situe aux États-Unis. Et l’Utah, un État du Far West, constitue sa terre sainte.
Mais par ailleurs, le mormonisme a quelque chose de bizarre, sinon même de subversif. Il a longtemps pratiqué la polygamie. Jusqu’en 1890, il tentait de faire de l’Utat un État théocratique indépendant, en marge de l’Union américaine. Certaines de ses cérémonies religieuses se déroulent dans des temples majestueux – reconnaissables des flèches culminant à plus de cent mètres – mais fermés aux non-adeptes. L’Église est organisée de façon pyramidale ; les membres lui versent en principe 10 % de leurs revenus et lui doivent, à l’âge de vingt ans, deux années de « service religieux », d’apostolat, aux quatre coins du monde. Enfin, les mormons pratiquants s’abstiennent de toute substance excitante : drogue, ce qui ne saurait être blâmé, mais aussi alcool ou tabac …
Leur théologie ne suscite pas moins de questions. Les mormons se réclament de la Bible et de Jésus. Mais leurs livres saints prêchent une religion radicalement nouvelle, selon laquelle chaque être humain est appelé à devenir Dieu. Pour la plupart des prêtres et pasteurs américains, ils ne sont pas vraiment des chrétiens.
L’un dans l’autre, cependant, le parti républicain a fait de l’ « évêque » Romney son candidat. Dans la mesure où ses caciques ont les yeux fixés sur les simulations de vote, cela signifie que les mormons ont finalement été acceptés en tant que citoyens « normaux » et présidentiables, au delà ou en dépit de leurs particularités. Rejoignant les catholiques, qui avaient attendu jusqu’en 1960 pour qu’un des leurs – John Kennedy – devienne président, les juifs, définitivement banalisés avec la candidature du sénateur Joe Liebermann à la vice-présidence, en 2000, ou les Noirs, adoubés avec Obama en 2008.
La clé de cette normalisation ? Le comportement dans la vie quotidienne et dans la vie publique. En tant que mormons, les mormons sont « bizarres » : mais vu de l’extérieur, c’est le cas de toutes les religions. En tant que voisins, collègues, patrons, employés, électeurs, élus, ils ont en revanche appris, tout au long du XXe siècle, à être des Américains comme les autres. Et même un peu plus que les autres. L’une des raisons pour lesquelles, en ce début du XXIe siècle, Romney a été investi par le parti républicain, c’est que 74 % des mormons votent républicain.
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