« L’amour lui avait si soudainement bondi dessus qu’elle pensait sérieusement que personne n’avait jamais analysé d’un peu près ce phénomène. Où en était-il question dans la littérature? Quelqu’un avait bien dû écrire quelque chose à ce sujet? Ça avait dû lui échapper. Il était temps de tout relire. »
La très belle quatrième de couverture
Comment l'amour traverse-t-il une vie marquée par une naissance, une séparation et une mort ? A son retour de la Seconde Guerre mondiale, Toby Maytree rencontre Lou, une jeune diplômée, qui se laisse séduire par ce charpentier-poète trentenaire. Ils se marient et s'installent au sein de la communauté d'écrivains et d'artistes non-conformistes qui ont élu domicile à la pointe de Cap Cod. Ils y élèvent leur fils, un temps aidés par Demy, leur amie bohème...Dans une langue économe et élégante, Annie Dillard raconte les décennies d'amour, de rêves et les désillusions de la famille Maytree. Elle fait ainsi de l'histoire de ce mariage à la fois exceptionnelle et universelle, minuscule et monumentale, un roman unique.
Annie Dillard fait passer le roman dans une autre dimension. L'auteure transcende l'écriture en atteignant des sommets narratifs d'une grande puissance émotionnelle. J'ai été éblouie par cette analyse subtile des liens conjugaux.
Ce qui nous lie aux autres, à l'existence, les fissures du couple, les fêlures de l'être, des petites touches douces amères, un tableau sans complaisance et d'une maturité exceptionnelle. Oui, c'est le terme juste. Maturité.
Chaque mot semble avoir mille ans, de nombreuses phrases essaimées sont à conserver précieusement, un guide de vie. Pourtant, il ne se passe pas grand chose dans ce roman et c'est justement ce qui le fait entrer dans la cour des grands.
Le banal est transcendé en force et en exigence. Le lecteur habite également dans cette cabane au bord de l'océan. Il assiste, impuissant et admiratif, au parcours des Maytree devenus les compagnons d'une route paradoxalement calme et tumultueuse.
L'amour des Maytree n'est pas accessible à tous – sans vouloir être élitiste. On risque de passer à côté, de se demander pourquoi tant d'éloges. Les secrets de l'écriture se nichent dans les petits détails.
Christian Bourgois, 277 pages dont la moitié sont cornées, 2008, traduit de l'anglais par Pierre-Yves Pétillon
Les premiers mots
« Un jour, il y a longtemps, les Maytree furent jeunes. Ils vivaient sur ce qui semble, encore aujourd'hui, la surface même de l'Antiquité : tout au bout du cap Cod, le « cap aux morues », cette sablonnière minérale exposée aux intempéries. La péninsule en cet endroit était plus qu'étroite entre deux plans d'eaux. Son altitude en moyenne était de quelques pieds au-dessus du zéro des cartes. »
Leurs jolis mots...