Jusqu’au 14 octobre, c’est le salon de l’Automobile de Paris. À cette occasion et compte-tenu de la passe plutôt difficile dans laquelle est plongé le secteur de la construction automobile en France, on aurait pu s’imaginer que le gouvernement aurait rivalisé d’inventivité pour permettre aux fabricants français d’améliorer leur situation ou de tirer leur épingle du jeu dans une conjoncture catastrophique. Eh bien bizarrement, non : avec une espèce de sadisme retors, il aura dépêché sur place son frétillant ministre du Dressement Reproductif, et, dans le même temps, bouillonné d’idées consternantes pour sabrer définitivement l’industrie automobile dans le pays. À vue de nez, c’est une réussite.
En fait, soyons bien clair : l’État est en guerre contre l’automobile de façon générale, et, si l’on s’en tient aux faits, contre l’automobile française en particulier.
Pour certains, j’en suis sûr, le terme de guerre sera trop gros : « peuh, ce h16, quel exagérateur mythomane ! » diront-ils (en allant chercher le dictionnaire pour vérifier l’orthographe de mythomane). Pourtant, lorsqu’on s’en tient aux faits, tout autre terme un ou plusieurs crans en-dessous semble inadapté.
Comment, en effet, ne pas voir, depuis des décennies, la guerre de tranchées qui se joue entre, d’un côté, les constructeurs et de l’autre le législateur quand, d’une part, on tente de tout faire pour offrir à ses consommateurs un véhicule plus sûr, plus rapide, plus confortable, et que de l’autre, l’Etat s’emploie à en rendre l’usage plus compliqué, plus dangereux et plus coûteux ? Comment ne pas noter qu’à chaque avancée des constructeurs dans la direction voulue par leurs clients, les députés et autres gouvernements, sous couvert d’économie d’énergie, de lutte contre la pollution ou pour la sécurité routière font pleuvoir une pluie serrée de réglementations, normes, taxes, assises, vignettes et autres pénalités ?
On pourrait prendre l’exemple du GPL et du gasoil. Bien que la combustion du second produise des particules assez néfastes pour la santé, l’Etat aura poussé les consommateurs, notamment par le différentiel de taxes avec l’essence, à se procurer des moteurs diesel. En parallèle, en ajoutant réglementations sur réglementations, le GPL n’aura jamais trouvé sa place. Mais à la limite, cet exemple est parfaitement anecdotique (encore qu’il n’en aille pas de même avec les poumons de millions de citoyens et la facture attachée aux soins qu’ils vont devoir prendre dans quelques années).
Depuis que la voiture s’est démocratisée, à chaque grande étape de sa pénétration sur le marché français, l’Etat aura tout fait pour rendre sa possession plus coûteuse : entre la vignette, temporaire qui dura des dizaines d’années, à la carte grise, fort coûteuse, l’obligation d’assurance en passant par les contrôles techniques, de plus en plus rapprochés, tout est fait pour que le symbole de la liberté de mouvement soit systématiquement entravé et que sa possession entame une part croissante du pouvoir d’achat.
L’installation frénétique de radars aura achevé de convaincre les automobilistes qu’à l’instar d’autres pigeons, l’Etat se fout comme d’une guigne de la prétendue sécurisation du réseau routier mais lorgne amoureusement sur les porte-monnaies de ceux qui l’utilisent. Il n’y a encore que les éternels gogos pour croire encore à la bienveillance du Léviétathan alors que ce dernier a décidé, l’année dernière, de retirer les panneaux indiquant la présence des gendarmes électroniques.
Plus récemment encore, l’obligation (aussi consternante que ridicule) de disposer d’un éthylotest dans sa voiture montre à quel point tous les moyens sont bons pour que soient fiscalement explorés tous les orifices du pauvre conducteur lambda. Je passe sur l’évidente collusion affairiste entre la société qui produit les bidules inutiles d’un côté et de l’autre les parlementaires qui poussèrent la loi scélérate dans les tuyaux de l’Assemblée : la France, ayant depuis longtemps sombré dans les affres de la corruption discrète et du capitalisme de connivence, n’est même plus à ça près, et l’apathie silencieuse de tous les conducteurs laisse présager de nombreuses autres vexations tant il semble facile de les sodomiser.
Devant pareille liste d’avanies, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la limite que s’imposera l’Etat à son intervention dans le domaine. Manifestement, nous en sommes encore loin et l’enveloppe des stupidités qu’il prépare contre les voitures et leurs propriétaires ne cesse de grossir : l’obésité législative, en France, c’est maintenant. Et je n’ai pas encore parlé de la limitation du périphérique parisien à 70 km/h, dont tout indique qu’elle débouchera sur une augmentation des bouchons, de la pollution autant sonore qu’aérienne — en parfaite contradiction avec l’objectif affiché — et un accroissement des accidents provoqués par un trafic plus souvent en accordéon. (Pour information, pendant ce temps, dans d’autres pays du monde, les limitations de vitesse sont revues à la hausse.) Tout comme pour la fermeture des voies sur berge, là encore, ne voyez pas d’incompétence dans le travail de ceux qui ont mis cette nouvelle restriction en place ; il ne s’agit, ici, que de méchanceté, gratuite, chimiquement pure. La voiture est un mal, une oeuvre du diable, que certains entendent écraser de leur botte certes fascisante mais surtout verte et rose.
On pourrait croire la barque (automobile) bien chargée. Il n’en est rien puisque le gouvernement y est allé de son petit coup de pelle derrière la nuque. Comme je le notais en introduction, on admirera le timing précis comme une lame de guillotine puisque c’est en plein milieu du Salon de l’Automobile 2012 que Hollande et sa clique de pieds nickelés gouvernementaux ont décidé de détailler les mesures qu’ils comptent mettre en place pour forcer les conducteurs Français (ces pourceaux pollueurs) à faire attention à leurs rejets de dioxyde de carbone.
Finement, ils ont décidé d’alourdir le principe du malus-malus (la notion de bonus a disparu depuis longtemps) dans des proportions qu’on qualifiera d’expiatoires tant elles tiennent plus du baroud d’honneur que de toute cohérence économique. Si la punition peut encore passer avec une taxe de 100 euros pour un rejet de 136 grammes de CO2/km, le dispositif perd les pédales (notamment de frein) dès 150 grammes, avec un tarif qui bondit à 1000 euros (contre 500 euros actuellement). En substance, les montants actuels sont doublés, chplaf. Pour 200 grammes de CO2/km, on atteint 6000 euros. Oui. 6000.
Et lorsqu’on voit l’effet que ces malalanus vont avoir, on reste pantois devant le véritable carpet-bombing que le gouvernement vient de réaliser ici : si l’on prend une voiture d’entrée de gamme comme le petit monospace Renault Modus (qui a le mauvais goût de cracher 179 g-CO2/km), le voilà alourdi d’un bon 2000 euros. La famille modeste ou moyenne, coeur de cible de ce véhicule, appréciera. Dans le haut de gamme, c’est, évidemment, un massacre (Une C8 ou une 807 se prennent 3000 euros de malus). Les Dacia (filiale « low-cost » de Renault) ne sont pas épargnés : le Duster, à 185 g-CO2/km, supporte 2600 euros de malus. Sachant qu’il est facturé 13900 euros, voilà qui va faire plaisir à l’heureux propriétaire.
De façon claire, une bonne partie des voitures moyennes gammes et tout le haut de gamme français va subir de plein fouet cette nouvelle grille. On peut toujours tenter de se consoler en disant que les coups de pelles seront aussi distribués sur les nuques des concurrents étrangers, en oubliant bien vite que ces étrangers, par définition, vendent sans ce magnifique handicap dans leur propre pays et dans d’autres, alors que le marché intérieur français constitue une part très importante du chiffre d’affaire des constructeurs hexagonaux. Pire : les efforts des constructeurs français de développer un début de haut de gamme crédible sont ainsi définitivement enterrés.
Fun fact : c’est dans ce même gouvernement qui vient de fusiller ainsi l’automobile française qu’on retrouve un certain Arnaud Dressement Montebourg Reproductif, frétillant défenseur de la veuve, de l’orphelin et de l’industrie française, notamment automobile. Si l’on s’en tient à ce qui se passe, un seul cri devrait rallier tous les ouvriers des sites en périls : « Messieurs du gouvernement, par pitié, ne vous occupez plus de nous ! »
Mais le pompon, c’est que tout ce foutoir mémorable et délétère ne sert à rien : une récente étude montre de façon difficilement discutable que la voiture électrique pollue finalement deux fois plus que les voitures produites actuellement. Et si l’on se rappelle que cette lutte ridicule contre les émissions de CO2 sont basées sur … du vent, on comprend que tout l’édifice de ponctions diverses repose exclusivement sur le besoin compulsif de taxer le conducteur.
Le but est simple, et les politiciens sont en passe (pour une fois) de l’atteindre : bousiller définitivement le marché de la voiture. Entre l’hypocrisie, la bêtise, l’incompétence ou la simple méchanceté de nos gouvernants, on a du mal à choisir.
En tout cas, à cause d’eux, ce pays est foutu.