Si tu pouvais renaître en nos terres nordiques,
Ô doux Nazaréen qu’on adore aujourd’hui,
Tu coucherais encore sur des branches de buis,
Et tu verrais chez nous des neiges pacifiques.
Mais en vain ton regard voudrait nous apparaître,
Car Hérode est toujours sur son trône jaloux
Et les pharisiens ne meurent pas chez nous :
Ceux-là ne pourraient pas, Jésus, te reconnaître.
Tes bras étaient ouverts sur la paille d’étable.
Nos gens te snoberaient avec ta pauvreté,
Car tu portais le sceau de toute humilité
Et tes parents n’avaient pas de pain sur la table.
Que ferais-tu dans ce pays, chez tes disciples,
Toi qui n’a pas aimé l’argent ni les honneurs ?
Comprendraient-ils jamais ton idéal bonheur
Ces possédants de biens si lourds de joies multiples ?
Tu bénissais l’amour, le parfum dans la brise
Et la vie saine et forte au bord du grand lac juif ;
De poisson frais et gras, tu remplissais l’esquif,
Et parlais à l’oiseau comme un François d’Assise.
Nos gens sont cramponnés à la morale morte
Et détournent les yeux de ce geste divin
Par quoi tu transformas de l’eau claire en bon vin :
Chacun de ces dévots te mettrait à la porte !
Mais quelque part au fond de natures honnêtes
Où fleurit en tremblant la fleur d’humanité,
Toi dont la chair portait toute la vérité,
Tu peux toujours venir chez nous passer les fêtes.
Jean-Charles HARVEY (1891-1967), poète québécois.
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