In Another Country, de Hong Sang-soo

Par Celine_diane

[AVANT-PREMIERE] 
Isabelle Huppert est Anne. Trois fois. Trois femmes, qui composent les trois saynètes ludiques et légères du nouveau film du coréen Hong Sang-soo (The Day He Arrives, Les Femmes de mes amis, HA HA HA), sorte de triptyque où le lieu unique (la station balnéaire) apparaît comme une métaphore de la vie d’un côté, une réflexion sur la création de l’autre. Les trois personnages qu’elle incarne, sont alors comme autant de variations du soi ; ce qu’elle expérimente à Mohang (l’infidélité, sa rencontre fortuite avec un maître nageur- Yu Junsang- son errance) se répète à chaque fois, boucle infinie et variable. Une manière singulière de signifier l’immuabilité de la destinée d’abord (quoiqu’il arrive, l’héroïne n’évite pas ce qui doit arriver), et l’immensité des possibles créatifs, ensuite : via l’écriture (et cette jeune coréenne qui scénarise le récit), via le rêve et l’imaginaire, et, via le cinéma bien sûr. Pas étonnant donc que Hong Sang-soo multiplie les zooms voyants sur ses personnages, les surprises filmiques, les jeux de correspondance avec le spectateur : il veut prouver que, finalement, la vie et le cinéma- intimement liés- ne sont que deux immenses terrains de bricolage. 
Le concept, lui, ne s’essouffle pas sur les 90 minutes que durent le long-métrage : en trois temps, le coréen déroule un humour ponctué d'atypisme et de poésie, parsemé d’absurde, s’amusant de ses redondances, détours, redites. A l’image, on assiste à un double processus de création : celui de l’artiste, celui de l’héroïne. Voir In Another country, c’est un peu comme voir un auteur raturer ses phrases en direct, gommer ce qui ne va pas, proposer- encore et encore- une même exploration hypothétique des sentiments et des possibles. C’est voir également la toujours surprenante Isabelle Huppert incarner tour à tour trois figures féminines, ombragée, frivole, perdue. Un trio de femmes pour une seule actrice, qui s’essaie à la vie comme il peut, abattant à chaque fois ses cartes pour un résultat quasi similaire. Comme si, au final, l’être humain n’était de toute façon qu’un acteur, régi et dominé par une puissance bien plus forte que lui.