Ami parent,
Un jour il me fallut confier mes enfants, dont moi seule -évidemment- connaissais intimement le mode d’emploi, à d’autres bras que les miens afin de reprendre une activité rémunérée et un peu moins éprouvante psychiquement que mère au foyer. Je lui faisais confiance, à Babette, et tout le monde fut très heureux.
Vint le jour où il me fallut confier mes enfants à d’autres encore que Babette: le temps de l’inscription à l’école était venu, même si je l’avais retardé autant que possible. A la base, je le faisais sans appréhension. Après tout, ils y sont en sécurité, n’est-ce pas? Et il n’y a, dans ma campagne reculée, que la forcenée qui conduit le bus de ramassage scolaire qui me file les jetons, à force de jouer à tamponne-poubelles et de prendre les rues du village et leurs tournants tellement vite que la Pili-Pili en vient à tomber de son siège malgré sa ceinture bouclée. Mais je fais confiance aux enseignants pour protéger mes enfants des graines de caïds qui ont parfois la bifle leste.
Ami parent, je me doutais que, plus grands, l’attrait d’une jolie veste neuve est parfois irrésistible. Je ne me doutais par contre pas que toi, tu ne te demandes pas une seconde où ton rejeton a pu se procurer cette veste, sans même chercher à vérifier à l’intérieur si elle ne porte pas le nom de l’un de ses petits camarades de classe.
J’appris bientôt que même pour quelques euros, l’ado parfois met ses scrupules dans son caleçon, quand il en sort la main. Parce que pas une fois, toi, ami parent, tu ne lui as parlé de ce qu’on peut ressentir quand on se fait dépouiller, même d’un truc apparemment sans valeur. Pour lui.
Je savais que pour un mauvais regard -un regard!-, parfois, ça tourne à la mauvaise baston, parce que toi, ami parent, as oublié d’apprendre à ton enfant la relativité des choses et la proportion des réactions, sans parler d’une certaine retenue et de la gestion des frustrations, qui devraient tout de même être acquises à l’entrée au collège. Education mon amour.
J’apprends, ces derniers jours, qu’au collège, il est aussi possible de se faire poignarder quand on dit à son petit ami qu’on veut reprendre sa liberté. Ami parent, de grâce, enseigne à tes enfants le sacro-saint principe « no zob in job », ou planque tes couteaux de cuisine, tu seras gentil.