International, sécurité et éducation. Trois terrains où
l'équipe Hollande réussit à convaincre. Mais sur la fiscalité ou le budget, la grogne est là, vraiment là.
Et l'on devine l'influence du ministre déléguée au budget.
François Hollande s'est envolé en Afrique, au Sénégal. Il a
prononcé « l'autre discours de Dakar », celui qui devait nous
faire oublier celui de Nicolas Sarkozy de juillet 2007. Nous étions fiers. En 2009 déjà,
Ségolène Royal était allée laver l'affront et le déshonneur. A
Dakar, Hollande n'a pas hésité à évoquer les fautes du colonialisme, un antisarkozysme diplomatique bienvenue:
« L'histoire
que nous avons en commun, elle est belle, elle est rebelle, elle est
cruelle. (…) Notre histoire est aussi celle d'une fraternité
[...]. La France se souvient qu'en 1914 et en 1940, elle a pu compter
sur le soutien de nombreux Sénégalais. La France se grandit
lorsqu'elle regarde lucidement son passé. »
La Françafrique était-elle finie ? Oui, répète-t-il. Ces
rencontres avec toutes sortes d'autocrates l'été dernier avaient
fait jaser jusque dans ses propres rangs. Rompre avec la Françafrique
signifie encourager la démocratie, ne plus célébrer ni soutenir,
surtout militairement, les potentats locaux, fermer sa porte aux
officines et aux intermédiaires douteux. Hollande l'a donc à
nouveau assuré: « Je ne suis pas venu en Afrique pour imposer un
exemple, ni pour délivrer des leçons de morale. Je considère les
Africains comme des partenaires et des amis. L'amitié crée des
devoirs, le premier d'entre eux est la sincérité. Nous devons tout
nous dire, sans ingérence mais avec exigence.»
Après Dakar, François Hollande s'est envolé pour Kinshasa.
Quelques militants humanitaires s'inquiètent du geste. L'autocrate
local multiplie les violations des droits de l'homme. Mais Hollande,
justement, a publiquement prévenu de la position française à son
égard: les élections de novembre 2011, applaudies par Sarkozy,
« n'ont pas été regardées comme étant complètement
satisfaisantes ».
La semaine s'est ouverte sur le choc d'une vague d'arrestations. Une douzaine de personnes interpellées partout en France, l'une d'entre elles riposte et est abattue, des explosifs dans un local. Ces islamistes-là, car ils l'étaient, visaient visiblement gros. Manuel Valls appelle à la mobilisation. Il utilise encore un vocable à la Guéant, surtout au congrès du syndicat de police Alliance. Il évoque des « ennemis en notre sein ». Le Figaro s'en émeut. La gauche morale aussi, l'expression est détestable. Jean-François Copé, en difficile posture pour ravir la présidence de l'UMP, n'a plus d'arguments. On appelle cela trianguler l'adversaire. Valls est le plus populaire des ministres de l'équipe Ayrault/Hollande, à en croire les sondages.
Mardi, Hollande parle éducation. Son ministre Peillon est là. On clôture une large concertation, des centaines d'ateliers de réflexions et quelques mesures à l'arrivée. Après le renfort de 43.000 recrues l'an prochain, voici la semaine des 4 jours et demi, le numérique dans les classes, et il promet que « les devoirs se feront désormais à l'école »
Jeudi, Nicolas Sarkozy fait sa rentrée, devant un parterre de banquiers et de chefs d'entreprises, invités par une banque brésilienne. Chaînes et radio d'information avaient dépêché un tel dispositif qu'elles en étaient devenues ridicules. Nous ne voulions plus parler de Sarkozy mais celui-ci s'invitait, à coup de conférences richement tarifées et de scandales judiciaires. Deux autres dossiers avancent. Les juges s'inquiètent de ces rendez-vous secrets à répétition entre l'ancien monarque et l'ancien procureur et ami Philippe Courroye dans le cadre de l'affaire Bettencourt. Et l'association Anticor vient de déposer une nouvelle plainte contre Patrick Buisson pour les centaines de sondages politiques financés sur deniers publics pour la cause politique de Sarko.
Le véritable évènement de la semaine était cependant fiscal. Le
projet de Loi de Finances 2013, et son complément relatif au
financement de la Sécurité Sociale, se dévoilent et s'étudient.
Chacun y trouve matière à satisfaction ou critique. La polémique
des Pigeons s'est à peine calmée cette semaine. Le gouvernement a
concédé la poursuite d'exonération pour les plus entrepreneurs
d'entre eux. Le recul est davantage cosmétique mais la gauche
s'impatiente. L'équipe Hollande voulait avancer dans l'apaisement
et la concertation mais c'est visiblement peine perdue.
Jérôme Cahuzac est un drôle de larron. Le patron de Bercy a
maintenu en poste le très sarkozyste directeur du Trésor, pour
mieux jouer les pères-la-rigueur avec tous les ministres. On sait
bien que la manipulation des simulations budgétaires et statistiques
est un exercice aisé pour qui les contrôle. Arnaud Montebourg s'en
est publiquement agacé. Et Jean-Marc Ayrault a préféré confier à la députée Karine Berger le soin de réfléchir à la fiscalité de l'épargne financière...
L'ancien chirurgien Cahuzac a aussi eu le scalpel fiscal inégal. La
justice n'accompagne visiblement pas tous les efforts de
redressement. Nous aurons des prélèvements tous azimuts, soit. L'efficacité des prélèvements à assiette large n'est plus à démontrer. Seulement se pose aussi la question de la justice. Rappelez-vous, Nicolas Sarkozy a été défait en mai dernier.
Notre confrère Politeeks s'indignait ainsi à juste titre de la
stabilisation du coût des niches fiscales: encore plus de 70
milliards d'euros en 2013, comme en 2012. On croyait que le candidat
nous avait promis de sabrer dedans... Le
trop faible rabot annoncé des niches fiscales est inexplicable.
Mais il y avait plus symbolique et détestable: le barème de
l'ISF a été certes toiletté, mais il ne sera pas, loin de là,
aussi sévère qu'avant la réforme Sarkozy. Primo, le Conseil
constitutionnel avait imposé un plafonnement de l'imposition – une
sorte de retour au bouclier fiscal tant honni, même si nous nous
situerons sur des hauteurs bien différentes de la générosité
sarkozyenne précédente. Secundo, les équipes de Moscovici/Cahuzac
ont été bien clémentes avec les seuils et les taux d'impositions.
Tertio, quand le rapporteur socialiste Christian Eckert fait adopter
un amendement réintégrant les oeuvres d'art « non exposées
au public » et au-delà de 50.000 euros de valeur dans
l'assiette de l'ISF, voici tous les ministres concernés – les uns
après les autres, qui protestent.
Comme le détaille avec précision et chiffrage le blogueurMelclalex, l'ISF version Hollande rapportera 1,3 milliard d'euros de
mieux que l'ISF version Sarkozy, que ce dernier avait pourtant allégé
de 2,3 milliards.
Mais pourquoi donc cette clémence en ces temps de redressement
national ?
On devine la réponse, l'habituel chantage à l'exil fiscal. Qui
restera donc patriote ? N'est-ce pas la Grande Crise ?
Où est passé Roosevelt ?