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Vandales et vandalismes (by Stefania)

Publié le 16 octobre 2012 par Lifeproof @CcilLifeproof

Piss-christAndres Serrano, Immersion, photographie, 1987 (l'artiste a realisé ce cliché en immergeant un crucifix dans un verre rempli de son urine)

Vous n’avez pas dû manquer, la semaine passée, la nouvelle de l’œuvre de Mark Rothko balafrée par un soi-disant artiste à la Tate Modern.

Cet événement, pourtant pas particulièrement passionnant, a entraîné en moi une réflexion sur l’expression personnelle, le rôle des musées dans la société, la place de l’art dans nos vies...

Si vous suivez un petit peu l’actualité de l’art, entre vols de tableaux célèbres et vandalisme, nous avons assez souvent notre dose de violence contre l’art. En France, les réactions provocatrices de Pierre Pinoncelli contre l’urinoir de Duchamp sont très connues (un coup de marteau en 1993, après y avoir uriné, et un autre en 2006), en Italie un crachat sur un « Concetto Spaziale » de Lucio Fontana fut découvert il y a deux ans à la Galleria d’arte moderna de Rome. Dans ce cas, le Corriere della Sera se hâta de souligner le prix du tableau (les « coupes » de Fontana sont parmi les œuvres les plus chères du marché italien), comme si la valeur d’une œuvre d’art coïncidait tout bêtement avec son prix.

Concetto spaziale
Lucio Fontana, Concetto Spaziale, 1968

Et puis il y a eu les deux clichés d’Andres Serrano exposées en Avignon l’année passée, le vernis rouge sur le doigt d’honneur de Maurizio Cattelan à Milan, ou encore le baiser sur une toile de Cy Twombly en 2007… la liste est longue!

Ce qui me paraît beaucoup plus intéressant est de s’interroger sur les raisons profondes de ces gestes pour essayer de les comprendre. Le but du vandale n’est pas de détruire une œuvre d’art (comme dans le cas de la destruction massive perpétrée par les Nazis, ou la destruction des Buddhas de Bamiyan par les Talibans…) : il ne s’agit pas de supprimer un ou plusieurs objets parce qu’ils sont contraires à des convictions politiques et/ou religieuses. Les photos d’Andres Serrano dont je vous ai parlé ci-dessus sont une petite exception: il s’agit en effet, selon ce que les auteurs du vandalisme ont déclaré, d’un acte de protestation (avec l’intention de les supprimer) d’un groupe d’intégristes catholiques, qui ont accusé l’artiste d’avoir produit des images blasphèmes.

Rothko
Mark Rothko, Black on Maroon, technique mixte sur toile, se trouve à la Tate Modern
Je crois que le vandalisme répond au fond à une exigence d’expression de soi-même, d’exhibition, la même pulsion qui pousse certains individus à s’enfermer avec des inconnus dans une maison surveillée 24 h sur 24 par des caméras dont les images sont retransmises à la télé, ou d’autres à publier leurs photos de vacances sur tous les réseaux sociaux ou encore d’autres à taguer des murs. Malgré l’avancée de la technologie, la mondialisation, la facilité d’échange et de mouvement, le besoin de se faire remarquer est toujours présent, voire plus fort que jamais, paradoxalement.

Et pourquoi s’attache-t-on à des œuvres d’art ? Parce qu’elles font partie d’un domaine sacré, ne serait-ce que par leur collocation dans un écrin fermé et contrôlé, surveillées par des gardiens hargneux ou des alarmes ultra-performantes. Toutes ces conditions, qui sont bien évidemment nécessaires à une conservation optimale des travaux, les éloignent énormément de leur public, c’est-à-dire de nous. L’accès à une œuvre d’art est la plupart des fois payant, difficile, long, malgré les efforts très louables des départements de médiation culturelle.

En plus de ça, regardez la place que les journalistes de la presse généraliste donnent à l’art : d’une part ils parlent d’expositions importantes (ce qui me paraît assez correct), mais d’une autre part ils s’étalent sur les prix du marché (soyez prêts, la FIAC commence cette semaine !), en les égrenant comme des records sans aucune explication.

Dans la tête du public, l’art résonne vite comme une chose étrangère, élitiste, une machine à sous pour des artistes malins, ou pire encore un poste dans les budgets de l’État. Et, pour les plus malicieux, du « foutage de gueule ».

Ensuite, il faut considérer les réactions scandalisées des bien-pensants face au vandalisme. Je vous avoue que ces répliques indignées « en défense du Beau » (comme si toutes les œuvres d’art étaient belles !) me semblent ridicules et anachroniques. Il est temps de changer de perspective, nous sommes en 2012 ! Les artistes ne sont plus des génies, des magiciens, des maudits. Ce sont des personnes comme nous, avec une vie normale, un boulot... L’art n’est pas le lieu où l’on crée le Beau, c’est un ring de discussion, une occasion de questionnement, une opportunité d’ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure.


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