Les jeux vidéos: peut-on parler d’addiction? – Michael Stora – #afirne

Publié le 14 octobre 2012 par Allo C'Est Fini

Michael Stora, psychiatre.

Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines

Critères cliniques:

  • Il ‘agit avant tout de garçons. Peut-être que les filles / les femmes ont un rapport différent au plaisir inutile. Il faudrait que les garçons aient des plaisirs utiles pour que les femmes aient des plaisirs inutiles…
  • Il s’agit souvent de garçons « idéalisés »: un haut potentiel actuel, auquel ses parents s’adressent comme un mini adulte. Cet enfant a un statut d’adulte dans sa famille. Il est pré-adolescent la plupart du temps, vit seul avec sa mère, ou père absent physiquement ou symboliquement (pères aux réactions infantiles).
  • Mère déprimée qui a fait de son fils le dépositaire de ses humeurs
  • Chute du niveau scolaire ou événement déclencheur: chômage, séparation, etc. Ce n’est pas le jeu qui provoque l’échec scolaire. L’enfant doit continuer à se battre pour obtenir des récompenses et ne pas sombrer.

On est dans une société très liée à l’image, et à l’idée de gain, de victoire, de réussite. l’échec est négatif.

Avec la souris ou le smartphone, la main est devenue la métaphore du moi, dont le but est de serré le monde dans son poing fermé.

Les MMO: les mondes massivement multijoueurs: world of warcraft ou dofus en France. Il n’y a pas de fin, et c’est extrêmement chronophage. On doit faire allégeance à la guilde. Il faut être présent au moins 3 fois par semaine, entre 21h et 1h du matin.

Ex:

Il y a le désir d’être un autre, de sauver le monde, d’être le sauveur. Mais aussi d’être un autre qui est à la fois soi-même.

Il y a une notion de rituel: on progresse par niveaux. Ces rituels ont disparu de notre société, notamment en France: le bac, le service militaire, ont disparu. On cherche des réponses que la société et la famille ne proposent plus.

Jouer en soi est une chose tout à fait saine. Mais chez ces joueurs, la mort n’apparaît pas à la mort de l’avatar, mais lorsqu’on éteint l’ordinateur. La caractéristique addictogène, c’est qu’il s’agit d’un monde persistent, qui a existé sans discontinuité depuis 7 ans pour WoW. C’est un espace qui leur évite de devenir adulte.

La crise d’adolescence s’accompagne par une crise de jeunisme des parents, qui acceptent d’être traités de « cons », mais pas d’être « vieux ».

Il y a aussi un sur investissement dans la perception visuelle, qui induit une fragilité narcissique.

Les blogs, les jeux vidéos, les réseaux sociaux, sont autant de révélateurs de pathologies narcissiques.

Le jeu vidéo, enfin, permet d’apprendre à perdre: première étape, avant d’apprendre à gagner.

Interview de Michael Stora, réalisée durant le colloque.