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Cycle Mungiu - 4 mois, 3 semaines, 2 jours

Publié le 11 octobre 2012 par Naira
Cycle Mungiu - 4 mois, 3 semaines, 2 jours « Gabita est roumaine, étudiante et enceinte, autant dire qu’elle est dans la merde jusqu’au cou. En fin de règne Ceaucescu, la Roumanie des années 80 n’est pas vraiment un havre de paix pour élever un enfant seule, tout en poursuivant ses études et en remboursant des dettes déjà trop nombreuses. Aidée par sa voisine de chambre, Otilia, Gabita fait appel à l’horrible Monsieur Bébé pour avorter. Elles le paieront cher. Très cher. »

Fini de rire. Après un premier long métrage plus léger en 2002, Cristian Mungiu durcit le ton cinq ans plus tard avec une deuxième fiction bouleversante, palmée à Cannes s’il vous plaît. Déjà qu’Occident était pas tellement jojo dans le propos, 4 mois, 3 semaines, 2 jours est carrément déprimant. Si le premier dressait un portrait peu flatteur de la Roumanie et de ses perspectives d’avenir pour une jeunesse qui en veut, le second rappelle la misère sociale d’une ère Ceaucescu, où il ne fait pas bon tomber enceinte, encore moins quand on n’a pas un rond et qu’on s’entasse à quatre par chambrée dans une résidence universitaire glauque, gangrénée par la corruption comme le reste de la société.

Alors, forcément, on comprend que Gabita soit prête à tout pour se débarrasser de l’indésirable enfant. Tout. On a bien dit tout. Même entraîner son amie, Otilia, dans sa mésaventure trash sans lever le petit doigt pour l’épargner.

Car c’est bien d’Otilia dont il est question, pas tellement de Gabita et de son avortement dans une Roumanie arriérée par le communisme. Gabita est trop moule, trop ahurie, pour agir alors que c’est son propre avenir qui est en jeu. C’est encore une adolescente attardée dont l’immaturité et l’inconscience vont précipiter le malheur. Sa voix fluette (comme Sorina, dans Occident ; à se demander pourquoi Mungiu choisit des actrices qui couinent) et son visage plaintif annoncent dès le début l’inertie qui est la sienne. En témoigne le premier mot qu’elle prononce : « D’accord. », sempiternel refrain de la résignation de la brune apathique tandis que la blonde se démène.

Brave Otilia, qui remue fiel et terre pour sortir de la mouise son assistée de copine. Courageuse Otilia qui court de gauche à droite pour emprunter de l’argent, réserver une chambre d’hôtel, rencontrer Monsieur Bébé, s’occuper de la mère avortée, faire acte de présence à l’anniversaire de Belle-Maman, revenir à l’hôtel, se débarrasser du fœtus. La caméra à l’épaule la suit dans cette course infernale faite de froid et de noir, la traque dans cette cavalcade sans fin qui ne lui laisse aucun répit, aucun moment pour penser à elle.

Dévouée Otilia, qui subit le pire pour assurer un peu de meilleur à sa copine, Gabita, et à son petit copain, dans une moindre mesure. Abnégation d’Otilia qui endure tout, presque sans broncher. Dans ces moments-là, plus forts, plus tristes, la caméra de Mungiu se stabilise. Ce n’est alors plus que succession de longs plans fixes qui encadrent Otilia comme autant de pièges invincibles. Exit l’esthétique publicitaire qui habitait Occident, ici la réalité crue exige ces plans fixes, sans concession, pour qu’apparaisse plus évident le sacrifice d’Otilia.

C’est elle la véritable héroïne du film. Omniprésente, elle crève l’écran, tangue sous les coups, mais relève la tête et ne se retourne pas. A cet égard, le dernier plan est sans doute le plus parlant. Otilia rejoint Gabita au restaurant de l’hôtel et lui fait promettre de ne plus jamais aborder le sujet qui les unit à jamais. Gabita promet. Elles se regardent silencieusement, puis Otilia tourne la tête et jette un bref regard caméra, l’air de dire : « La vie continue ». Et le film s’achève sur cette adresse imperceptible.

Si l’œuvre de Mungiu a le mérite d’aborder un thème délicat sans ménager le spectateur, d’offrir une plongée quasi documentaire dans la pauvreté des années Ceaucescu, il a pour principale qualité de montrer une nouvelle définition du courage.

Si la vue d’un fœtus ne vous dérange pas trop, le film se joue à Flagey jusqu’au 30 octobre dans le cadre du cycle consacré au cinéaste roumain.

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