Durant la dernière semaine, à deux reprises j'ai eu la chance de pouvoir discuter avec des lecteurs ou de simples amoureux des lettres du concept "d'écrire l'Histoire". La première fois à l'occasion de la fête du livre de Sète, et la seconde, lors d'une conférence sur la Révolution Française à Montferrand.
Au cours de la préparation de ces deux rencontres, me replongeant dans Ricoeur et Valéry, je me suis mis à décortiquer la notion même d'Histoire pour en arriver, à chaque fois, à la conclusion que l'Histoire n'est qu'une invention, une interprétation, une reconstitution. Car même si sur la base de témoignages, d'écrits, de preuves, nous savons que certains faits, certaines paroles, certains évènements sont certains, rien n'est jamais vrai de ce que nous savons puisque l'Histoire a été "écrite" par d'autres.
Bien sûr, la méthodologie historique garantit une certaine exactitude scientifique à la manière dont nous concevons le temps passé, mais l'Histoire ayant toujours été écrite, depuis Hérodote, Thucydide ou Polybe et jusqu'aux Annales, par les vainqueurs, comment ne pas écouter la clairvoyance de Valéry lorsqu'il clame que "L'Histoire justifie ce que l'on veut ?"
Pire, comment, dès lors que l'on se place du côté de l'écrivain, "écrire l'Histoire" en cherchant le subtil mélange entre vérité historique et vraisemblance romanesque ? La question me semble irrésoluble, et il s'agit avant tout d'une volonté de fixer, à un moment ou à un autre, le curseur.
Pour ma part, sans me revendiquer comme historien de la Révolution Française, j'applique cependant vis-à-vis de mes lecteurs un contrat moral. Rien qu'ils ne liront dans "Le Complot des Salines" ou dans "Echec au Roy" ne vise à travestir les faits d'une réalité qui a fondé notre modernité. Et si jamais les aventures du Commissaire Castilhon, ce flic des Lumières qui fait ses premiers pas dans le théâtre bouleversé de 1789, profitent des zones d'ombre de la grande Histoire pour en faire apparaître une petite, il s'agit avant tout comme écrivain de narrer l'histoire de cet évènement qui fut, en réalité, un Avènement.
Peu de périodes peuvent se voir appliqué la formule d'Edgar Quinet qui parle de la Révolution Française comme un "moment qui a ramené sur terre la foi en l'impossible". Voilà pourquoi, tant du côté scientifique que du côté romanesque, l'historiographie ou le roman ne pourront jamais se lasser d'en écrire et réécrire l'Histoire !