Two Fingers, le projet initié par Amon Tobin et Joe Chapman n’est plus qu’une ôde à l’amour du Hip Hop. Laissé seul sur Stunt Rhythms, le brésilien chatouille là où ça fait mal : faire renaître le Hip Hop des cendres des beats et basses sous-évalués de notre musique d’aujourd’hui bâclée par un Dubstep devenu amuseur de foules.
Ne vous y trompez pas, Stunt Rhythms n’est pas un nouvel album d’Amon Tobin. Les amoureux de l’étoile de Ninja Tune y trouveront leur compte mais ne comparez pas l’alias Two Fingers avec le créateur d’ISAM. Sur le modèle de Fools Rhythm, une piste utilisée par Adidas pour ses spots TV mais surtout morceau emblématique du coffret célébrant les 20 ans du label Ninja Tune (XX), l’album est à l’image même de ce qui se fait de plus puissant dans le Hip Hop. Celui qui se joue de ses ancêtres, qui table sur la carte de l’innovation décomplexée et fraiche d’une musique jeune et inventive.
Si l’affiliation de Stunt Rhythms avec la Bass Music est évidente tant Amon Tobin affectionne les basses fréquences, il n’en est rien. Oui, on vibre et pour peu que vous soyez assez fous pour mettre les subs à fond vous risquerez à coup sûr un avant goût de Parkinson, Amon Tobin montre encore une fois qu’il est le meilleur pour torturer les genres. Sa touche personnelle inonde l’album mais on est bel et bien dans le projet Two Fingers. Et sans fioritures, il montre qu’il est à même de s’exporter ailleurs que dans son univers déjanté en proposant un album extrêmement propre et novateur.
Là où le génie frappe encore c’est que rien ne ressemble à cet album. On a beau essayer d’entrevoir une assimilation avec des courants proches de la Drum and Bass, on se retrouve toujours happé par une construction très proche d’un Hip Hop déjanté le tout sur-cadencé d’électro et de bizarreries que seul Amon Tobin est capable d’assumer.
L’introduction Strip Rhythm approuve ce sentiment. Amon Tobin n’est pas là pour experimenter, il vient vous frapper aux tripes dès la première piste. On ne rigole plus avec un micro pointé vers un microcosme gazouillant pour trouver le son parfait à incorporer dans un projet tel qu’ISAM. Amon Tobin tape ici dans le solide et le puissant. Mais le dieu Amon reste toujours soucieux du détail qui fera monter votre rythme cardiaque. Sur Razorback, on sent l’inspiration de la violence qui se mêle à la qualité de la production et au souci du détail. La décapitation de tout un pan d’histoire au profit du renouveau de la musique. Cette impression se retrouve sur la quasi-totalité de l’album.
Ceux qui ont eu la chance de pouvoir assister à son live ISAM ont déjà pu entendre quelques morceaux de cet album. Ces personnes ne me contrediront pas, ils font partis des moments les plus excitants du show. Un mix d’Amon Tobin spécial Two Fingers tiré du live et proposé par Big Dada met l’accent sur l’intégration du projet dans son show gigantesque.
The Beats, the Bass, the only things that matter.
Mon jugement sur cet album est certainement altéré par l’amour que je porte à l’artiste. Bien que Stunt Rhythms s’éloigne de l’Amon Tobin que j’adule, il serait insolent de considérer cette nouvelle sortie de Two Fingers comme une simple release. Nous sommes face à la partie décomplexée d’un artiste qui assume sa non-assimilation à un genre. Il est le premier à dire qu’il n’est pas un musicien mais un technicien du son. Il sait reconnaître chaque élément comme un atout non-négligeable à la réussite de la piste parfaite. Et avec ce projet il parvient à proposer une autre vision de sa musique.
Ceux qui sont réticents à l’univers organique du brésilien trouveront certainement leur bonheur chez Two Fingers, plus dansant et mélodieux que les expérimentations de haut vol de ses productions chez Ninja Tune.