ils ne sont pas aptes à vivre
ils sont peut-être des ombres
on ne les voit pas ou peu
parfois il leur prend l’envie d’être
ils se mettent à crier
à gesticuler
mais ils ne peuvent se défaire de leur sort
il y a tant de silence en eux
ou trop de lucidité
il y a quelque chose en tout cas
qui les empêche d’être
ils aimeraient parfois
pouvoir se dissoudre
se mêler aux éléments
devenir parfaitement invisibles
ne plus être
mais l’instinct de la vie
les en empêche
ils sont peut-être des ombres
et ils doivent
demeurer à l’abri
des foules,
de la nuit,
du cycle du feu et des jours,
des autres,
du fouillis des sentiments,
des fêlures des corps
ils sont ainsi
ils n’y peuvent rien
ils ne sont pas aptes à vivre
sauf parfois
quand leurs paumes
qui sont aussi
des versets
accueillent le sang
de la mort confisquées
*
ce n’est pas un trou
ni un vide
c’est un lieu
au-delà des mots
qui ne s’explique pas
qui est peut-être la mort
ou son présage
mais peu importe
il est en lui
depuis toujours
comme une ombre
enchaînée à sa peau
un autre en lui
son souffle enclavé
dans sa matière
et il déferle parfois
le repousse aux limites
il ne demeure alors
qu’un brin de nuit
qui le retient
à la vie
mais c’est de ce lieu
que les mots émergent
la poésie est sans doute
la nécessaire
rançon
de l’absence
Umar Timol