Il y a quelques mois encore, cette perspective n’était qu’un vague espoir pour Aung Zaw, son rédacteur en chef. “C’est notre rêve de publier un magazine papier ou en ligne en Birmanie” avait-il avoué à l’AFP en février dernier. Le magazine, l’un des plus incisifs envers le régime de Naypyidaw, était contraint de publier depuis Chiang Mai, une ville située à 600 km au Nord de Bangkok, en raison de la censure qui pesait sur les médias depuis l’arrivée de la junte au pouvoir.
Depuis l’annonce de l’abolition de la censure sur la presse le 20 août dernier, les journaux exilés de Birmanie font peu à peu leur retour au pays natal : Democratic Voice of Burma, basé à Oslo, et Mizzima News, basé à New Delhi, ont déjà ouvert des succursales à Rangoun, tout en gardant leur siège social à l’étranger.
Liste noire Le récent retrait de 2082 noms de persona non grata de la liste noire birmane permet désormais aux journalistes étrangers de venir en Birmanie :
“Il n’y a pas de problèmes pour leur accorder des visas. Ils peuvent venir librement aujourd’hui” a déclaré Aung Kyi, le nouveau Ministre de l’Information, nommé le 27 août pour remplacer le très conservateur Kyaw Hsan.
C’est ainsi que Reporters Sans Frontières vient d’entrer en Birmanie, après 20 ans d’interdiction.
De même, la radio internationale de la BBC, la World Service British Broadcasting Corporation, envisage la possibilité d’ouvrir une antenne sur place et de travailler en étroite collaboration avec les médias birmans.
Aung San Suu Kyi à la Une On le voit, un changement sans précédent est en marche en Birmanie.
Une vague de réformes touche également les journaux d’Etat. A l’intérieur du pays, même la presse officielle, jadis entièrement contrôlée par la junte, fait l’éloge d’Aung San Suu Kyi. Le journal de propagande officiel The New Light of Myanmar mentionne pour la première fois son déplacement aux Etats-Unis, publiant en Une de son quotidien une photo de l’opposante birmane et du Président Thein Sein dans un hôtel de New York. Une image encore impensable il y a quelques temps, quand le seul nom de la Dame de Rangoun ne devait pas être évoqué.
Et ce n’est pas tout. Un nouveau projet de loi réformant celui de 1962 encore en vigueur sera très bientôt présenté au Parlement. Le Ministre de l’Information envisage même la possibilité d’accorder des licences à des quotidiens privés dès le début de l’année 2013. “Je crois sincèrement que les quotidiens privés sont essentiels dans un pays démocratique” déclare-t-il au Myanmar Times.
Même si, en matière de liberté de la presse, le pays est encore classé 169e sur 179 et que le chemin est encore long vers une libéralisation complète, un vent de liberté souffle sur les médias en Birmanie.
Après un demi-siècle de censures, d’arrestations et d’emprisonnements de ses journalistes, se pourrait-il que la presse birmane redevienne ce qu’elle était au lendemain de son indépendance? L’une des presses les plus libres d’Asie? On ne peut que l’espérer. Et l'aider de tout notre coeur. La démocratisation d’un pays se mesure aussi à la plume de ses journalistes.
Jeanne PERRIN
Jeanne PERRIN, membre de France Aung San Suu Kyi et diplomée de l'IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques), vient de rejoindre la Rédaction de www.aungsansuukyi.fr. Elle y traitera de géopolitique et de l'émergence des initiatives démocratiques en Birmanie.
Aung San Suu Kyi, site français d'information et de soutien à Aung San Suu Kyi et à la Birmanie / Myanmar