J’étais fan de Miller, mais ce n’est qu’un gros c… !
De son excellent run sur Daredevil à l’incontournable Sin City, en passant par Batman, The Dark Knight ou 300, Frank Miller a su étaler son génie au fil des années. Les attaques du 11 septembre 2001 ont cependant fortement marqué l’auteur, au point de l’inciter à écrire un comics intitulé Batman vs Al Qaïda. Refusé par DC Comics, c’est sous le titre de Holy Terror que l’album verra le jour chez un tout nouvel éditeur, Legendary Comics, provoquant une grande polémique dès sa sortie. Alors que le film islamophobe L’innocence des musulmans n’a pas encore fini de faire parler de lui et que les caricatures du Prophète refont la Une de Charlie Hebdo, Delcourt rajoute un peu d’huile sur le feu, en publiant la traduction de cette œuvre particulièrement controversée.
L’album s’ouvre sur une poursuite langoureuse entre deux personnages costumés, que les habitués de Gotham City identifieront immédiatement comme Batman et Catwoman. La présence d’un ersatz du capitaine Jim Gordon, un peu plus loin dans le récit, ne fait d’ailleurs que confirmer la filiation de base du projet. Si, en se limitant à un affrontement violent entre les gentils super-héros et les méchants terroristes, le scénario est finalement très basique, il est malheureusement également saupoudré d’une bonne couche anti-islamiste qui écœure au fil des pages.
En dédiant ce livre au réalisateur hollandais Theo Van Gogh et en débutant ce pamphlet manichéen par une phrase attribuée au prophète Mahomet : « Si tu croises l’infidèle, tue l’infidèle », Miller donne immédiatement le ton de cette croisade douteuse. Faisant allègrement l’amalgame entre Islam et terrorisme, se perdant dans des stéréotypes haineux, effaçant toutes nuances, stigmatisant les musulmans et soutenant des idéologies nauséabondes, l’auteur s’enfonce au fil des pages et se noie dans une haine aussi aveugle que stupide.
Alignant une multitude de portraits de victimes anonymes des attentats, jusqu’à ce que les cases disparaissent petit à petit, abandonnant le lecteur face au vide, Frank Miller met son immense talent au service d’une rage toute aussi grande, mais oublie malheureusement de proposer autre chose que de la vengeance à cette colère. Présenté dans un format à l’italienne qui n’est pas sans rappeler celui de 300, l’album propose de superbes planches en noir et blanc, parsemées de quelques touches de couleur, comme c’était déjà le cas dans Sin City. D’un trait tranchant et d’un coup de crayon rageur, Frank Miller exprime toute sa fureur et démontre une nouvelle fois toute sa maîtrise au niveau du jeu de lumières. Mais cet esthétisme impressionnant n’excuse évidemment pas un scénario navrant, partisan et de mauvais goût.
La réponse de Miller au drame du World Trade Center n’est donc pas vraiment un hymne à la tolérance et véhicule des idées nauséabondes, mais permet néanmoins d’exprimer les peurs profondes de l’auteur et de l’Amérique profonde.
Ceux qui cherchent une excuse pour s’attaquer à cette propagande douteuse, pourront certes le faire « Au nom de la liberté d’expression », mais en espérant qu’ils se contenteront d’en apprécier le graphisme… au nom de la paix !