Ce n’est pas exactement une partie de plaisir : un documentaire en noir et blanc, sans paroles ni commentaire, sur la visite d’un dignitaire religieux dans son pays d’origine. Mais l’humour de Thomas Heise, documentariste allemand, est une qualité qu’il aime à cacher loin derrière les images, assumant jusqu’à sa disparition.
Die Lage (la condition), sera présenté dans le cadre du festival du cinéma allemand, dont la dix-septième édition est organisé du 10 au 16 octobre 2012 au cinéma l’Arlequin, à Paris. Heise filme les préparatifs, les motards qui se forment en cortège, les techniciens qui mettent en place les barrières qui canaliseront la foule. Les plans larges montrent comment l’espace est réglé, quadrillé pour garantir la bonne marche de l’événement qui lui-même ne sera film que de très loin.
Heise ne s’intéresse guère à la ferveur religieuse, ni même aux exploitations politiques que suscita la visite pontificale organisée en 2011 en Allemagne. Il filme en géographe, fidèle à sa manière qui n’admet aucune autre médiation entre le matériau et le spectateur que les choix du filmage et du montage (avec parfois, de manière parsimonieuse, un peu de musique). Ni commentaire, ni contextualisation. Un spectateur asiatique, par exemple, peu familier des caractères latins et des langues européennes aura probablement le plus grand mal à déchiffrer ce film.
Ces parti-pris sont souvent fructeux. C’est le cas de Die Lage, mise en scène calviniste (par son austérité, par son intransigeance) d’un événement catholique. Le choix est entre l’abandon et la réflexion forcée. Si l’on choisit le deuxième terme de l’alternative, la vision du film de Heise forcera à penser la nature d’un de ces grands spectacles politico-diplomatico-religieux que sont les voyages pontificaux. L’avant-dernier film de Heise, Sonnensystem (le système solaire) appliquait cette méthode avec des résultats tout différents en chroniquant la vie d’une communauté agricole dans le nord de l’Argentine, portant cette fois le mutisme vers le lyrisme.
Aujourd’hui quinquagénaire, Thomas Heise a commencé à travailler en République démocratique allemande, sans jamais recevoir l’imprimatur du régime. Material, long film autobiographique qui refaisait le parcours qui l’a mené, lui et son pays, de la division entre socialisme bureaucratique et prospérité social-démocrate au libéralisme contemporain, a été salué dans le monde entier à sa sortie en 2009, sans pour autant être diffusé en France.
La présence de Heise au festival du cinéma allemand permettra de faire plus ample connaissance avec lui, le 13 octobre, après la projection de Die Lage, lors d’une rencontre en compagnie de Saskia Walker, l’une des responsables de la revue Revolver, qui a accompagné le renouveau du cinéma outre-Rhin ces dernières années.