En soumettant le gain en capital à l’impôt sur le revenu, il est taxé plus fortement que les revenus du travail courant. Cette surtaxation du capital entraine des comportements court-termistes.
Par Florent Belon.
Taxer le travail comme le capital
Je pourrais rappeler que le capital est issu d’un travail originel, déjà soumis à fiscalité, et ainsi que toute taxation supplémentaire est une surtaxation. Ou encore que le capital est le sang d’une économie permettant d’irriguer et de développer l’ensemble de la musculature, soit le travail, qu’ainsi arrêter sa circulation ou le faire disparaître serait la conduite la plus inconséquente qui soit. Toutes ces affirmations sont justes et ont déjà été énoncées par moi et par d’autres encore sans doute dans des termes plus justes et précis.
Quand bien même on écarterait cet état de fait, soumettre au barème progressif de l’impôt sur le revenu les revenus du capital revient à les taxer plus que le travail. Cette situation est induite mécaniquement par le fait que le barème de l’impôt sur le revenu est progressif. L’ensemble des revenus au titre d’une année civile y sont soumis et tout revenu supplémentaire est taxé à un taux supérieur au taux moyen d’imposition des revenus déjà retenus.
Exemple :
- Perception de 50 000 euros imposable au titre de rémunération de son activité par un célibataire en 2012 imposition moyenne : 9 433 euros soit 18,86 %
- Imposition de 50 000 euros supplémentaires de gains en capital à l’impôt sur le revenu : impôt total de 27 642 € soit un surplus de 18 209 euros. La taxation de ces 50 000 euros est opérée au taux de 30 et 31% pour une imposition moyenne à 36,41 %.
En soumettant le gain en capital à l’impôt sur le revenu, il est dans mon exemple taxé deux fois plus fortement que les revenus du travail courant.
Le barème progressif pénalise fortement toute obtention de revenu complémentaire, issu du travail comme du capital, mais l’effet du capital est d’autant plus fort qu’il s’ajoute en principe à une rémunération de l’activité courante et en présence de plus-value peut s’avérer important.
Cette taxation plus forte est amplifiée par l’annualité de l’impôt. Si un revenu régulier s’étale sur plusieurs années et donc sur plusieurs barèmes progressifs, la taxation du capital peut s’opérer sur une seule année en cas de vente unique. Certes il existe un dispositif dit du quotient s’appliquant notamment aux revenus dits exceptionnels (article 163-0 A du Code général des impôts (CGI)). Néanmoins des conditions sont à remplir afin d’en bénéficier, notamment penser à opter dans sa déclaration de revenus, et quand bien même il s’applique, il n’a pas d’effet sur les contributions sur hauts et très hauts revenus. Lorsque le contribuable est déjà imposé à un taux très élevé comme 41 ou 45%, il n’aura peu ou pas d’effet. Ceci ne peut tout au plus que limiter la progressivité, mais non l’anéantir car le taux moyen de taxation du revenu supplémentaire restera supérieur au taux moyen d’imposition des revenus déjà retenus.
En outre, le coefficient retenu pour atténuer la progressivité est au maximum de quatre, alors que la période de capitalisation peut être bien plus longue. Pour en tenir compte, un abattement sur les plus-values mobilières serait instauré me dira-t-on ? Certes oui, mais aucun ne sera applicable avant 2015 selon le projet de loi, et les 40% promis pas avant 2025, si la loi existe encore. D’ailleurs, le Gouvernement précédent avait fait miroiter aux épargnants un dispositif d’abattement entrant en vigueur au plus tôt en 2012 et aboutissant au plus tôt à une exonération à compter de 2014. Il fut supprimé en décembre 2011 ! (article 150-0 D bis du CGI)
Oui un dispositif de différé d’imposition pouvant devenir exonération de l’impôt sur le revenu existe en faveur des contribuables cédant des participations détenues depuis au moins 8 ans dans une société dont ils détiennent au moins 10% des droits (nouvel article 150-0 D bis du CGI). Néanmoins reste la taxation aux prélèvements sociaux (15,5% en attendant le choc de compétitivité qui sera un choc fiscal de plus qui ne dit son nom) et le cas échéant à la contribution sur les hauts revenus (3 ou 4% selon).
Ensuite, les conditions de l’exonération sont adaptées à un fonctionnaire dont le plan de carrière est prévisible 20 ans à l’avance, moins à un entrepreneur. Le contribuable doit s’engager à réinvestir dans les 36 mois 80% de la plus-value nette de prélèvements sociaux, soit près de 68% de la plus-value imposable, dans la souscription au capital de PME dont il détient au moins 5% des droits, et surtout s’engager à conserver ces participations au moins 5 ans pour bénéficier de l’exonération définitive.
Imposer les revenus du capital de façon aussi lourde encourage le court-termisme
Adolphe Thiers a écrit un essai dénommé De la propriété, réédité en 2011, dans lequel il défend la notion de propriété comme un droit légitime, fondement de la civilisation et de son développement. Il reprend alors à la fois les éléments relevant du droit naturel et de l’utilitarisme avec un brio certain. Je ne sais cependant s’il s’agit d’une excellente synthèse de la pensée libérale de son temps ou si un ou plusieurs éléments sont originaux. Par parenthèse, je vous invite à lire l’introduction de cet ouvrage publié en 1848 dans laquelle il juge que le socialisme a déjà vicié l’opinion à cette époque ; cela laisse songeur quant à l’état actuel.
Thiers relève l’évidence selon laquelle en l’absence de propriété, l’individu n’a pas intérêt à faire prospérer une ressource dont il n’a aucune certitude de profiter malgré des efforts importants et soutenus. À la moindre inattention ou au moindre individu plus fort que lui il perdra tout bénéfice. Si cet état de fait était la règle aux temps antérieurs à la civilisation et au droit de propriété, on retrouve encore cette situation actuellement à propos des ressources sans propriété au sujet de la pêche, des forêts sans propriétaires etc.
De nos jours le droit de propriété existe formellement. Mais existe-t-il encore lorsque l’impôt a une vocation spoliatrice et de châtiment, assumée par de nombreux socialistes. Ils confondent alors injustices et inégalités.
Eh bien l’atteinte portée par l’impôt au droit de propriété agit d’une façon identique à la négation de la propriété. L’incertitude gagne le dénommé propriétaire dont le produit risque d’être accaparé. Il vit dans la crainte d’un nouvel alourdissement fiscal, d’une nouvelle spoliation. Il vend donc. Il mesure le coût et l’effort certains et parfois immédiat de s’impliquer de longues années avec comme récompense future et éventuelle un gain dont il sera en grande partie dépossédé, ou un gain immédiat, certes également taxé mais plus facile, moins risqué et surtout certain.
Cette fiscalité n’aura pour effet, toutes choses égales par ailleurs, qu’augmenter le coût du capital des entreprises. Les investisseurs, lorsqu’ils investiront, soit seront étrangers ou utiliseront des structures étrangères afin d'échapper à l'impôt, soit exigeront des performances financières à la hauteur des risques (ce qui est normal) et de la fiscalité. L’État aura alors beau jeu de constater, selon, un capitalisme apatride ou parti de l’étranger, un capitalisme ogre réclamant des taux de rendement élevé (mais moyen après fiscalité), ou une absence de financement des entreprises (dont il est le responsable) auquel il répondra dans le cadre de sa mission par une banque de financement irresponsable car financée par de la dette dont elle ne répondra pas, ou par la planche à billets, et dont les visées seront politiques et clientélistes.
En somme l’État continue à parfaitement jouer son rôle de pompier pyromane, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à brûler.
Quelques extraits illustratifs de De la propriété d'Adolphe Thiers :