Article initialement paru dans "La Revue Parlementaire" (septembre 2012) et sur Objectif Eco.
A noter qu'au moment du "bouclage" (mi Août), l'annonce de la sortie du
dispositif "Duflot" pour remplacer le Scellier n'était pas encore
connue, expliquant l'erreur de l'antépénultième paragraphe.
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L'encadrement des loyers renforcé
Auparavant, le loyer était libre à la signature du bail, mais ne
pouvait augmenter annuellement plus vite que l'indice officiel du
logement (IRL) qui suit peu ou prou l'indice officiel des prix à la
consommation. Rappelons que jusqu'en 2005, c'est l'indice des coûts de
la construction (ICC) qui servait de référence à la réévaluation des
loyers, non sans conséquences: l'ICC, de 1965 à 2000, a évolué bien en
deçà de l'indice des prix, aussi l'habitude a-t-elle été prise de
profiter du changement de locataire pour réévaluer les loyers à la
signature d'un nouveau bail.
Le changement d'indice n'a pas fait
disparaître cette singularité, car dans les agglomérations les plus
dynamiques, le prix du logement à l'achat tend à augmenter beaucoup plus
vite que l'inflation depuis 1997. Même si la hausse des loyers n'est
pas aussi importante, elle a tout de même atteint 50% à Paris au cours
de la dernière décennie, soit deux fois l'inflation. La hausse moyenne à
la relocation est de 8% à Paris et 5% dans le reste de la région Ile de
France (1). Le décret se propose de la limiter au niveau de l'IRL, soit
1.1% en 2011. Dans le cas où le précédent locataire était resté très
longtemps dans les lieux, induisant un loyer en retard par rapport au
prix moyen du marché, le rattrapage ne pourra excéder 50% de la
différence.
Comment les propriétaires réagiront-ils à cette nouvelle limitation de leur liberté contractuelle ?
Des rendements de plus en plus faibles
Aujourd'hui, le rendement locatif brut moyen d'un bien immobilier est
passé de 5% en 1997 à 2.5% en 2010 en région parisienne, et de 6% à
moins de 4% en province. Car si les loyers ont augmenté de 50% à Paris,
les prix à l'achat, eux, ont fait un bond de 149% dans la même période
(2). La moindre augmentation des loyers s'explique d'une part par leur
encadrement, d'autre part et surtout par la baisse des taux d'intérêts
rendant extrêmement compétitif l'achat par rapport à la location.
A ces rendements bruts déclinants, le bailleur doit retrancher une
fiscalité galopante : CSG (passée à 15.5% début 2012), impôts sur le
revenu, voire ISF... Il ne peut déduire que 14% de sa base imposable
pour travaux contre 30% avant 2004*. Il est donc compréhensible qu'il
essaie de profiter de toute "fenêtre de tir" en marché haussier pour
réévaluer le loyer de son bien, simplement pour que son capital
immobilisé continue de lui rapporter un peu. D'ailleurs, en cas de
marché baissier, les locataires ne se privent pas, tout à fait
normalement, de négocier des baisses, et personne ne songerait à les en
empêcher, fort heureusement.
Au départ d'un locataire, le
bailleur, s'il estime le plafond imposé par l'état trop bas, ne sera
aucunement obligé de relouer. Il aura comme alternative la revente, à
des niveaux de prix qui excluent totalement les ménages simplement
"moyens" aujourd'hui, ou la conservation d'un logement vacant, comme
réserve de valeur, car en ces temps d'incertitude sur le futur de la
monnaie, nombreux sont ceux qui préféreront conserver un actif tangible.
Des logements attractifs mais vacants
Revenons sur l'apparent paradoxe que constitue la présence simultanée
d'appartements vacants et d'une pénurie de bons logements, forçant les
loyers à la hausse et condamnant de nombreux ménages modestes à occuper
des logements insalubres, voire pas de logement du tout (3).
Sur
le 1.9 million de logements vacants que compte le pays (4), selon
l'INSEE, environ 22% ne sont ni en grande vétusté, ni dans une ville à
faible demande, ni mis en vente, ni bloqués par succession difficile, ou
en vacance temporaire entre deux locations. Ce sont donc environ 400
000 logements en zones "tendues" qui pourraient trouver facilement un
locataire mais que leurs possesseurs laissent volontairement vides.
Que les rendements locatifs faibles combinés à une fiscalité lourde ne
séduisent guère, soit. Malgré tout, le sens commun suggère qu'un
propriétaire devrait préférer un rendement faible à pas de rendement du
tout, ne serait-ce que pour payer sa taxe foncière. C'est sans compter
sur le risque que constitue, aujourd'hui, un locataire mauvais payeur,
qui peut rester 18 à 24 mois dans son logement s'il est "bien"
conseillé, en usant et abusant des recours législatifs possibles. Aussi
les conflits pour non paiement de loyers sont-ils en progression
constante, et si 100 000 jugements d'éviction ont été prononcés en 2010,
nombreux sont ceux qui ne sont pas exécutés dans des délais
raisonnables. En outre, les mauvais locataires sont rarement les plus
soigneux: les propriétaires récupèrent souvent leur logement détérioré.
En cas de mauvaise location, non seulement le bailleur ne pourra pas
revendre le logement mal occupé, mais en plus, il perdra de l'argent. La
combinaison de l'encadrement des loyers et d'une grande protection des
mauvais payeurs a transformé l'immobilier en placement à la fois peu
rentable et de plus en plus risqué... Un signe qui ne trompe pas: les
investisseurs institutionnels, qui ont représenté jusqu'à 25% du marché
locatif privé dans les années 70, n'en représentent plus que 3%
aujourd'hui.
Les familles modestes pénalisées
Le renforcement de l'encadrement des loyers ne peut que renforcer la
désincitation à la location des logements existants et à
l'investissement locatif. Ajoutons que compte tenu de l'orientation
idéologique du gouvernement, les propriétaires n'anticiperont
certainement pas un rééquilibrage des lois gérant la relation entre
propriétaires et locataires en leur faveur, accentuant la perception du
risque de perte sur investissement précédemment décrit.
Ces
premières mesures gouvernementales vont tarir un peu plus
l'investissement locatif et donc l'offre de logements décents et
abordables. En outre, elles renforceront les exigences des bailleurs
quant aux garanties exigées des aspirants locataires: cela nuira aux
familles les plus modestes, dont les prochains rapports de la fondation
Abbé Pierre souligneront, année après année, l'infortune croissante.
Les solutions que nous ne verrons pas
Nous avons vu que le privé ne serait guère incité à produire les 350
000 logements annuels rêvés par Mme Duflot. L'état n'aura sans doute pas
l'argent nécessaire pour financer les 150 000 logements sociaux
annoncés, et il est peu probable**
qu'il puisse renouveler des dispositifs de subvention de type "Robien"
ou "Scellier", ce qu'il ne faut pas regretter, tant ces béquilles
fiscales conduisent le plus souvent à une très mauvaise allocation des
ressources.
Les pistes explorées par le gouvernement se bornent à
rafistoler le triptyque "logement social - niches fiscales -
encadrement des baux" appliqué sans faiblir par la gauche comme la
droite depuis l'après guerre et qui a amplement prouvé son incapacité à
améliorer les conditions de logement des plus modestes. Un changement de
paradigme fondé sur une plus grande liberté des acteurs privés du
logement serait à même de renverser cette spirale de l'échec: une
libéralisation foncière non limitée au secteur public abaisserait
fortement les coûts du logement neuf (5), forçant l'ancien à revenir à
des niveaux raisonnables. Les loyers baissant moins vite, les rendements
locatifs redeviendraient plus attractifs, incitant les propriétaires à
ne pas laisser vide leurs logements, et les investisseurs, notamment les
institutionnels, à revenir sur un marché qu'ils ont depuis longtemps
déserté, et ce sans recours à de coûteux cataplasmes fiscaux.
Enfin, un moindre laxisme vis à vis des mauvais payeurs, loin d'être
inhumain, créerait au contraire une véritable incitation à la remise sur
le marché de logements attractifs mais aujourd'hui vacants, soulageant
la peine de ménages aujourd'hui maintenus à la porte du logement. Le
Québec, où l'on expulse rapidement les mauvais locataires, même en
hiver, ne connaît pas de pénurie de logement locatif, les ménages
modestes y trouvent à se loger sans avoir à présenter un paquet de
garanties, et les expulsions... y sont rares, les familles dont le
logement devient trop cher à la suite d'un coup dur financier trouvant
facilement à se reloger à moindre prix avant que l'huissier n'ait à
intervenir (6).
Dans un tel contexte, la demande d'intervention
sociale en faveur du logement se limiterait à des familles réellement
très modestes, à un coût raisonnable pour la collectivité, et ne
nécessiterait pas que l'état torde le bras aux élus locaux en menaçant
de multiplier par 5 (!) les représailles financières envers ceux qui
estiment que le salut en la matière ne passe pas par la discutable loi
SRU. Car non contentes de ne pas atteindre leurs objectifs, nos lois
jacobines, niant aux élus locaux le droit à rechercher des solutions
plus intelligentes que celles concoctées par les grands ministères, sont
une offense à la démocratie locale. Et si on osait la liberté pour
sortir enfin de la crise du logement ?
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* Un lecteur me signale que les pourcentages de déduction sont plus complexes en fonction du type de travaux et que la modification date de 2006 et non de 2004. Dont acte.
** Perdu ! Voir avertissement avant-texte
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Lire également:
La rubrique "Logement" du blog Objectif Liberté
La rubrique "Politique du Logement" d'Objectif Eco
"Contrôle des loyers, histoire d'une arme de destruction massive"
"Défiscalisation, un piège à cons nommé Scellier"
Le sénateur Charon dénonce les mesures Duflot sur le logement social
Mon livre "Logement, crise publique", en PDF gratuit
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