Il ne suffit pas de disposer de moyens financiers importants pour lancer une compagnie aérienne, męme sur un marché prometteur : c’est l’échec cuisant de Kingfisher Airlines qui le rappelle ŕ qui veut bien l’entendre. La flotte de la compagnie indienne, lancée en mai 2005, est clouée au sol, les factures impayées s’empilent, le personnel est abandonné ŕ son sort depuis plusieurs mois. Mais, officiellement, tout devrait rentrer dans l’ordre dimanche prochain, grâce ŕ un miracle pour l’instant inexpliqué.
Vijay Mallya, apparemment en fuite, fait l’objet d’un mandat d’intéręt pour chčques sans provision, aprčs avoir nié la réalité comptable pour payer un retard de taxes aéroportuaires. En réalité, les dettes de la compagnie atteindraient l’équivalent de plus de 2 milliards d’euros et, quels que soient les critčres pris en compte, il est tout ŕ fait improbable de Kingfisher survive ŕ un tel désastre financier. Grandeur et décadence… Pourtant, Vijay Mallya n’est pas un Ťentrepreneurť comme les autres, sachant qu’il a construit un petit empire qui a permis ŕ une marque unique de se décliner avec succčs dans plusieurs domaines, ŕ commencer par celui de la bičre.
La compagnie aérienne, Kingfisher Airlines, et sa filiale low cost Kingfisher Red, avaient réussi une belle percée commerciale, dans un environnement marqué par une concurrence féroce. Plusieurs entreprises, au cours de ces derničres années, ont fait le męme constat, ŕ savoir que l’émergence d’une classe moyenne nombreuse, dans un pays de plus d’un milliard d’habitant, crée des perspectives importantes pour le transport aérien. D’oů des initiatives multiples, plus ou moins réfléchies et bien construites, par exemple IndiGo, SpiceJet, Jet Lite, Go Air, qui talonnent Air India et ses filiales.
Une étude de Boeing, il y a peu, évoquait ce devenir spectaculaire, rappelant que le PNB indien devrait dépasser celui des Etats-Unis ŕ l’horizon 2050, Ťune étoile montanteť. Ces perspectives économiques restent d’actualité mais Kingfisher n’en apparaît pas moins comme un recul rappel ŕ l’ordre : il ne suffit pas d’acheter des avions et inaugurer des lignes pour s’arroger une clientčle, sauf ŕ casser les prix. Le miroir aux alouettes indiens résulter ŕ n’en pas douter d’une vision simpliste du transport aérien, ce qui étonne de la part d’un homme d’affaires que l’on croyait avisé mais sans doute trop dispersé.
Kingfisher a rejoint cette meute il y a 7 ans, avec des moyens considérables et des ambitions qui apparaissent ŕ présent démesurées. Sa flotte comptait 63 avions, avant que des loueurs ne reprennent récemment leurs biens. Mais i faut surtout retenir que des commandes portant sur 92 appareils supplémentaires avaient été signées, qui portaient notamment sur des Airbus A380 et autres Boeing 787
En élargissant le débat, on découvre d’autres bonnes raisons d’étonnement. Quel peut donc ętre le cheminement de pensée d’un entrepreneur milliardaire quand il décide de créer de toutes pičces une compagnie aérienne ? Chacun sait, en effet, qu’il s’agit historiquement d’un secteur non rentable, qui plus est profondément cyclique, qui est tout sauf un placement de bon pčre de famille. Vijay Mallya aurait dű le savoir mais peut-ętre consacrait-il trop de temps ŕ United Breweries, United Spirit, ŕ la Formule 1, aux chevaux de course ou ŕ sa collection de voitures anciennes. Pour dire les choses simplement, ce n’est pas vraiment le genre de la maison Aviation.
Pierre Sparaco - AeroMorning