L’âne et l’éléphant, par French Fry
Lady H. vient de commettre une boulette, une GROSSE, peut-être même une boulette FATALE. THE fatal boulette.
C’était hélas sans compter les caméras présentes sur le tarmac ce jour-là. Les images ont la vie dure et une mémoire d’éléphant… La magie d’Internet les a exhumées puis diffusées urbi et orbi en deux coups de cuillères à pot. Et voilatipa que ces archives dépeignent une toute autre réalité : un atterrissage réussi, une sortie d’avion sereine, Hillary vêtue pour la circonstance (un cache-poussière à faire pâlir le général Patton, et une paire de lunettes de soleil que Sarko lui envierait) suivie de sa fille Chelsea. Un groupe d’enfants est présent et Lady H prend le temps de saluer tout le monde. La cérémonie est simple (nous sommes en guerre après tout…), mais pas la queue d’un sniper…
L’Amérique découvre donc avec stupeur que Madame Clinton est présentement une grosse menteuse. Mentir : Le pire truc qui soit pour un candidat à la présidentielle. Mentir, « c’est pas bien », pas constitutionnel, pas chrétien, pas « fair ». Mentir, c’est ce qui a coulé Nixon et gros Bill, c’est aussi ce qui a dézingué Bush. L’Amérique déteste les mensonges. C’est connu. « I was sleep deprived and misspoke… » : vous ne rêvez pas c’est là toute son excuse. Traduction : « J’étais harassée, troublée, mes mots ont dépassé… ». Elle tente de mettre ça au compte du Night shift de la campagne et de ses nuits passées à enfoncer des épingles dans une poupée à l’effigie de Mr O.
Pour notre Dr Smile, le mensonge d’Hillary est une manne. Selon un sondage ABC News publié hier, la cote de la dame a plongé de huit points : seuls 37 % des électeurs Américains ont désormais une opinion favorable à son sujet, contre 45% il y a quinze jours. Il s’agit du taux le plus bas de cette campagne présidentielle. Avec 48% d’opinion défavorable, elle détient également le record du désamour pour un candidat jamais enregistré depuis 2001.
Plusieurs supers délégués non-alignés ont confié au New York Post que les fausses allégations de Madame H. pourraient bien les inciter à voter Obama à Denver, lors de la Convention démocrate de la fin août. Plusieurs autres personnalités ont aussi tenté de voler à son secours en affirmant que « tout le monde fait des erreurs ». Cette fois c’est un peu gros… Beaucoup ne l’entendent pas de cette oreille. Lady H. a tenté de ressortir un dossier classé et de charger Mr. O. en clamant qu’il aurait dû arrêter de voir Jeremiah Wright, son pasteur, après ses déclarations controversées : « si on ne choisit pas sa famille, on choisit son église et son pasteur… ». Là encore, grossière erreur stratégique que notre Barack a retournée comme une crêpe : il en a profité pour livrer un discours de haut vol sur les relations raciales aux Etats-Unis. Il a condamné les paroles du pasteur, mais réaffirmé son attachement à la personne qui « lui a fait découvrir la foi chrétienne ». Et paf ! À côté de ça, Hillary est donc la menteuse et l’oublieuse…
D’ailleurs, rappelons que Mr. O. n’a pas cédé un pouce dans le coeur des Américains. Malgré la polémique suscitée par les propos de son ami, il bénéficie toujours de 49 % d’opinions favorables (contre seulement 32%). Il est sorti vainqueur de la première crise majeure qu’il a rencontré dans cette campagne. Il était hier à Manhattan, dans le vénérable hall du Cooper Union, pour répondre à la véritable angoisse actuelle des Américains : l’économie. Bloomberg en personne est venu l’accueillir, rappelant que -148 ans auparavant- ce même pupitre accueillait un autre prétendant à la Maison-Blanche originaire de l’Illinois : Abraham Lincoln (rien que ça…).
Alors que l’Amérique assiste ces derniers jours à l’effondrement de la banque Bear Sterns, l’un des ex-fleurons de Wall Street, Barack-le-juste a déploré que l’économie ne soit plus qu’une succession de bulles (Internet, financière, immobilière) et non plus une émulsion stable. « Ce qui est mauvais pour Wall Street (NDA : la Bourse) est aussi mauvais pour Main Street » (NDA : la rue). « La gloutonnerie est une menace pour le marché. Nous ne pouvons pas laisser les salles de marchés et les lobbyistes de Wall Street dicter notre économie. » Pour renouer avec la « prospérité partagée », il se propose de reformer les institutions financières, trop« déconnectées de la réalité du 21e siècle ». Une enveloppe de 30 milliards de dollars est également prévue pour repêcher les petits Américains pris dans la tourmente de la crise immobilière. Bref, un discours culotté qui le place sur le vrai ring de la seconde partie de campagne.
Tout semble aujourd’hui difficile pour Hillary. Le parti a tranché : il n’y aura pas de nouvelles élections en Floride et dans le Michigan. Certains cardinaux du parti démocrate (la très respectée Mrs Pelosi par exemple) déclarent qu’il serait anti-démocratique que les supers délégués aillent contre le vote majoritaire des militants et des citoyens. A cela une missive signée des 20 plus gros donateurs pour les démocrates répond : « que Madame Pelosi garde ses commentaires sinon on stoppe les fonds »… tiens tiens tiens… Les gros bonnets sortent du bois et font carrément un chantage au fric ! Belle leçon démocrate de démocratie… Face à cela Barack ressemble de plus en plus à David contre Goliath : il a depuis les débuts de la campagne mis en place une souscription auprès des militants, des gens, des individus, et ça marche : il est le meilleur Fund raiser de cette campagne. L’argent du peuple contre l’argent des lobbies : de quoi alimenter la querelle et peut-être affaiblir un peu plus Hillary… et le parti…
Et McCain, dans tout cela ? Il s’exprimait, mercredi, sur la politique étrangère, et a campé sur ses positions (… elle est facile…) en défendant la présence militaire américaine en Irak. Sur la crise économique et les « subprimes », il déclare ne pas vouloir voler au secours « ni des groupes immobiliers peu scrupuleux, ni des emprunteurs irresponsables ». Old John se pose donc en patriarche sévère. Il vient de sortir sa première vraie pub de campagne officielle. Il construit son image. En face, les démocrates ont l’air très agités et irresponsables.
C’est ce qu’Howard Dean a bien compris lorsqu’il demande un arbitrage pour le 1er juillet au plus tard pour la désignation du candidat officiel. Il est vrai que plus les semaines passent plus la tension monte. En viendront-ils aux mains ?
Stay tuned !