Aprčs l’échec EADS/BAE, voici le temps de la réflexion.
Les médias n’ont jamais compté autant de spécialistes de l’industrie aérospatiale et de Défense. D’innombrables spécialistes ont un avis tranché sur chacune des mille facettes de l’échec des négociations qui devaient conduire ŕ la fusion d’EADS et BAE Systems. A les lire, ŕ les écouter, plus rien ne sera comme avant, il y aura un avant et aprčs dans la foulée du soi-disant historique Ťneinť de la chanceličre allemande Angela Merkel. Il faut néanmoins témoigner d’un minimum de patience, prendre le temps de la réflexion et chercher ŕ comprendre ŕ qui profite le diktat berlinois.
Premičre remarque, EADS ne peut en aucun cas ętre considéré comme le perdant du dossier. Et Thomas Enders n’a en rien démérité : il a saisi une opportunité et, s’il ne l’avait pas fait, son manque de réactivité lui aurait certainement été reproché. Il est heureux que, dčs le 11 octobre, le conseil d’administration du groupe lui ait témoigné de sa totale confiance. C’était évident, cela allait mieux en le disant et en le faisant savoir urbi et orbi.
Affirmer qu’EADS va devoir infléchir sa stratégie, la repenser, revient ŕ aller beaucoup trop vite en besogne. Certes, il lui faut tendre vers un meilleur équilibre entre activités civiles et militaires et, pour ce faire, seule une politique de croissance externe est envisageable. Et EADS en a les moyens, grâce ŕ un solide trésor de guerre. Dans le court terme, ce sera business as usual, grâce ŕ un carnet de commandes qui lui donne ce qu’il est convenu d’appeler une bonne visibilité. Le paradoxe : les dépenses militaires sont en berne en Europe et aux Etats-Unis mais le groupe est moins sensible que d’autres ŕ cette régression …parce qu’il dépend moins que les autres des budgets de Défense.
Aujourd’hui, ce sont les dirigeants de BAE qui ont la gueule de bois tandis que ceux de Finmeccanica vont s’efforcer de prouver qu’ils sont capables de dresser les contours d’une vraie stratégie. Londres, tout d’abord : EADS apportait la réponse ŕ une question que les Anglais n’avaient pas encore posée : comment construire un avenir prospčre malgré l’érosion des dépenses militaires ? Dick Olver, président, et Ian King, directeur général, avaient toutes les raisons de se féliciter de la proposition venue de Toulouse. Et ils savent que BAE ne pourra pas poursuivre sa route dans un splendide isolement.
La suite des événements suscite d’autant plus la curiosité. BAE va-t-il rechercher une solution outre-Atlantique ? Lockheed Martin, Northrop Grumman, General Dynamics pourraient-ils faire preuve d’intéręt ? Voire Boeing ? On se réjouit d’avance ŕ l’idée de suivre les nouveaux développements du dossier...
Le cas italien est encore plus complexe. En effet, le groupe Finmeccanica sort d’une crise de gouvernance, il est financičrement dans une mauvaise passe (2,3 milliards d’euros de pertes l’année derničre) et en manque d’affinités européennes. La Péninsule, depuis l’époque oů elle a tourné le dos ŕ Airbus, a choisi la plupart de ses partenaires aux Etats-Unis, pas toujours avec succčs. Alenia Aermacchi est embringuée dans l’extravagant et vacillant Joint Strike Fighter (F-35), reste proche de Boeing (787, notamment), a refusé l’A400M dans le vain espoir d’imposer le C-27J. Mais quelques atouts solides sont disponibles.
Finmeccanica, avec ou sans EADS/BAE, était en pleine réflexion. Ses dirigeants estiment sans doute qu’il y a place, en Europe, pour un autre groupe et sans doute vont-ils bientôt prendre leur bâton de pčlerin pour rendre visite ŕ leurs collčgues de Thales, Safran, Dassault. Chacun est au moins convaincu que ce n’est en aucun cas la fin de l’histoire, avec ou sans ŤHť majuscule.
Pierre Sparaco - AeroMorning