Martin Bidouré - jeune républicain , coupable d'avoir pris les armes pour la défense de la République, fut fusillé à Aups sur la Place du Jeu de Paume à l'instigation du Préfet Pastoureau, le 14 Décembre 1851.
Des lecteurs, désireux de mieux connaître l'insurrection, se doivent de connaître Martin Bidouré, originaire de Barjols, figure emblématique de la résistance varoise au coup d'Etat.
Voici donc quelques rapides indications :
"Comme l'écrivait Irène Astier au sujet des insurgés, "c'est l'engagement dans l'action qui fait le héros, et ce titre ne peut être refusé à aucun de ces modestes Varois ; si le Barjolais (Bidouré) a été désigné pour les symboliser tous, ce n'est pas pour sa jeunesse, ni pour son rôle dans cette expédition, mais plutôt à cause de sa mort tragique due à l'acharnement et à l'inhumanité de ses bourreaux".
Louis Ferdinand MARTIN est né à Barjols le 24 août 1825. Son père François Martin est un scieur de long, originaire d'Apinac (Loire), et installé à Barjols . Sa mère, Magdelaine Agnelly, est née à Barjols dans une famille de cultivateurs.
En 1851, Ferdinand Martin, dit "Bidauré" ou "Bidouré" est cordier de chanvre à Barjols. Il part avec le puissant contingent des insurgés de Barjols. Le 9 décembre, alors que le gros des insurgés est dans Aups sous le commandement de Duteil, Martin fait partie du détachement qui, sous le commandement d'Arambide, prend position sur les hauteurs de Tourtour afin de contrôler la route de Draguignan.
Le 10 au matin, les chefs républicains sont dans l'indécision.
Montant un cheval prêté par le maréchal ferrant de Tourtour, Jean Joseph Blanc (qui sera condamné à la déportation en Algérie) , Martin ( dit Bidouré) est envoyé à Aups porter un message à Duteil : Arambide demande des ordres. Martin repart vers Tourtour avec un billet de Duteil demandant à Arambide de rejoindre Aups. Pendant ce temps, la colonne militaire, commandée par le colonel Trauers et le préfet Pastoureau, surprend à Tourtour le contingent insurgé, qui se débande.
Poursuivant sa route vers Aups, la troupe rencontre Martin qui galopait vers Tourtour. Blessé d'un coup de pistolet à la tête, et de plusieurs coups de sabre, Martin est laissé pour mort sur le bord de la route. Peu après, la troupe surprenait les insurgés à Aups et les mettait en déroute . Dans l'abondance d'informations, vraies ou fausses, sur l'insurrection, que publie la presse aux ordres du pouvoir, l'interception de Martin tient une bien mince place. Tout au plus mentionnera-t-on qu'une estafette chargée d'un ordre pour les insurgés avait été fusillée sur la route d'Aups à Tourtour.
Ce sont les républicains exilés à Nice qui feront connaître le drame dans sa totalité. Certains d'entre eux publient une feuille répandue clandestinement dans le Var, L'Echo du Peuple. Sur la foi de renseignements provenant d'Aups, dont ceux donnés par Martin lui-même avant son exécution, le journal (8 juin 1852) donne sa version de la mort de Martin.
Voici la version des Républicains : "Intercepté par les gendarmes à cheval, Martin est conduit devant le préfet Pastoureau qui l'interroge sur les raisons de sa course. Le préfet saisit un pistolet que portait Martin et le lui décharge sur le côté de la tête. Martin est ensuite sabré par les gendarmes et par un gentilhomme du Luc qui accompagnait la troupe. On avait trouvé sur Martin le message de Duteil à Arambide : réalisant que les insurgés sont à Aups, et non à Salernes comme on le croyait, les militaires pressent l'allure. Laissé pour mort, Martin est abandonné au bord de la route.
Plusieurs heures après, Martin reprend connaissance, il se traîne jusqu'au proche domaine de la Baume : le fermier le recueille, mais, apprenant la défaite des insurgés à Aups, il le dénonce le soir même auprès du maire d'Aups, qui fait transporter le blessé à l'hôpital d'Aups. Martin y est soigné par les sœurs, sous la surveillance des gendarmes. Le lendemain 14 décembre, après avoir pu parler à plusieurs personnes de sa connaissance, il est fusillé par les militaires. Les soldats doivent s'y prendre à deux fois pour l'achever."
La diffusion de ce journal clandestin était certes confidentielle. Elle eut cependant suffisamment d'impact pour que le thème de la double mort de Bidouré soit repris en 1853 par l'avocat et journaliste , Maquan.
Dans les dernières années de l'empire, le fantôme de Bidouré ressurgit dans la grande offensive républicaine qui accompagne la libéralisation de l'édition et de la presse. Comme l'écrit Maurice Agulhon, "L'une des armes de cette lutte fut l'histoire : rappeler aux anciens, et apprendre aux plus jeunes, le péché originel de Napoléon III, ce coup d'état du 2 Décembre qui fut un parjure personnel et un scandale juridique accompagnés d'un déchaînement démesuré de vengeances politiques et sociales au profit du "parti de l'ordre".
Les enquêtes historiques du journaliste républicain Tenot, de 1865 à 1868, des articles retentissants comme celui de Jules Claretie, dans Le Figaro en 1868, l'ouvrage de Noël Blache en 1869, font de la double exécution de Martin le symbole d'une répression abominable, faute initiale et impardonnable du régime. Sous la Troisième République, transcendant les divisions entre opportunistes, radicaux ou socialistes, Martin Bidouré fera dorénavant partie de la mythologie républicaine du "Var rouge".
Une souscription lancée peu après le cinquantième anniversaire de l'insurrection permettra l'érection du monument de Barjols, monument devant lequel la population manifestera contre l'occupant nazi et ses complices français, unissant l'hommage aux insurgés républicains et l'idéal patriotique de la Résistance."
Source: Bulletin de l'association 1851