Bruce Wayne choit
On doit pouvoir mesurer l'inventivité d'un scénariste à l'aisance avec laquelle il sort ses héros des situations insolubles dans lesquels ils les a plongés. À cette aune Scott Snyder ne vaudrait pas tripette, en tous cas, si on se borne à lire ses débuts sur Batman. Après une ouverture presque totalement inutile et encombrée d'emphase sentencieuse se voulant profonde, l'on voit
Bruce Wayne tombant dans le vide, projeté du haut d'une tour... Ça semble vraiment foutu pour lui, il n'a pas son costume et en plus il a trois couteaux plantés dans le corps (1 dans l'avant-bras droit et 2 à la jointure des bras et des épaules). Bruce Wayne trouve d'ailleurs ses projectiles particulièrement bien placés :
"en plein dans mes artères brachiales. La douleur et l'hémorragie m'empêchent de saisir quoi que ce soit pour stopper ma chute". De plus il nous précise que même s'il pouvait attraper quoi que ce soit, sa
"vitesse de chute est telle [qu'il]
y laisserai[t] [s]
es bras". Le suspens est à son comble. Que va-t-il se passer ? Comment va-t-il s'en sortir ? On tourne la page... Toujours tombant Bruce Wayne assène avec ses bras sanglants une volée de bourre-pifs à un adversaire costumé qui chute curieusement à côté de lui. Puis Bruce se rattrape à une traditionnelle gargouille, se rétablit sur ses pieds et regarde le méchant s'écraser au sol, tout ceci en parfaite contradiction avec ce qui a été énoncé avant.
Batman se prend un coup mais ne perd pas de dents
Le pire est que les auteurs nous refont le coup un peu plus loin. Batman se fait transpercer le tronc par une grosse lame, puis tabasser efficacement. Il est épuisé, sous-alimenté et drogué... Le suspens est à son comble, comment va-t-il s'en sortir ? On tourne la page... Batman décide que ça commence à bien faire, il se relève en colère et fout une branlée à son adversaire. Un sursaut de volonté comme ressort scénaristique.
C'est un peu comme dans une cour de récré.
— Pan ! T'es Mort !
— Aaaaarghh !
(s'écroule dans un geste théâtral, puis se relève) Ouais, mais en fait non, je ressuscite.
Moi il m'en faut un peu plus pour m'extasier. Je trouve que ces nouvelles aventures de Batman ne commencent pas très bien. En plus, sous prétexte de permettre à de nouveaux lecteurs d'accrocher à l'univers, tout le monde à pris un sacré coup de jeune... Ce fait, cumulé avec une certaine imprécision dans le dessin de Capullo abordant les physionomies, n'aide guère à la différenciation des personnages masculins. Batman et ses trois Robin sont ainsi difficiles à distinguer autrement que par leur gabarit, à la manière des matriochki, les poupées russes. L'autre gentil milliardaire qui veut postuler à la Mairie de Gotham –Lincoln March– (et dont on découvrira vraisemblablement qu'il n'est pas aussi sympa que ça) a ainsi la même tête que Bruce.
Reste une très belle séquence dans le labyrinthe où j'ai l'impression que les auteurs se sont donnés à fond et qu'un peu étonnés par leur performance, ils se sont retrouvés haletants et en sueur dans l'attente des applaudissements qui ne manqueront pas d'arriver, tels ceux des parents à la fête de l'école.
Batman : La cour des hiboux
de Scott Snyder et Greg Capullo, Urban comics, 176 pages, EAN : 9782365770415, 15€ en neuf. Chez nous un exemplaire à 12€... Aaah pas tout de suite Alecs vient de l'emprunter, alors qu'il l'avait déjà lu.