Vouloir être heureux, bien fou qui veut l’être !
Jamais le bonheur ne tient dans nos mains.
J’ignore pourquoi, Dieu le sait peut-être,
Nous le poursuivons par tous les chemins.
Nous nous enivrons d’amour et de gloire ;
La gloire et l’amour sont des vins de feu :
Plus on en a bu, plus il faut en boire !
Ce n’est jamais trop ; c’est toujours trop peu.
Ou bien nous courons après la fortune,
Et, toujours courant, nous n’entendons pas
Les feuilles des bois tomber une à une
Et nos plus beaux jours s’enfuir à grands pas.
Vouloir être heureux, bien fou qui veut l’être !
Aujourd’hui n’est pas plus sûr que demain.
Il serait plus doux, plus sage peut-être,
De nous arrêter au bord du chemin,
Et, nous étendant au pied des grands chênes,
Le dos dans la mousse et les yeux au ciel,
De médire un peu des choses humaines,
D’un front sans colère et d’un cœur sans fiel.
Henri WARNERY (1859-1902) poète suisse romand.
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