Lors de la séannce de questions au Gouvernement, ce mercredi 10 octobre, la ministre de l'écologie, Delphine Batho a déclaré : "le développement des énergies renouvelables rendra nécessaire la création de plusieurs milliers kilomètres de lignes à haute tension".
Le compte rendu intégral de la séance de questions au gouvernement peut être consulté ici.
Cette déclaration de la ministre de l'écologie est surprenante à plusieurs titres.
En premier lieu, la ministre était interrogée sur la construction de la ligne THT Cotentin-Maine qui aura pour principale vocation de desservir la centrale nucléaire de Flamanville. Il s'agit donc bien de THT. Or, la THT a d'abord pour fonction le transport d'une énergie nucléaire et centralisée.
En second lieu, la ministre reprend ici un argument généralement employé par les opposants aux énergies renouvelables : celles-ci ne présenteraient pas réellement d'avantage dés lors qu'elles doivent utiliser le réseau de distribution ou de transport d'électricité.
Or, rien n'est moins sûr. La vocation des énergies renouvelables est toute autre. Les installations de production doivent être conçues territoire par territoire, adaptées aux spécificités locales, conçues de manière à rapprocher le lieu de production du lieu de consommation. Distribution, décentralisation : la vocation des énergies renouvelables n'est pas nécessairement d'être mises en réseau. C'est en réalité un choix qui résulte pour beaucoup de la volonté de "plaquer" sur les énergies renouvelables un modèle étatisé développé pour l'électronucléaire.
En troisième lieu, la déclaration ministérielle n'y va pas de main morte : ce sont "plusieurs milliers de kilomètres" qui seraient nécessaires. Et ce au sein d'une réponse relative à une THT qui concerne en réalité, non pas un site expérimental d'hydroliennes mais bien une centrale nucléaire. Répondre à une question relative à une conséquence du nucléaire (le développement des THT) en faisant état des besoins supposés en lignes des énergies renouvelables est surprenant. Ce sont bien plutôt les EPR qui motivent ces nouvelles lignes THT dont l'esthétique semble moins poser problème que celle des éoliennes.
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Ligne à très haute tension Cotentin-Maine
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.
Mme Isabelle Attard. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
La ligne à très haute tension Cotentin-Maine acheminera l’électricité produite par le futur EPR de Flamanville. Elle est installée par Réseau de transport d’électricité, filiale à 100 % d’EDF, elle-même possédée à 84,5 % par l’État français, qui est donc responsable de ce chantier.
Dans ses brochures grand public, au chapitre « Les lignes très haute tension sont-elles dangereuses pour les riverains ? », RTE écrit : « Sous les lignes, prudence, restons à distance ». Du propre aveu de RTE, les lignes THT sont donc dangereuses – ce que suggèrent les trop rares études épidémiologiques sur le sujet. Pourtant, RTE construit cette ligne THT sans concertation avec les riverains, en n’hésitant pas à bafouer la loi.
Mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, si demain une entreprise venait chez moi, ou chez vous, abattre vos arbres, défoncer votre terrain, et construire un pylône de quatre-vingt-dix mètres de haut sans en avoir reçu la moindre autorisation, que feriez-vous ? Comme moi, comme n’importe quel citoyen, vous vous placeriez devant les bulldozers. C’est ce que les propriétaires ont fait : ils ont fini en garde à vue. Il est intolérable que des citoyens qui s’opposent légalement à un déni de leurs droits soient traités comme des criminels.
Jeudi 13 septembre 2012, la justice a condamné RTE pour voie de fait sur un agriculteur de la Manche. Demain, 11 octobre, d’autres propriétaires seront au tribunal face à RTE pour pénétration illégale sur une propriété privée. Quand nous parlons d’éoliennes, on nous oppose des problèmes d’acceptabilité largement fantasmés. En matière d’acceptabilité et d’impact sur le paysage, on fait preuve de beaucoup moins de précautions quand il s’agit de la THT. Nous refusons ce deux poids, deux mesures.
Madame la ministre, je pense que comme moi, vous désapprouvez la méthode de travail agressive de RTE. Mais quand annoncerez-vous la mise en place d’une réelle concertation entre RTE et les riverains, qui n’a que trop tardé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la députée, permettez moi d’abord de me saisir de votre question pour renvoyer M. Lamour au compte rendu officiel de la réunion de la commission des affaires économiques du 1er octobre dernier, que le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement a évoquée.
Madame la députée, vous savez que le Gouvernement ne peut commenter une décision de justice. L’infrastructure à laquelle vous faites référence est nécessaire. Vous avez évoqué l’EPR ; on peut évoquer dans ce secteur le développement¸ demain, d’hydroliennes qui rendront nécessaire le transport d’électricité.
Quant aux oppositions et aux contentieux en cours, le dialogue doit reprendre sous l’égide du préfet coordinateur.
En ce qui concerne les effets sanitaires, votre question concerne toutes les lignes à haute tension. Les études épidémiologiques montrent des associations statistiques entre l’exposition aux champs magnétiques de très basse fréquence et certaines pathologies, notamment les leucémies infantiles. Il s’agit d’un lien de corrélation, sans qu’un lien de causalité n’ait été établi d’un point de vue scientifique. Mais c’est ce qui à conduit le Centre international de recherche sur le cancer à classer les champs magnétiques de très basse fréquence dans le groupe 2B, ainsi qu’à la prescription d’une bande de cent mètres autour des lignes à très haute tension.
Vous le savez, trois rapports scientifiques avaient été établis en 2010 par l’ANSES, par l’Office parlementaire des choix techniques et scientifiques, et par le CGEDD. Aucune conclusion n’en avait été tirée. Tout cela a été discuté lors de la conférence environnementale. Nous avons souhaité que l’ANSES procède d’ici à la fin de l’année 2012 à une mise à jour de l’ensemble de l’expertise scientifique sur ce sujet, et d’ici à 2014, à l’actualisation des travaux scientifiques concernant notamment les conséquences pour la santé animale. Le Gouvernement tirera bien sûr les conséquences de ces études dans la mesure où, comme vous le savez, le développement des énergies renouvelables rendra nécessaire la création de plusieurs milliers kilomètres de lignes à haute tension. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)