C’est une bombe qu’a dégoupillée l’USADA avec ses révélations sur l’organisation de dopage mise au point par Lance Armstrong et son entourage au sein des équipes US Postal et Discovery Channel.
Une véritable organisation mafieuse parfaitement structurée, avec ses pourvoyeurs, ses convoyeurs, ses relais, ses planques, ses complices et son boss qui régnait comme un parrain de la camora, usant de l’intimidation à l’interne et en course. Le Français Bassons et l’Italien
Simeoni peuvent en témoigner.Mais l’agence ne va pas assez loin dans sa désignation des complices. Qu’en est-il de la responsabilité et de l’implication du manager Johan Bruyneel et surtout de l’attitude de Hein Verbruggen, l’omnipotent président de l’Union cycliste internationale durant toutes les années du règne de l’extra-terrestre texan ? Il apparaît que Bruyneel, actuel manager de l’équipe RadioShack (les frères Schleck, Cancellara, etc), était au courant de tout le programme de dopage. Il en était la tour de contrôle. Il poussait les coureurs à s’adresser au docteur Ferrari pour entrer dans le système. Il les prévenait même des contrôles à venir, et comment aurait-il pu le savoir s’il n’avait lui-même bénéficié de complicités en haut lieu ?
Mis en place par Armstrong, Bruyneel était en symbiose avec son leader. Ex-coureur de Once, il a été à formé à l’école du sulfureux Manolo Saiz et a tissé sa toile dans toutes les coulisses du cyclisme, au point d’endevenir l’un des personnages influents. Un réseau de relations très dense et très utile pour anticiper sur les problèmes et sauter les obstacles, permettant ainsi à Armstrong d’être le roi du steeple-chase malgré des casseroles qui auraient logiquement dû alerter les dirigeants de l’UCI.
Au lieu de cela, Hein Verbruggen a imposé la politique de l’autruche. Armstrong était le meilleur ambassadeur qui soit pour amener au vélo les Etats Unis et ses grands sponsors. Il l’a laissé faire la loi impunément. Une démission devant des évidences qui sautaient aux yeux de tous, alors que le dirigeant hollandais est pourtant l’homme du grand chambardement qui a marqué le cyclisme dans les années 90 : disparition de la FICP (fédération des professionnels) et de la FIAC (fédération des amateurs) au profit de l’UCI,
création des classements UCI, nouvelles catégories d’âges, mondialisation, Pro Tour, etc.
Mais c’est aussi pendant ses quatorze années de présidence (1991-2005) qu’a sévi le dopage à l’EPO avec en point d’orgue le scandale de "l’affaire Festina" (1998), ce qui n’a pas empêché par la suite Armstrong et les siens de mettre en place un organisation encore plus sophistiquée et redoutable. Et cela malgré les beaux discours officiels sur l’efficacité renforcée de la lutte antidopage !
Complaisance de l’UCI ? Complicité ? Il est incontestable qu’Armstrong a bénéficié d’un traitement de faveur, comme le soutient Pierre Bordry, l’ancien directeur de l’Agence française de lutte contre le dopage. Comment les dirigeants de l’UCI pouvaient-ils imaginer que l’Américain, après son cancer, réalisait ses exploits à répétition à l’eau claire alors que tous ses adversaires directs tombaient les uns après les autres pour dopage ?
En 1997 déjà, Verbruggen avait accepté que le Français Brochard, nouveau champion du monde, présente après-coup une autorisation antidatée suite à un contrôle positif à la lidocaïne ! Un précédent déplorable. Il y en aura d’autres, dont plusieurs concernant Armstrong, mais non sanctionnés. En 2001, par exemple, au Tour de Suisse, l’un de ses échantillons recèle de l’EPO mais l’UCI étouffe l’affaire et reçoit quelques mois plus tard un don important de la part de l’Américain reconnaissant, au point de remettre totalement en question la crédibilité de l’organisme faîtier… A cette époque, les deux hommes se téléphonent souvent. « Allo, Hein ? This is Lance calling… »
Aujourd’hui c’est à Pat McQuaid de gérer l’héritage de son prédécesseur. Un véritable cadeau empoisonné qui le met lui et l’institution dans une situation délicate. Car le nouveau président irlandais a toujours prôné la fermeté pour que les sanctions contre les fraudeurs soit appliquées avec rigueur par les fédérations nationales compétentes. Cette fois, c’est à l’UCI de se montrer déterminée dans sa décision, sous peine de se ridiculiser définitivement aux yeux du monde entier.
Bertrand Duboux